Sexe et travail forcé, la traite des êtres humains est encore une réalité Outre-mer

Un soir dans les rues de Pointe-à-Pître
Proxénétisme, esclavage moderne... La Guyane et Mayotte font partie des quatre départements comptant le plus de victimes selon un rapport publié par les ministères de la Justice et de l'Intérieur.

Travail forcé et esclavage moderne, en Guyane et à Mayotte, les victimes d’exploitation par le travail sont huit à neuf fois plus nombreuses qu’en moyenne au niveau national. Ce chiffre, affolant, ressort d'un état des lieux sur la traite et l'exploitation des êtres humains publié par les ministères de la Justice et de l'Intérieur.

L’année dernière, les services de police et de gendarmerie ont enregistré 2.100 victimes de traite ou d’exploitation sur l’ensemble du territoire français. Une victime sur cinq était mineure, et deux victimes sur trois étaient des femmes. Avec plus de 13,6 victimes pour 100.000 habitants en 2023, la Guyane et Mayotte font partie des quatre départements comptant le plus de victimes de traite ou d’exploitation des êtres humains.

Entre 2016 et 2023, 186 victimes de traite ou d’exploitation ont été enregistrées en Guyane, dont 70,8 % pour exploitation par le travail. Sur la même période, 169 victimes ont été enregistrées à Mayotte, dont 85 % pour exploitation par le travail.

Proxénétisme aux Antilles, exploitation par le travail à La Réunion, en Guyane et à Mayotte

En Guadeloupe et en Martinique, la majorité des victimes de traite ou d’exploitation des êtres humains enregistrées entre 2016 et 2023 étaient des victimes de proxénétisme (respectivement 70 % et 65 %). En revanche, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte ont été principalement enregistrées des victimes d’exploitation par le travail (respectivement dans 71 %, 75 % et 85 % des cas).

Aux Antilles, 84 % des victimes étaient des femmes. La proportion de femmes parmi les victimes est plus faible à La Réunion (67 %), en Guyane (62 %) et à Mayotte (50 %).

Des mis en cause peu condamnés

"Les réseaux criminels de traite des êtres humains, notamment à des fins d’exploitation sexuelle, s’étendent sur le territoire national et transnational et exploitent les victimes de manière très mobile, ces dernières étant régulièrement déplacées de ville en ville", notent les auteurs du rapport ministériel. Cette mobilité explique que les données géographiques ne reflètent "qu’une partie de la réalité".

Elle éclaire aussi la nationalité des victimes : si elles sont Françaises en majorité aux Antilles, en Guyane, près d’une victime sur deux vient d’Haïti ou du Brésil, et 63 % des victimes enregistrées à Mayotte sont Comoriennes.

Les mis en cause sont Français dans la plupart des cas. Ils sont rarement condamnés : le rapport note que "le nombre de condamnations prononcées dans les cinq DROM (...) est très faible". En huit ans, entre 2016 et 2022, seules 84 condamnations ont sanctionné une infraction pour proxénétisme dans ces territoires. L'exploitation par le travail n'a conduit qu'à 50 condamnations sur la même période.