Tennis : l’édition 2020 de Roland-Garros reportée… ou annulée ?

Le nouveau toit amovible du Central Philippe Chatrier
Ce lundi 18 mai aurait dû marquer le début des Qualifications de Roland-Garros. Le monde du tennis devait se retrouver pour trois semaines, Porte d’Auteuil, à Paris. La pandémie de coronavirus a tout chamboulé. Le mythique tournoi est reporté en septembre mais sa tenue demeure hypothétique.
Ce devait être une édition historique. Travaux enfin terminés. Le court Central Philippe Chatrier allait inaugurer son nouveau toit amovible. La pluie n’empêcherait plus les grandes stars de la petite balle jaune de s’exprimer. Autre nouveauté : à l’instar des trois autres tournois du Grand Chelem, Roland-Garros proposerait des sessions en soirée. Bonheur. Excitation. Tout allait pour le mieux. Sauf que le Covid-19 en a décidé autrement. Depuis le 9 mars dernier et l’annulation du tournoi mixte d’Indian Wells, aucun match officiel de tennis n’a pu être disputé.

Confinement et incertitude sanitaire pour beaucoup trop de monde. Les organisateurs de Roland-Garros ont dû se rendre à l’évidence. Disputer le célèbre tournoi sur terre battue au printemps devenait inenvisageable. L’annulation comme Wimbledon ? Compliquée. Surtout sur le plan économique. Car si les Anglais disposaient bien d’une assurance contre la pandémie, ce n’était pas le cas des Français. Et Roland-Garros génère tout de même 80% du chiffre d’affaires de la Fédération tricolore. Dans ces conditions, une seule option : le report. Rendez-vous donc le 20 septembre. En croisant les doigts pour que d’ici là, le coronavirus ne soit plus qu’un mauvais et lointain souvenir.

Y voyons-nous plus clair aujourd’hui ? Pas vraiment. La reprise des circuits féminins et masculins est régulièrement annoncée. Puis régulièrement repoussée. De quinze jours en quinze jours. Aux dernières nouvelles, WTA et ATP donnent rendez-vous aux joueuses et aux joueurs début août. Sans garantie. À l’heure actuelle, l’US Open, l’autre tournoi du Grand Chelem (avec l’Australie, la France et l’Angleterre) maintient son rendez-vous du 31 août au 13 septembre. Mais les Américains se posent également beaucoup de questions. La situation sanitaire à New-York permettra-t-elle de jouer normalement ? Doit-on envisager de jouer le tournoi à huit clos ? Le délocaliser ? L’annuler ? Les organisateurs de l’US Open trancheront durant la deuxième quinzaine de juin.
 
Rafael Nadal, douze fois vainqueur de Roland-Garros
 

Un tournoi de Roland-Garros 2020 à huit clos ?

Dans ce très hypothétique nouveau calendrier, sept petits jours séparent la fin de l’US Open du début de Roland-Garros. Difficile alors d’imaginer la présence des mêmes joueurs dans les deux compétitions. Changement de surface sans période d’adaptation, décalage horaire conséquent, risque de blessures évident… Ça promet.

Cerise sur le gâteau : la Fédération Française rembourse tous les billets déjà achetés et envisage un tournoi 2020 sans spectateur : "Organiser Roland-Garros à huit clos permettrait de faire tourner une partie du modèle économique," a déclaré son président Bernard Giudicelli au JDD. "Récupérer les droits télé et les partenariats, ce n’est pas négligeable."
Concrètement, sur un chiffre d’affaires estimé à 260 millions d’euros, la Fédération peut espérer en sauver la moitié, soit 130 millions.

Une solution économique mais dans un stade new look qui sonnerait creux. Fataliste, Rafael Nadal, douze fois vainqueur à Roland-Garros pense déjà que la saison ne reprendra pas avant 2021. Pour Henri Leconte, finaliste à Paris en 1988, le huit clos n’aurait aucun intérêt. Il l’a confié à nos confrères d’Eurosport : "Un tournoi aussi important avec zéro spectateur ? Impensable." Même scepticisme du côté de Yannick Noah, dernier vainqueur français en 1983. Enfin, Arnaud Clément, ancien capitaine de Coupe David ne ferme pas la porte mais s’inquiète : "Pour un joueur comme Gaël Monfils qui se nourrit de ça, de la foule, de cette énergie, ce serait vraiment bizarre."
 
Gaël Monfils, le numéro 1 du tennis français
 

2020, l’année des regrets pour Lamonf ?

L’Antillais a réalisé un début de saison canon : un huitième de finale à l’Open d’Australie (battu par l’autrichien Dominic Thiem) et surtout deux nouveaux tournois accrochés à son palmarès (Montpellier et Rotterdam). Gaël Monfils, membre du Top 10 mondial abordait le printemps avec un appétit d’ogre. À 33 ans, c’était peut-être son année. Même Yannick Noah y croyait dans TLS : "Je pense que Gaël pourrait gagner Roland-Garros. Il a un jeu de terre extraordinaire. Physiquement, c’est un marathonien. Mais il doit aussi battre Nadal et c’est intouchable. Rafa, c’est le meilleur joueur de tous les temps sur terre."

Avec une planète tennis à l’arrêt forcé, on peut craindre que la dynamique soit différente à la reprise. Le temps aura fait son oeuvre. Monfils soufflera déjà ses 34 bougies (le 1er septembre). Et la génération montante (Tsitsipas, Thiem, Zverev…) reviendra peut-être encore plus fort.
 

La place des Outre-mer mise en doute

Restent toutes les questions sans réponse : le tournoi 2020 de Roland-Garros aura-t-il lieu ? Le 20 septembre ? Le 27 septembre (les organisateurs se diraient prêts à reculer le début de la compétition afin de laisser un temps plus important de préparation) ? À huit clos ? Et l’Outre-mer dans tout ça ? Des juges de ligne seront-ils dépêchés des différents départements comme chaque année ? À ce jour, rien ne semble devoir changer. Pour les Antilles, trois juges martiniquais et un guadeloupéen sont ainsi attendus Porte d’Auteuil. Si bien évidemment le tournoi est maintenu.

Quant aux ramasseurs de balles, c’est une autre histoire. La Calédonie envoie deux jeunes tous les ans. Mais cette année, il semble difficile d’envisager une telle venue. Contacté, Olivier Le Dain, Président de la Ligue de tennis de Nouvelle-Calédonie n’est pas définitif. Juste pessimiste : "Il y a déjà un problème de visibilité sur les liaisons aériennes et un retour à un trafic plus soutenu. Aujourd'hui le trafic aérien (hors fret) en Calédonie est presque réduit à néant. Et il y a évidemment la question sanitaire. Les parents des ramasseurs ne souhaiteront peut-être pas envoyer leurs enfants alors que la Calédonie n'est pas touchée par le Covid-19. Dans le cas où ils se rendraient tout de même à Paris, ils seraient soumis à 3 semaines de confinement à leur retour sur le territoire. Soit 6 semaines en tout sans école. Tout cela semble un peu compliqué."

Huit clos. Gestes barrières. Distanciation sociale compliquée entre joueurs, ramasseurs et juges de ligne. Quarantaine imposée pour certains participants. Liaisons aériennes entre parenthèses. Équation économique ardue. Équité sportive impossible. L’édition 2020 de Roland-Garros ressemble plus à un immense casse-tête qu’à un tournoi de tennis. Et pour une fois, les éventuels caprices météorologiques sont totalement secondaires.