"Tout est devenu compliqué" : en Polynésie, l'organisation du marché de Papeete perturbée par le Covid

Moins de clients, moins de vendeurs mais beaucoup plus de règles de restriction, à Papeete, le marché a perdu de sa superbe. Le port du masque y est obligatoire et le schéma de circulation a été revu, de quoi perturber les habitués comme les professionnels.

"C'est compliqué votre système, vous avez tout changé", grogne, furieux, Bruno Eugène, militaire à la retraite venu vendre ses bananes au marché de Papeete. "Tout est compliqué avec le Covid", lui répond placidement un des placiers du marché de Tahiti. Avec le confinement, décrété mi-août en Polynésie française en raison d'une reprise fulgurante de l'épidémie, le marché Mapuru a Paraita n'a plus la même ambiance. D'abord les clients se comptent en dizaines plutôt qu'en centaines, et les vendeurs sont beaucoup moins nombreux à se déplacer.

Autre conséquence, toute l'organisation des stands est chamboulée, ce qui perturbe les habitués comme Bruno. A deux rues de la cathédrale, le marché Mapuru a Paraita est le coeur battant de Papeete, où se retrouvent les Polynésiens comme les touristes. Mais en raison de la pandémie, dans le marché couvert, qui ouvre tous les jours de la semaine sauf le samedi, les accès sont limités, tout le schéma de circulation a été revu et les stands non essentiels, notamment les souvenirs pour les touristes, sont fermés. 


"C'est nul le marché maintenant"

Et lors du marché du dimanche qui voit arriver des agriculteurs de tout Tahiti, et même des îles voisines, dans les rues autour du marché couvert, une distanciation s'est opérée pour respecter les gestes barrière : tous les commerçants sont alignés, au lieu d'être des deux côtés de la rue. Le port du masque est respecté des deux côtés des étals et le gel hydroalcoolique coule à profusion.

Forte de ses cinquante-cinq ans de présence au marché, Myriam, 73 ans, une imposante couronne de fleurs sur la tête, assise devant son étal de mangues, bien rangées dans de petits cartons, lâche, catégorique: "c'est nul le marché maintenant". Quelques étals plus loin, Philippe Audoux, éleveur à Faaone, commune de l'est de Tahiti, venu vendre ses oeufs de cailles et son gingembre, assure également que depuis le confinement et la mise en place d'attestations de déplacement il y a "beaucoup moins de fréquentation sur le marché".

D'habitude c'est bondé. On sent qu'avec l'aggravation de la crise, les gens n'osent plus sortir, ils ont peur certainement, et les attestations ne facilitent pas les choses

Philppe Audoux, éleveur


Impact sur les ventes

Sur ce marché où les premiers commerçants s'installent à partir de 3H00 du matin et les clients arrivent à 4H00, "ça se ressent très fortement sur les ventes. D'habitude à 7H30, j'ai vendu toute ma production. Là, ça fait plusieurs semaines que je reste jusqu'à 9H00 et que je reviens avec une grande partie de mon stock", explique-t-il.

"On s'adapte, on est bien obligé. Tous les agriculteurs de l'île se retrouvent ici, et essaient d'écouler leur production, on n'a droit à aucune aide. Donc il faut qu'on se débrouille dans la vente auprès des magasins ou ici sur le marché", constate-t-il. "Moi le Covid ça ne fait pas baisser mes ventes, bien au contraire. Tout ce que je n'ai pas vendu sur le marché, je l'ai répercuté sur de la livraison", assure pour sa part Nathalie Convert, quadragénaire qui vend des pains issus de la transformation de produits locaux comme le taro, ou la noix de coco. Elle a annulé le stand qu'elle tient en semaine "parce qu'il n'y a pas assez de passage", mais continue de venir le dimanche et, surtout, elle a "basculé vers la vente à domicile".

Le confinement a été prolongé jusqu'au 20 septembre en Polynésie où 33 personnes sont décédées du Covid-19 le week-end dernier, portant à 513 le nombre total de décès liés au virus sur le territoire de 270.000 habitants depuis le début de l'épidémie.