Tensions au sein de l'institution judiciaire en Polynésie : à Papeete, les juges déposent une motion contre les "dysfonctionnements" du tribunal

Plusieurs rapports du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ont mis en lumière des tensions entre les magistrats et le parquet à Tahiti, relevant "des souffrances et un malaise global au sein des personnels".

Les magistrats du siège du tribunal de première instance de Papeete, en Polynésie française, ont déposé une motion, que l'AFP a pu consulter jeudi, pour dénoncer les "dysfonctionnements" de leur juridiction, en particulier de leur parquet.

Deux rapports du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), en octobre 2022 et avril dernier, ont mis en lumière des "tensions importantes entre les magistrats du parquet et les magistrats du siège", "des souffrances et un malaise global au sein des personnels". Ils évoquaient aussi "des questions d'ordre déontologique posées par certains positionnements du procureur général et du procureur de la République", qui ont tous deux été mutés.

Deux clans opposés

Une troisième mission de contrôle, centrée sur le parquet et le parquet général, a eu lieu en juin. Mais l'assemblée générale des magistrats du siège, dans une motion déposée le 15 novembre, relève qu'aucune mesure concrète n'a été prise depuis.

Ces magistrats assurent dans ce texte que "le fonctionnement du parquet du tribunal de première instance s'est encore dégradé", avec "50 % de ses effectifs actuellement en arrêt de travail". Ils estiment que ces difficultés rendent "impossible le fonctionnement normal" de l'institution judiciaire et "s'inquiètent pour l'exercice de leur mission et pour le justiciable, ainsi que des risques psychosociaux".

Deux clans s'opposent au sein du parquet local. Début octobre, une motion de défiance contre la procureure de la République Solène Belaouar, actuellement en arrêt maladie, avait recueilli quatre voix sur huit, sur fond de tensions syndicales et humaines antérieures à son arrivée en septembre 2023.

Solène Belaouar, procureure de la République.

Contacté par l'AFP, le ministère public a contesté que la situation puisse avoir des conséquences sur la justice rendue. "Il n'y aura aucun dysfonctionnement au tribunal, le parquet sera représenté à toutes les réunions et audiences", a assuré Jacques Louvier, un membre du parquet général nommé pour assurer l'intérim de la procureure de la République le temps de son congé maladie. "La motion sera évoquée lors d'une assemblée générale entre le parquet et le siège", a-t-il ajouté.