Serge Romana (CM98) : « la Fondation Esclavage et Réconciliation envisage de construire un récit commun »

Serge Romana, président du CM98, sur le plateau d’Outre-mer 1ere (archive).
Des associations et diverses personnalités des Outre-mer ont créé la Fondation Esclavage et Réconciliation. Objectif : « construire une mémoire apaisée de l’esclavage en vue de développer des sociétés solidaires pour les générations futures ». Explications de Serge Romana, président du CM98.
« Des descendants d’esclaves, de colons, et d’engagés indiens ont décidé de s’engager dans une démarche déterminée de Réconciliation », a annoncé le 5 mai dans un communiqué le Comité Marche du 23 mai 1998 (CM98), qui est à l’initiative de la création de la Fondation. « Le constat effectué par les créateurs de cette fondation est que les sociétés ultramarines restent toujours bloquées par la prégnance d’une mémoire conflictuelle de l’esclavage. » « Refusant de subir le poids d’une histoire traumatique, lourde de ressentiments et de rejets », poursuit le texte, l’objectif de la future institution sera de construire « une mémoire apaisée de l’esclavage ».
 

Projet de Mémorial national des victimes de la traite 

La Fondation prévoit entre autres d’accompagner « les initiatives généalogiques, éducatives et culturelles qui garantissent le travail mémoriel dans le sens de la réconciliation », « d’amplifier les travaux historiques traitant de l’esclavage colonial et des sociétés post-esclavagistes », et de « promouvoir un tourisme mémoriel entre les départements d’Outre-mer, l’Hexagone et l’Afrique ». Dans cette perspective, l’institution doit annoncer le 23 mai le lancement du « projet de Mémorial national des victimes de la traite négrière et de l’esclavage colonial à Paris ».
 
Parmi les fondateurs et premiers signataires de l’institution, on trouve notamment, outre Serge Romana, président de l’association CM98, Bernard Hayot et Eric de Lucy, chefs d’entreprises, Serge Guézo, un prince d’Abomey (Bénin), Roger de Jaham, coprésident de l’association « Tous Créoles », et le journaliste Luc Laventure, ancien directeur des antennes de RFO.
 

"Reconnaître ce qui s'est passé"

« C’est le résultat d’un très long travail », explique Serge Romana à La1ere.fr. « Ce travail commence avec la question de l’esclavage et l’objectif de nous réconcilier avec nos propres aïeux. A la suite de ce travail nous avons souhaité que notre histoire ne puisse pas être l’objet de conflits qui durent à l’infini. Nous nous sommes alors rapprochés progressivement des différentes composantes de la société guadeloupéenne et martiniquaise en envisageant de construire un récit commun, qui soit accepté par tout le monde. (…) Les sociétés antillaises sont capables, malgré cette histoire traumatique, de pouvoir reconnaître ce qui s’est passé, se respecter les uns les autres, en particulier les victimes de l’esclavage, et construire pour demain un projet commun de société. L’une des bases de ce projet peut être le tourisme mémoriel, pour que la population ne voie pas seulement son histoire comme quelque chose de douloureux ou d’antagonique, mais quelque chose sur laquelle elle peut construire un projet économique ».
 

ECOUTEZ l’interview intégrale de Serge Romana, président de l’association CM98


En ce qui concerne le projet de Mémorial national des victimes de la traite négrière et de l’esclavage colonial, à Paris, que la Fondation doit dévoiler le 23 mai, Serge Romana précise : « Nous sommes en train de travailler avec les autorités gouvernementales françaises. C’est un projet dont le CM98 sera le maître d’œuvre. Il s’agira d’installer à Paris, sur 200 grandes plaques de verre, les 200.000 prénoms, matricules et noms des personnes qui étaient esclaves en 1848 et qui ont été nommées en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à la Réunion. »
 
La Fondation travaille encore sur un possible lieu d’accueil de ce mémorial, cependant « l’idée c’est qu’il soit dans un endroit prestigieux à Paris, un lieu qui soit à la hauteur du crime contre l’humanité qu’a été l’esclavage », souligne le président du CM98. « Un lieu qui permette réellement la réhabilitation de ces personnes et dont les descendants seront fiers, un lieu qui sera visible par tous. Ceci impactera considérablement la vision que les autres peuples ont des Antillais, des Guyanais, et des Réunionnais, des descendants d’esclaves de ces quatre colonies françaises ».