Le Festival e-TOMA (Théâtre d’Outre-mer en Avignon version web) se poursuit jusqu’au 26 juillet avec des pièces à voir et à entendre et des rencontres avec les compagnies de théâtre des Outre-mer. À chaque jour, une thématique, aujourd'hui : histoires de banlieues…
La sélection du TOMA de l'édition 2020 virtuelle, sur la thèmatique "histoires de banlieues", à voir ou à revoir :
Parmi les centaines de gens que l’on croise chaque jour dans nos vies parfois trop pressées et dont les visages sont aussi vite vus qu’oubliés, il y a les vigiles… Vous savez, ces hommes ou ces femmes chargés, en ces temps d’insécurité permanente de contrôler vos sacs à l’entrée des magasins, des établissements publics ou de certains événements…
« Le corps en obstacle », c’est la façon que ces gardiens de sécurité ont de se placer devant vous pour inspecter, fouiller vos affaires ou d’engager toute leur personne pour éviter que certaines situations dérapent… C’est en observant ces « invisibles » que Gaëtan Peau, auteur et metteur en scène, dit avoir eu l’idée de cette pièce. Qui sont ces hommes ? Quelles sont leurs histoires ? A partir de cette trame, un huis clos, un lieu unique donc : une petite agence de sécurité - avec une salle de musculation et d’entraînement - où gravitent cinq personnages chacun avec son passé et son présent chargés. Au fil du récit, seules sorties de cet espace clos, quelques flash-backs qui évoquent le parcours, le périple de Joseph et du jeune Moussa qui les mènera jusqu’en France et à cette agence de vigiles où Cédric a pris la décision, comme un acte politique d’embaucher des sans-papier…
« Le corps en obstacle » est une pièce éminemment politique. La question des migrants et des sans-papiers y côtoie la thématique du choix de l’action violente ou non pour arriver à changer le monde. Et de ces choix, les conséquences peuvent être dramatiques – de douloureux secrets (nous ne vous dirons pas lesquels) lient entre eux certains personnages entraînant parfois des tensions, de la compassion, de la tendresse . Les acteurs sont servis par un texte loin d’être caricatural (l’action est supposée se passer en banlieue parisienne) avec ce souci d’un certain réalisme dans le choix des mots et des expressions caractérisant chaque personnage. Pas une tête ne dépasse, entendez que le quintet d’acteurs est à l’unisson pour ce huis clos.
« Le corps en obstacle » ou une autre façon de regarder le monde avec des points de vue différents, loin des images toutes faites. Une occasion de s’interroger sur les choix que font nos sociétés, ici et ailleurs, parfois si promptes à mettre leurs corps en obstacle avant - ou pas - d’accueillir l’autre…
C’est une tragédie grecque. Kofi Kwahulé a signé avec Bintou une tragédie grecque moderne, urbaine, consciente des enjeux que sous-tendent les quartiers déshérités et leurs drames intrinsèques qui mènent fatalement à la tragédie. Binetou, jeune fille de treize ans à la dérive dans une banlieue où la seule façon de s’en sortir c’est à coups de cran d’arrêt et de flingue volé, à grand coups de vol de voiture et d’arrogance, à grands coups de violence à grands coups de coups. Binetou à la sensualité et la sexualité précoce qui envoûte et ensorcelle trois (presque) hommes, eux-mêmes fragiles et violents à la fois. Bintou et sa famille éclatée entre un père qui a perdu son emploi, une mère aimante mais incapable d’autorité, une tante qui se sent menacée par la jeune fille et un oncle qui s’intéresse à elle d’un peu trop près.
Dans cette histoire sombre, il n’y a pas d’échappatoire : le malheur entraîne le désespoir, le désespoir crée la souffrance, la souffrance amène la colère, la colère génère la haine et la violence ; le tout dans une ronde, dans une danse, dans un cycle qui apparaissent sans fin. Et c’est bien là le propre de la tragédie : quelques soient les gestes ou les actions entrepris, aucune possibilité de quitter l’irrémédiable course vers son destin. Une tragédie grecque, donc, mêlant un univers familial et social mâtiné de tradition ancestrale cruelle, plongée dans le bain des quartiers dits sensibles : cela donne ce spectacle réussi, très bien interprété et mis en scène, à voir ou à revoir. Bintou que l’on pourrait sous-titrer «les origines du mal » pour son analyse subtile des maux d’une partie de notre société…
Quand le corps en silence se met en mouvement, il dit parfois bien des choses au-delà des mots. Pas de quartier parle d’identité française, de ce qui la compose, de ce qui fait les quartiers aujourd’hui et leur richesse en tant que parts intégrales de cette société aujourd’hui. Ce sont des corps en mouvements qui racontent l’Histoire dans la première moitié du spectacle Pas de quartier. Ce sont le hip hop, la breakfast danse et autres danses dites urbaines qui s’allient et s’associent pour, tour à tour, raconter les tirailleurs sénégalais de la Grande Guerre, les GI’s venus libérer la France, les grandes vagues d’immigration africaines, asiatiques et les grandes arrivées domiennes, la politique puis les tensions des banlieues qui ont fait craindre un soi-disant vacillement de la République... Première partie très réussie dans ce survol de ce qui fonde une nation, malgré tout...
La deuxième partie est plus « libre » et le hip-hop s’en donne encore plus à cœur-joie avec ses rythmes et ses codes.. Rap et slams s’enchaînent entre les tableaux dansés, une battle entre 2 équipes de danseurs de la troupe donnera la victoire à... (non ça vous le découvrirez vous-mêmes !) et, entre autres réjouissances, un moment de solo tout en bruits de bouche « beatbox » à saluer pour la performance! L’ensemble emporte, il n’y a pas de faux-pas et même beaucoup d'inventivité. Pas de quartier, un spectacle malin et audacieux, à la dynamique contagieuse...
Ils sont neuf sur scène. Neuf hommes sélectionnés par Ahmed Amani pour entamer le premier volet d’un triptyque intitulé « face àleur destin » que l’auteur et metteur en scène consacre à l’identité sous forme de questionnements.. Comme par exemple : que garde t-on de ses origines quand elles se trouvent loin de là où vous vivez ? Quand on est fils ou petit-fils d’immigrés, le temps dilue-t-il les racines au lieu de les ancrer dans le nouveau sol ? Le lieu où vous vous trouvez, où vous êtes nés, où l’on vous dit pourtant différent et étranger, vous marque-t-il alors de nouvelles souffrances qui peuvent prendre l’aspect par exemple de discriminations ?
Sous nos yeux, toutes ces questions posées par Ahmed Amani prennent vie sous forme de saynètes et de tableaux interprétés par ces neuf comédiens. Aujourd’hui en banlieue, hier au bled, avant-hier dans cette Algérie que l’on voulait française.... Qui sont-ils aujourd’hui ces enfants de ceux que l’on a parfois torturés quand il voulait juste être libres et indépendants ? Qui sont-ils, ceux qui à la fois se révèlent français de vie et de cœur mais que l’on nomme étrangers, de faciès. Ce sont là quelques-unes des vérités assénées dans ce spectacle qui trouve automatiquement sa prolongation du côté des femmes avec Flammes (à voir également dans ce e-Toma), où là dix comédiennes s’en donnent à cœur joie pour nous raconter leur France…
Toutes ces pièces et la programmation complète du e-TOMA sont à retrouver sur ww.verbeincarne.fr du 3 au 26 juillet
- Le corps en obstacle
- Bintou
- Pas de quartier
- Illumination(s)
Le corps en obstacle - Mise en scène de Gaëtan Peau
Parmi les centaines de gens que l’on croise chaque jour dans nos vies parfois trop pressées et dont les visages sont aussi vite vus qu’oubliés, il y a les vigiles… Vous savez, ces hommes ou ces femmes chargés, en ces temps d’insécurité permanente de contrôler vos sacs à l’entrée des magasins, des établissements publics ou de certains événements…
« Le corps en obstacle », c’est la façon que ces gardiens de sécurité ont de se placer devant vous pour inspecter, fouiller vos affaires ou d’engager toute leur personne pour éviter que certaines situations dérapent… C’est en observant ces « invisibles » que Gaëtan Peau, auteur et metteur en scène, dit avoir eu l’idée de cette pièce. Qui sont ces hommes ? Quelles sont leurs histoires ? A partir de cette trame, un huis clos, un lieu unique donc : une petite agence de sécurité - avec une salle de musculation et d’entraînement - où gravitent cinq personnages chacun avec son passé et son présent chargés. Au fil du récit, seules sorties de cet espace clos, quelques flash-backs qui évoquent le parcours, le périple de Joseph et du jeune Moussa qui les mènera jusqu’en France et à cette agence de vigiles où Cédric a pris la décision, comme un acte politique d’embaucher des sans-papier…
« Le corps en obstacle » est une pièce éminemment politique. La question des migrants et des sans-papiers y côtoie la thématique du choix de l’action violente ou non pour arriver à changer le monde. Et de ces choix, les conséquences peuvent être dramatiques – de douloureux secrets (nous ne vous dirons pas lesquels) lient entre eux certains personnages entraînant parfois des tensions, de la compassion, de la tendresse . Les acteurs sont servis par un texte loin d’être caricatural (l’action est supposée se passer en banlieue parisienne) avec ce souci d’un certain réalisme dans le choix des mots et des expressions caractérisant chaque personnage. Pas une tête ne dépasse, entendez que le quintet d’acteurs est à l’unisson pour ce huis clos.
« Le corps en obstacle » ou une autre façon de regarder le monde avec des points de vue différents, loin des images toutes faites. Une occasion de s’interroger sur les choix que font nos sociétés, ici et ailleurs, parfois si promptes à mettre leurs corps en obstacle avant - ou pas - d’accueillir l’autre…
Bintou - Mise en scène de Laëtitia Guédon
C’est une tragédie grecque. Kofi Kwahulé a signé avec Bintou une tragédie grecque moderne, urbaine, consciente des enjeux que sous-tendent les quartiers déshérités et leurs drames intrinsèques qui mènent fatalement à la tragédie. Binetou, jeune fille de treize ans à la dérive dans une banlieue où la seule façon de s’en sortir c’est à coups de cran d’arrêt et de flingue volé, à grand coups de vol de voiture et d’arrogance, à grands coups de violence à grands coups de coups. Binetou à la sensualité et la sexualité précoce qui envoûte et ensorcelle trois (presque) hommes, eux-mêmes fragiles et violents à la fois. Bintou et sa famille éclatée entre un père qui a perdu son emploi, une mère aimante mais incapable d’autorité, une tante qui se sent menacée par la jeune fille et un oncle qui s’intéresse à elle d’un peu trop près.
Dans cette histoire sombre, il n’y a pas d’échappatoire : le malheur entraîne le désespoir, le désespoir crée la souffrance, la souffrance amène la colère, la colère génère la haine et la violence ; le tout dans une ronde, dans une danse, dans un cycle qui apparaissent sans fin. Et c’est bien là le propre de la tragédie : quelques soient les gestes ou les actions entrepris, aucune possibilité de quitter l’irrémédiable course vers son destin. Une tragédie grecque, donc, mêlant un univers familial et social mâtiné de tradition ancestrale cruelle, plongée dans le bain des quartiers dits sensibles : cela donne ce spectacle réussi, très bien interprété et mis en scène, à voir ou à revoir. Bintou que l’on pourrait sous-titrer «les origines du mal » pour son analyse subtile des maux d’une partie de notre société…
Pas de quartier - Mise en scène d’Eric Checco
Quand le corps en silence se met en mouvement, il dit parfois bien des choses au-delà des mots. Pas de quartier parle d’identité française, de ce qui la compose, de ce qui fait les quartiers aujourd’hui et leur richesse en tant que parts intégrales de cette société aujourd’hui. Ce sont des corps en mouvements qui racontent l’Histoire dans la première moitié du spectacle Pas de quartier. Ce sont le hip hop, la breakfast danse et autres danses dites urbaines qui s’allient et s’associent pour, tour à tour, raconter les tirailleurs sénégalais de la Grande Guerre, les GI’s venus libérer la France, les grandes vagues d’immigration africaines, asiatiques et les grandes arrivées domiennes, la politique puis les tensions des banlieues qui ont fait craindre un soi-disant vacillement de la République... Première partie très réussie dans ce survol de ce qui fonde une nation, malgré tout...
La deuxième partie est plus « libre » et le hip-hop s’en donne encore plus à cœur-joie avec ses rythmes et ses codes.. Rap et slams s’enchaînent entre les tableaux dansés, une battle entre 2 équipes de danseurs de la troupe donnera la victoire à... (non ça vous le découvrirez vous-mêmes !) et, entre autres réjouissances, un moment de solo tout en bruits de bouche « beatbox » à saluer pour la performance! L’ensemble emporte, il n’y a pas de faux-pas et même beaucoup d'inventivité. Pas de quartier, un spectacle malin et audacieux, à la dynamique contagieuse...
Illumination(s) - Mise en scène d’Ahmed Madani
Ils sont neuf sur scène. Neuf hommes sélectionnés par Ahmed Amani pour entamer le premier volet d’un triptyque intitulé « face àleur destin » que l’auteur et metteur en scène consacre à l’identité sous forme de questionnements.. Comme par exemple : que garde t-on de ses origines quand elles se trouvent loin de là où vous vivez ? Quand on est fils ou petit-fils d’immigrés, le temps dilue-t-il les racines au lieu de les ancrer dans le nouveau sol ? Le lieu où vous vous trouvez, où vous êtes nés, où l’on vous dit pourtant différent et étranger, vous marque-t-il alors de nouvelles souffrances qui peuvent prendre l’aspect par exemple de discriminations ?
Sous nos yeux, toutes ces questions posées par Ahmed Amani prennent vie sous forme de saynètes et de tableaux interprétés par ces neuf comédiens. Aujourd’hui en banlieue, hier au bled, avant-hier dans cette Algérie que l’on voulait française.... Qui sont-ils aujourd’hui ces enfants de ceux que l’on a parfois torturés quand il voulait juste être libres et indépendants ? Qui sont-ils, ceux qui à la fois se révèlent français de vie et de cœur mais que l’on nomme étrangers, de faciès. Ce sont là quelques-unes des vérités assénées dans ce spectacle qui trouve automatiquement sa prolongation du côté des femmes avec Flammes (à voir également dans ce e-Toma), où là dix comédiennes s’en donnent à cœur joie pour nous raconter leur France…
Toutes ces pièces et la programmation complète du e-TOMA sont à retrouver sur ww.verbeincarne.fr du 3 au 26 juillet