L'association anti-discriminations SOS Racisme a dévoilé ce matin sur France Inter les résultats de son dernier "testing", qui vise à mettre en lumière les comportements discriminatoires des boîtes d'intérim à l'embauche.
Au total, "61 % des boîtes d’intérim ont un comportement problématique de façon plus ou moins frontale", selon le directeur de l'association, Dominique Sopo. Plus encore, "dans 14 % des cas, la discrimination ne fait aucun doute", alertait ce matin Alice Murgier, la responsable du pôle juridique de SOS Racisme.
La méthode du "testing inversé"
Afin d'obtenir des résultats concrets et réels, l'association SOS Racisme a réalisé des appels dans 152 agences d'intérim prises au hasard, une méthode appelée en interne le "testing inversé". Au téléphone, l'association s'est fait passer pour une entreprise qui cherche à embaucher des intérimaires dans le secteur du BTP et de l’hôtellerie en "précisant dans la conversation ne pas vouloir travailler avec des personnes d’origine maghrébine ou noire", raconte Dominique Sopo.
Et une fois les appels passés, le résultat est édifiant. Dans 14 % des cas, les agences acceptent de transmettre uniquement les CV demandés ("de préférence européens, idéalement caucasiens"), ce qui constitue explicitement une discrimination à l'embauche, un délit pénal passible de 45.000 € d’amende et de cinq ans d’emprisonnement.
Dans 14 % des cas, la discrimination ne fait aucun doute. C'est-à-dire que spontanément, la personne au bout du fil va dire 'Oui, aucun problème : on vous fait une pré-sélection.' [...] C'est une pratique interdite.
Alice Murgier, responsable du pôle juridique de SOS RacismeA France Inter
Pour 61 % des boîtes d'intérim, l'association SOS Racisme décèle un "comportement problématique", c'est-à-dire lorsque l'agence ne s'oppose pas à un fichage ethnique.
Certaines agences répondent qu'elles ne peuvent pas faire le tri pour envoyer des CV qui répondraient aux exigences, mais elles nous invitent à le faire nous-mêmes. [...] On constate que pas mal d’agences ne refusent pas de travailler avec tel employeur / client.
Dominique Sopo - président de SOS Racisme
Au final, SOS Racisme constate qu'il n’y a "qu’un gros tiers qui refuse catégoriquement de travailler avec des employeurs qui ont ce comportement discriminatoire".
" On ne veut pas que l'État se comporte comme un Super SOS Racisme"
Face à la multiplication des actes discriminatoires qui touchent l'ensemble "des sphères d’activité majeures qui accompagnent la vie d'un individu", le président de SOS Racisme entend suivre attentivement les débats qui se déroulent au Sénat.
Les sénateurs participent en commission des lois à l'examen d'un texte qui vise à "lutter contre les discriminations par la pratique de tests individuels et statistiques" avec, au cœur des problématiques, l'efficacité réelle de ces lois.
Mais pour Dominique Sopo, pour avoir un changement à ce niveau, "il faut faire un projet à long terme" qui émane de l'exécutif afin qu'il "permette d'objectiver le phénomène".
On ne veut pas que l’État se comporte comme un "Super SOS Racisme". L’État a entre ses mains la capacité normative, répressive et l’autorité régalienne. Il doit faire en sorte de lutter contre les discriminations en alourdissant les peines qui sont encourues, lorsque l’on est discriminant.
Dominique Sopo – président de SOS Racisme
Plus encore, le président de l'association à l'origine du slogan "Touche pas à mon pote" précise qu'il attend de l'État qu'il y ait "des circulaires de justice pénale, une formation des magistrats et des policiers pour que les enquêtes soient faites correctement et pour qu’il y ait une sensibilité à ce sujet".
L'outil de la répression, c’est un signal envoyé à la société. Si la peine est lourde, ça veut dire que c’est grave, ça fait réfléchir les gens différemment. À côté, il y a la sensibilisation. [...] Nous avons obtenu il y a quelques années, l’obligation de formation pour les agents immobiliers en matière de discrimination raciale. Il y a de la prévention, de la formation et de la répression, c’est l’ensemble des outils qu’il faut mobiliser.
Dominique Sopo – président de SOS Racisme
Selon lui, seule une conciliation entre répression et sensibilisation permettrait de mettre fin à ces pratiques discriminantes.