"Signal très particulier", "régression", "mépris"... : des élus réagissent au passage des Outre-mer dans le giron de l'Intérieur

L'entrée du ministère de l'Intérieur, place Beauveau à Paris.
D’un ministère de plein exercice à un ministère délégué : les Outre-mer dépendent maintenant du ministère de l’Intérieur. L’ancien préfet Jean-François Carenco est devenu ministre délégué auprès de Gérald Darmanin après la nomination du gouvernement Borne 2. Une annonce qui risque d'être mal perçue auprès des Ultramarins selon certains élus.

Le nouveau ministre des Outre-mer est un ministre délégué. Il officiera dorénavant auprès du ministère de l’Intérieur. Gérald Darmanin voit donc ses missions élargies puisqu’il devient ministre de l’Intérieur et des Outre-mer. Mon énergie sera aussi au service de nos territoires ultramarins qui font la fierté de la République !”, a déclaré ce matin le ministre sur les réseaux sociaux.

Après le passage éclair de Yaël Braun-Pivet au ministère des Outre-mer et les deux années de Sébastien Lecornu, sanctionnées par un mauvais score d'Emmanuel Macron Outre-mer à la présidentielle, ce changement de statut passe mal auprès de certains élus et autres personnalités politiques.

Fin d’un ministère de plein exercice

La fédération PS de Guadeloupe parle d'une "choquante punition après sanction électorale”. Selon son premier secrétaire, il s’agit d’ “une régression” et d’ "une relégation inadmissible” même s’il salue la nomination à la rue Oudinot d’un haut-fonctionnaire très bon connaisseur de nos territoires."

Dans la foulée, Victorin Lurel réagit à son tour. Pour l'ancien ministre des Outre-mer, "[la] nomination [de Jean-François Carenco] à la tête d’un ministère délégué auprès de l’Intérieur est une régression. (...) Le message envoyé : d’abord l’Ordre, le reste on avisera."

"C’est un signal très particulier qui est envoyé aux Outre-mer", s’indigne également le député polynésien (GDR) Moetai Brotherson. Il précise : “on se souvient de la manière dont monsieur Darmanin avait envoyé la troupe en Guadeloupe. On se souvient également de ses déclarations sur la Nouvelle-Calédonie : ce n’est pas forcément un message très enthousiasmant qui est envoyé aux Outre-mer en ce jour”.

Du côté du Rassemblement national, Marine Le Pen exprime son mécontentement : "Sûrement pour punir nos compatriotes ultramarins d’avoir "mal voté", ils perdent aujourd’hui leur ministère qui est rattaché à celui de l’Intérieur ! Cette décision est lourde de sens et sera évidemment très mal ressentie Outre-mer."

La député réunionnaise (GDR) Karine Lebon stigmatise quant à elle "un retour en arrière historique pour les Outre-mer". "Quel message envoie-t-on aux Ultramarins ? Prière de ne pas déranger ?", s'interroge-t-elle.

Un problème sécuritaire avec les Outre-mer ?

Le fait que Jean-François Carenco soit “rattaché au ministère de l’intérieur” ne présage rien de bon selon Moetai Brotherson : “il faut croire que les Outre-mer sont un trouble public à l’ordre républicain”, s’alarme-t-il.

"On aurait préféré un ministère de plein exercice, comme ça a été le cas pendant très longtemps”, ajoute le député polynésien. Avoir “un inconnu” à ce poste “même s’il a été préfet à Saint-Pierre-et-Miquelon et en Guadeloupe” inquiète le député car “[il] ne connaît ni la Polynésie, ni la Nouvelle-Calédonie, ni les autres Outre-mer”. Vous pouvez regarder son intervention sur FranceInfo :

Moetai Brotherson réagit à la nomination de Jean-François Carenco aux Outre-mer ©Franceinfo

Moetai Brotherson n’est pas le seul élu à s’inquiéter de l’élargissement du ministère de l’intérieur. Est-ce une reprise en main sécuritaire de l’Outre-mer? C’est en tout cas la crainte de la députée LFI Aurélie Trouvé. “C’est un signe de mettre [les Outre-mer] dans le ministère de l’intérieur, affirme la députée LFI de Seine-Saint-Denis, et "tout cela n’est pas un hasard”.


La présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale Mathilde Panot surenchérit en évoquant la marque du “cynisme et du mépris de la macronie”, Gérald Darmanin étant “celui qui a envoyé le RAID et le GIGN lorsque les Guadeloupéens demandaient plus de justice sociale.”

"Je suis assez inquiète pour les populations sur place", déclare d’ailleurs la députée écologiste-Nupes Sandrine Rousseau ce lundi sur franceinfo, à propos de l'extension du portefeuille ministériel de Gérald Darmanin à l'Outre-mer.

De son côté, le député guadeloupéen Olivier Serva (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) regrette que les Outre-mer soient sous "la dépendance du ministère de l'Intérieur, et non du Premier ministre" : "serait-ce un message sécuritaire pour les Outre-mer [alors qu'ils ] auraient besoin d'autre chose ? Par exemple, un signal de discussion, d'échange, de prise en compte des spécificités (...) de la prise en compte (...) de la nécessité de réintégrer les soignants suspendus non vaccinés, de la question du pouvoir d'achat".

Dans ce flot d'indignations, une réaction -positive- sort du lot, celle de Nicolas Metzdorf, fraîchement élu député et soutien du gouvernement : "l'association des Outre-mer et de l'Intérieur est une excellente nouvelle pour nos territoires", déclare le Calédonien. "C'est la démonstration qu'Emmanuel Macron considère les Outre-mer au même titre que la métropole".

Pas une première

L’intégration du ministère des Outre-mer à l’Intérieur n’est pas une première. En 1974 déjà, Olivier Stirn devient "Secrétaire d'Etat auprès du Ministre de l'Intérieur et de la décentralisation, des départements et territoires d'Outre-Mer". En 2007, après l’élection de Nicolas Sarkozy comme président de la République, Christian Estrosi est nommé "Secrétaire d'Etat chargé de l'Outre-Mer", auprès de Michèle Alliot-Marie, "Ministre de l'intérieur, de l'Outre-Mer et des collectivités territoriales". Sous la présidence Sarkozy également, Brice Hortefeux de juin 2009 à février 2011, puis Claude Guéant de février 2011 à mai 2012 ont le titre de "Ministre de l'intérieur, de l'Outre-Mer et des collectivités territoriales".