Le Festival e-TOMA se déroule du 3 au 26 juillet avec ses pièces à voir et à entendre et son programme de rencontres avec les compagnies de théâtre des Outre-mer. À chaque jour, une thématique : aujourd’hui reconstruire le miroir brisé autour des questions mémorielles...
La sélection du TOMA de l'édition 2020 virtuelle, sur la thèmatique "reconstruire le miroir brisé", à voir ou à revoir :
Des corps qui bougent, qui dansent pour dire la peine, des corps pour dire la souffrance, des corps pour dire la guerre... Des corps pour dire la peur, les tranchées, les privations, la séparation, les honneurs, quelques photos en noir et blanc projetées en fond de scène et des mots issus de lettres de poilus, fameux tirailleurs sénégalais et les autres, les oubliés de la Grande guerre... Ceux qui étaient soit-disant à part et qui, étant à part, ont été traités différemment des autres soldats. Mais ils mouraient pareil pour la Patrie…
La chorégraphie de Chantal Loïal exprime tout cela par les mouvements de corps ensemble comme une armée partant au combat, vaillamment. Par les mouvements des corps seuls, moments de solos sur scène qui dit l’intime en tant de conflit. D’autres passages racontent encore le front et la vie pendant que la guerre se déroule au loin.. Des monuments aussi se dressent, monument aux morts quand tout se fige et que le souvenir de la guerre se cristallise dans une pose ancrée dans le granite ou le marbre ; les tenues des six danseurs rappelle d’ailleurs la tenue des poilus.
C’est tout cela le spectacle « à armes égales »... Un travail chorégraphique expressionniste qui s’il manque parfois peut-être de subtilité n’en est pas moins clair sur ses intentions de faire revivre en quelques tableaux toute la dureté, l'âpreté de la guerre du point de vue de ses soldats, noirs et fiers.
Il est des titres qui sont un pied de nez et trahissent bien le spectacle qui se cache derrière. Prendre le titre « Tout va bien en Amérique » quand on entreprend de raconter peu ou prou l’histoire tumultueuse de ce pays, c’est déjà porter bien loin l’ironie.
Musiciens, comédiens mais aussi chanteuse et chanteur aux voix puissantes se mêlent dans cette grande partition pour faire vivre des « tableaux » évoquant aussi bien la découverte des Amériques par Christophe Colomb que la prohibition des années 1930, en passant par l’élimination progressive des Indiens, l’esclavage ou la ségrégation des Noirs... Autant d’événements fondateurs de cette Amérique - événements tragiques pour la plupart - qui disent combien les USA a forgé en partie son mythe et sa prospérité sur le colonialisme, sur l’exploitation des minorités qui la composent ou sur la violence...
Musicalement, le spectacle est réjouissant : tous les styles y passent du gospel au jazz blues, de la musique western au cabaret.. Irène Jacob et D’de Kabal qui portent l’essentiel des textes (formidables tous les deux!) se calent et se fondent sur les rythmes imprimés par les musiciens, rythmes qui disent aussi en grande partie ce roman américain qui a fait l’Histoire des Etats-Unis. Les transitions ainsi que l’ensemble de la mise en scène signé David Lescot rendent le tout fluide et captivant. A voir et revoir d’urgence, ce spectacle total qui ne laisse pas indifférent...
Les mots de France Fanon frappent dur, frappent fort. « Les damnés de la terre », c’est une œuvre majeure de l’auteur martiniquais qui prend une belle dimension dans cette adaptation théâtrale qui se veut aussi âpre que le texte lui-même. Les damnés de la terre, soit un pamphlet un brûlot incisif, puissant et implacable qui dénonce le colonialisme dans toute son horreur, qui évoque le traumatisme du colonisé qui démontre la nécessité de l’indépendance des êtres vis-à-vis des oppresseurs ou d’un pays vis-à-vis d’un autre pays invasif. Frantz Fanon par ses origines caribéennes et son engagement pour le peuple algérien fait le lien entre ces terres colonisées qu’étaient les Antilles et qu’était l’Algérie en 1961.. Le texte des Damnés de la terre a été écrit et difficilement publié peu de temps avant sa mort… on comprend pourquoi en entendant les mots.
Sur scène, littéralement des peaux noires, des masques blancs, des masques noirs, des peaux blanches comme une allusion à une autre œuvre de Frantz Fanon dont l’obsession en tant que psychiatre était le soin de douleur psychique et l’autre obsession en tant qu’homme et auteur était la dénonciation des tortures et des atteintes aux libertés fondamentales. C’est une pièce sombre, aux décors plongés dans le noir, éclairés de faibles lumières, tout au long des tableaux qui se succèdent en différents lieux rappelant tous des lieux de souffrances : la prison, l’hôpital, par exemple... La scénographie très réussie accompagne crûment la nécessité pour les interprètes de nous livrer sans affect les mots sans fioritures, directs, parfois empruntés aux oppresseurs eux-mêmes. La mise en scène brute, parfois brutale, exigeante, ne laisse pas de place à la moindre ambiguïté, au moindre sourire pour souligner la gravité des faits dénoncés. Ce théâtre-là signé Jacques Allaire se fait symbolique mais c’est une forme d’uppercut qui ne trahit en rien la pensée du grand Frantz Fanon.
Toutes ces pièces et la programmation complète du e-TOMA sont à retrouver sur www.verbeincarne.fr du 3 au 26 juillet
- À âmes égales
- Tout va bien en Amérique
- Les damnés de la terre
À âmes égales - chorégraphie et mise en scène Chantal Loïal
Des corps qui bougent, qui dansent pour dire la peine, des corps pour dire la souffrance, des corps pour dire la guerre... Des corps pour dire la peur, les tranchées, les privations, la séparation, les honneurs, quelques photos en noir et blanc projetées en fond de scène et des mots issus de lettres de poilus, fameux tirailleurs sénégalais et les autres, les oubliés de la Grande guerre... Ceux qui étaient soit-disant à part et qui, étant à part, ont été traités différemment des autres soldats. Mais ils mouraient pareil pour la Patrie…
La chorégraphie de Chantal Loïal exprime tout cela par les mouvements de corps ensemble comme une armée partant au combat, vaillamment. Par les mouvements des corps seuls, moments de solos sur scène qui dit l’intime en tant de conflit. D’autres passages racontent encore le front et la vie pendant que la guerre se déroule au loin.. Des monuments aussi se dressent, monument aux morts quand tout se fige et que le souvenir de la guerre se cristallise dans une pose ancrée dans le granite ou le marbre ; les tenues des six danseurs rappelle d’ailleurs la tenue des poilus.
C’est tout cela le spectacle « à armes égales »... Un travail chorégraphique expressionniste qui s’il manque parfois peut-être de subtilité n’en est pas moins clair sur ses intentions de faire revivre en quelques tableaux toute la dureté, l'âpreté de la guerre du point de vue de ses soldats, noirs et fiers.
Tout va bien en Amérique - Mise en scène de David Lescot
Il est des titres qui sont un pied de nez et trahissent bien le spectacle qui se cache derrière. Prendre le titre « Tout va bien en Amérique » quand on entreprend de raconter peu ou prou l’histoire tumultueuse de ce pays, c’est déjà porter bien loin l’ironie.
Musiciens, comédiens mais aussi chanteuse et chanteur aux voix puissantes se mêlent dans cette grande partition pour faire vivre des « tableaux » évoquant aussi bien la découverte des Amériques par Christophe Colomb que la prohibition des années 1930, en passant par l’élimination progressive des Indiens, l’esclavage ou la ségrégation des Noirs... Autant d’événements fondateurs de cette Amérique - événements tragiques pour la plupart - qui disent combien les USA a forgé en partie son mythe et sa prospérité sur le colonialisme, sur l’exploitation des minorités qui la composent ou sur la violence...
Musicalement, le spectacle est réjouissant : tous les styles y passent du gospel au jazz blues, de la musique western au cabaret.. Irène Jacob et D’de Kabal qui portent l’essentiel des textes (formidables tous les deux!) se calent et se fondent sur les rythmes imprimés par les musiciens, rythmes qui disent aussi en grande partie ce roman américain qui a fait l’Histoire des Etats-Unis. Les transitions ainsi que l’ensemble de la mise en scène signé David Lescot rendent le tout fluide et captivant. A voir et revoir d’urgence, ce spectacle total qui ne laisse pas indifférent...
Les damnés de la terre - Mise en scène de Jacques Allaire
Les mots de France Fanon frappent dur, frappent fort. « Les damnés de la terre », c’est une œuvre majeure de l’auteur martiniquais qui prend une belle dimension dans cette adaptation théâtrale qui se veut aussi âpre que le texte lui-même. Les damnés de la terre, soit un pamphlet un brûlot incisif, puissant et implacable qui dénonce le colonialisme dans toute son horreur, qui évoque le traumatisme du colonisé qui démontre la nécessité de l’indépendance des êtres vis-à-vis des oppresseurs ou d’un pays vis-à-vis d’un autre pays invasif. Frantz Fanon par ses origines caribéennes et son engagement pour le peuple algérien fait le lien entre ces terres colonisées qu’étaient les Antilles et qu’était l’Algérie en 1961.. Le texte des Damnés de la terre a été écrit et difficilement publié peu de temps avant sa mort… on comprend pourquoi en entendant les mots.
Sur scène, littéralement des peaux noires, des masques blancs, des masques noirs, des peaux blanches comme une allusion à une autre œuvre de Frantz Fanon dont l’obsession en tant que psychiatre était le soin de douleur psychique et l’autre obsession en tant qu’homme et auteur était la dénonciation des tortures et des atteintes aux libertés fondamentales. C’est une pièce sombre, aux décors plongés dans le noir, éclairés de faibles lumières, tout au long des tableaux qui se succèdent en différents lieux rappelant tous des lieux de souffrances : la prison, l’hôpital, par exemple... La scénographie très réussie accompagne crûment la nécessité pour les interprètes de nous livrer sans affect les mots sans fioritures, directs, parfois empruntés aux oppresseurs eux-mêmes. La mise en scène brute, parfois brutale, exigeante, ne laisse pas de place à la moindre ambiguïté, au moindre sourire pour souligner la gravité des faits dénoncés. Ce théâtre-là signé Jacques Allaire se fait symbolique mais c’est une forme d’uppercut qui ne trahit en rien la pensée du grand Frantz Fanon.
Toutes ces pièces et la programmation complète du e-TOMA sont à retrouver sur www.verbeincarne.fr du 3 au 26 juillet