La plateforme de streaming musical Spotify n’est pas accessible dans la Caraïbe, que ce soit pour les usagers ou pour les artistes. Un vrai manque à gagner pour les musiciens, qui perdent en revenus et en visibilité.
"C’est de l’injustice. On n’a pas les mêmes règles, mais on a le même terrain. On nous pénalise", martèle le rappeur martiniquais Kalash. Les artistes antillais "n’ont pas les mêmes chances que les autres" selon lui, car la plateforme d’écoute en ligne Spotify n’est pas accessible depuis les Antilles et la Guyane. Les artistes ne peuvent pas créer de compte, les utilisateurs ne peuvent pas écouter leurs morceaux.
Le rappeur se mobilise aux côtés de Lénaïck Adam, député de Guyane, pour faire changer les choses. Lui aussi dénonce "une forme de discrimination, de mise à l’écart." Les deux hommes se sont rencontrés mardi 8 juin, à l'Assemblée nationale, pour établir une stratégie.
J’ai rencontré aujourd’hui l’artiste @kalash972 . Nous nous sommes réunis afin d’établir une stratégie visant à libérer l’accès à @spotifyfrance aux Antilles-Guyane.
— Lénaïck ADAM (@LenaickADAM) June 8, 2021
Je remercie Kalash pour son implication ! Nous devons régler cela de toute urgence pour nos artistes. pic.twitter.com/wKB0WUEBfi
D’autres plateformes d’écoute sont disponibles aux Antilles et en Guyane. "Elles ne sont pas aussi ludiques. On n’est pas éduqué à streamer, si la plateforme la plus simple n’est pas libre d’accès, les gens n’iront pas", rétorque Kalash. Spotify, avec ses 350 millions d’utilisateurs, est le numéro un mondial.
Perte de revenus et de visibilité
"C’est une question de revenu pour l’artiste, et c’est aussi une question de visibilité, détaille le rappeur star, qui cumule des centaines de millions d’écoutes sur la plateforme. Si les gens n’ont pas accès au morceau, ils vont le télécharger illégalement ou ne l’écouter que sur Youtube." Or être diffusé sur Spotify est plus rentable pour les artistes.
En n’étant pas présents sur la première plateforme d’écoute, les artistes antillais se privent de leur public naturel. "Par exemple si on prend mes statistiques, la majorité se fait à l’extérieur des Antilles, alors que mon plus gros public est aux Antilles. Imaginons qu’on ouvre l’accès : on aurait plus de crédibilité", explique Kalash.
Si la population qui vous ressemble le plus, qui vous écoute le plus, ne peut pas télécharger vos musiques, forcément les résultats des classements sont biaisés.
Il est aussi plus difficile pour les artistes antillais d’accéder à des canaux de diffusion traditionnels. Avant de choisir de diffuser un morceau sur leurs ondes, les radios musicales s'intéressent au nombre d'écoutes en streaming. "C’est la raison qu’on nous donne pour ne pas diffuser «on adore le morceau, il fait beaucoup de vues, mais il ne stream pas assez»", raconte le rappeur. Or l’impossibilité d’avoir accès à Spotify aux Antilles et en Guyane est mal connue dans le milieu musical. Kalash, qui a changé récemment de label, a dû expliquer lui même la situation à son producteur, qui n'était pas au courant.
Rendez-vous pris avec Spotify
Alerté par l’association Hit Lokal, Lénaïck Adam a interpellé Spotify dès septembre dernier. "Le directeur a pris la peine de nous répondre, maintenant on attend toujours les précisions qu’il nous a promis. Il est à la recherche d’informations apparemment, précise le député. Ce mois-ci, on pense avoir un rendez-vous avec le directeur de Spotify France, je pense qu’on pourrait aboutir à quelque chose d’intéressant."
L’artiste et l'homme politique ont bon espoir de voir les choses changer. "Je ne vois pas pourquoi ça ne changerait pas. C’est dans l’intérêt de tout le monde", note le rappeur. Un point de vue partagé par Lénaïck Adam, qui souligne que se développer aux Antilles et en Guyane est "aussi dans l’intérêt de Spotify, qui gagne des revenus quand les artistes sont streamés et vus."
Regardez les explications de Kalash et Lenaïck Adam en vidéo :