Pour les sinistrés étrangers de Saint-Martin, le casse-tête des formalités administratives

A leur arrivée en Guadeloupe, les sinistrés de Saint-Martin sont redirigés vers un abri ou évacués vers la Martinique.
À l'aéroport de Pointe-à-Pitre où se pressent les évacués de Saint-Martin, la gestion des arrivants reste un véritable imbroglio pour les bénévoles qui les hébergent, surtout quand ces personnes sont des étrangers en situation irrégulière ou en passe de le devenir.
"Hier soir, ils étaient neuf étrangers sans-papier à avoir besoin d'un logement et je les ai fait venir chez moi", indique Etienne Coquinot, bénévole pour aider au logement des sinistrés à leur arrivés sur le sol guadeloupéen. "On ne peut pas les laisser à la rue, franchement."

Des enfants sans passeport

Il sait que c'est illégal, mais il l'assure : "la sous-préfecture est au courant et nous demande de les ramener ici le lendemain". Son hôte, c'est Bernadette Charles, Haïtienne, dotée d'un titre de séjour qui expire dans trois jours. "J'ai commencé les démarches à Saint-Martin et c'est un médecin de l'hôpital qui m'a dit de partir, parce que mes enfants étaient malades", raconte-t-elle.

Sauf qu'arrivée ici, ses enfants n'ont pas de passeport, ne peuvent pas embarquer pour la métropole, et elle reste sans logement et avec une situation administrative incertaine.

Depuis, elle erre avec ses enfants et quelques amis dans la zone d'accueil des sinistrés, entre les stands de la Croix-Rouge, la zone de repos et les associations bénévoles, en attendant une solution. "Je suis avec d'autres gens, notamment une amie qui a fait un AVC alors qu'elle a un bébé de 8 mois", dit-elle en pointant du menton le joyeux bambin qu'elle tient dans ses bras. "On ne peut pas se séparer".

Recommencer les démarches à zéro

Pour ces gens à la situation administrative complexe, la difficulté se renforce d'autant que les "liens entre les services des étrangers des préfectures de Guadeloupe et de Saint-Martin n'existent pas", précise un agent de la préfecture, ajoutant que "nous ne sommes pas dans l'espace Shengen et que les frontières ne sont donc pas poreuses".

Autrement dit, pour obtenir un titre de séjour, quelle que soit l'avancée des très longues démarches à Saint-Martin, pas d'autre choix que de tout recommencer ici, à zéro. Pour eux, cela signifie rester coincé en Guadeloupe, sans logement, et avec un risque, en cas l'arrestation, d'expulsion.

Martha Tange, également étrangère mais mariée à un Français, doit repartir à Saint-Martin avec son bébé de 20 mois, chercher un titre de séjour dans des services de préfecture exsangues, voire inexistants, ou avec bien d'autres priorités à gérer. "Ca n'est pas possible, vous avez vu l'état de Saint-Martin? Je n'aurais jamais ma carte" se lamente-t-elle, le visage crispé par le stress.

Les sinistré "illégaux" dirigés vers la Martinique

"Ceux qui sont en règle peuvent évidemment partir, précise Jean-Michel Jumez, sous-préfet de la Guadeloupe. Les autres, on leur trouve un hébergement et nous nous engageons à traiter leur dossier dans un délai d'une semaine". Avec une subtilité : les situations sont souvent bien différentes entre les membres, parents et enfants d'une même famille.

Depuis le désastre Irma et avant que l'ouragan Maria ne vienne frapper, à son tour, les Antilles, les sinistrés "illégaux" de Saint-Martin étaient dirigés, "avec les autres ressortissants étrangers, comme les touristes", vers la Martinique pour être pris en charge, selon ce qui était "convenu entre les deux préfectures, pour décharger la Guadeloupe d'un flux supplémentaire", précise-t-on à la préfecture de Martinique.

"Sauf que la Martinique ne dispose que de locaux de rétention administrative (a contrario de la Guadeloupe, qui dispose d'un centre de rétention administrative NDLR), d'où les gens doivent partir au bout de 48h", explique la Cimade Guadeloupe, une association qui milite pour le respect du droit des étrangers. "Une fois là-bas, qu'ont fait les services de préfecture de ces gens en situations illégales?"