Les chefs d'État ou de gouvernement de huit pays sur lesquels s'étend la forêt amazonienne se sont donnés rendez-vous mardi 8 et mercredi 9 août à Belém, au nord du Brésil, pour acter leur volonté de préserver davantage l'Amazonie. Après le mandat de Jair Bolsonaro (président du Brésil de 2019 à 2022) marqué par une accélération de la déforestation et des incendies ravageurs sur le continent, le temps est compté pour le poumon de la Terre. Pourtant, malgré l'urgence de la situation, un territoire amazonien est absent de ce grand rassemblement régional : la Guyane.
Le département français, dont 96 % de la superficie est recouverte par la forêt, abrite un peu plus d'1 % de la surface de l'Amazonie. Or, ni la Guyane, ni la France (par extension), ne sont représentées au sein de l'Organisation du traité de coopération amazonienne (OTCA), dont les huit membres – le Brésil, la Colombie, le Venezuela, l'Équateur, la Bolivie, le Suriname, le Guyana et le Pérou – se réunissent à Belém, à l'initiative du président brésilien Lula.
"Quand l'OTCA a été créée en 1978, il s'agissait d'une réponse [des pays sud-américains] aux pressions occidentales sur la déforestation, explique François-Michel Le Tourneau, géographe et directeur de recherches au CNRS. À l'époque, les pays amazoniens ont considéré que la Guyane française n'était pas un État indépendant, mais qu'elle était une sorte de colonie de la France." Impossible, donc, pour ces nations anciennement colonisées d'intégrer parmi ses membres un État européen anciennement colonisateur.
L'absence d'Emmanuel Macron critiquée
Quarante-cinq ans plus tard, la Guyane n'est toujours pas membre de l'OTCA. Michel Prieur, professeur Émérite à l'Université de Limoges et président du Centre International de Droit Comparé de l'Environnement, explique que l'article 27 du traité empêche toute nouvelle adhésion à l'organisation régionale. "Mais rien n'interdit d'inviter la France comme observateur", précise-t-il.
Autre frein, selon François-Michel Le Tourneau, auteur de l'ouvrage Amazonie brésilienne. Usages et représentations du territoire (Éditions Iheal) : l'organisation verticale de l'État français. "Si la Guyane devait être impliquée, j'imagine que les pays de l'OTCA souhaiteraient voir des représentants choisis par les Guyanais ou par la Guyane, pense le chercheur. En France, c'est le gouvernement français qui envoie des représentants."
L'absence de Guyanais au sommet de Belém a fait grincer des dents à Cayenne. Lula, qui veut se montrer proactif sur la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité, avait convié Emmanuel Macron à assister à la convention, en tant qu'État invité. Mais c'est l'ambassadrice française au Brésil, Brigitte Collet, qui sera dépêchée mercredi 9 août pour représenter le pays. "Ce mépris est destructeur pour la France", a réagi l'ancien candidat à l'élection présidentielle Jean-Luc Mélenchon. Dans le quotidien Libération, le président de la collectivité territoriale de Guyane Gabriel Serville regrette de ne pas avoir été associé à l'organisation du sommet.
Pour le géographe François-Michel Le Tourneau, l'absence du chef d'État français est un signe de mécontentement diplomatique, alors que les désaccords entre le Brésil et la France sur l'Ukraine ou encore sur l'accord Union européenne-Mercosur ont refroidi les relations entre les deux pays.
Je pense que le président Macron a voulu marquer le coup en ne donnant pas à ce sommet le prestige supplémentaire que lui aurait valu la présence du président français.
François-Michel Le Tourneau, géographe et directeur de recherches au CNRS
Avec ou sans la France, "il ne faut pas attendre trop [de ce sommet]", relativise le directeur de recherches au CNRS. "Ce qu'on peut espérer, c'est une déclaration qui énoncera des objectifs qui seront peut-être ambitieux, mais qui ne seront certainement pas spécifiés de manière très concrète." Pour les observateurs, le sommet de ce mois d'août n'est qu'une préfiguration pour la COP30, qui se déroulera également à Belém en 2025.