Le musée Anne-de-Beaujeu à Moulins propose une exposition sur les arts kanaks. A travers les portraits du chef Poindi-Patchili, de Léon Moncelon et de Pierre Poyti, Trajectoires kanak invite à un véritable voyage en Nouvelle-Calédonie à la fin du 19ème et au début du 20ème siècle.
Dans le Bourbonnais, en plein centre de l’Hexagone, Moulins, petite ville de plus de 50 000 habitants abrite un fabuleux musée aux collections très variées.
Le musée Anne-de-Beaujeu conserve aussi depuis longtemps dans ses réserves, des objets kanak. En 2011, le spécialiste d’art kanak, Roger Boulay s’était rendu sur place pour étudier cette collection. L’idée d’une exposition à Moulins sur cet art encore trop méconnu était donc née. Il aura fallu attendre 2017 et l’arrivée d’une nouvelle conservatrice pour que le projet se concrétise.
La mission n’était pas simple, car contrairement aux autres objets des réserves du musée Anne-de-Beaujeu, cette petite collection d’art kanak n’était pas inventoriée et n’était accompagnée d’aucune référence écrite.
En peu de temps avec l’aide d’Emmanuel Kasarhérou, responsable de la coordination scientifique des collections du Musée du Quai Branly, une exposition a été montée rassemblant des objets kanak de toute la région Auvergne Rhône-Alpes ainsi que quelques pièces du Musée Quai Branly. Regardez ci-dessous le reportage de France Ô :
Le chef Poindi-Patchili apparaît ainsi en photo dans l’exposition. "C'est une image publiée dans des cartes postales au début du 20e siècle dont on ne connaissait pas l'auteur, explique Emmanuel Kasarhérou à La1ère. Je l'ai retrouvé en travaillant dans les archives de la "Mitchell Library" à Sydney qui a un fonds photographique kanak assez important".
"Poindi-Patchili est probablement né dans les années 1830, ajoute Emmanuel Kasarhérou. C'est un chef de la côte est, entre Touho et Hienghène. Il s’est opposé très tôt à l'établissement de la France en Nouvelle-Calédonie (NDLR : la première prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France remonte à 1853) Poindi-Patchili a participé à une grande Coalition en 1868 avec le chef Gondou".
Ces armes ont été confisquées dans certaines régions de la Nouvelle-Calédonie au 19ème siècle. Très vite, les collectionneurs se sont intéressés à ces objets. Frondes, massues, casse-têtes étaient les plus utilisés. "Un casse-tête est une massue qui permet de frapper, comme son nom l'indique, plutôt la tête, indique Emmanuel Kasarherou. Il est en général en bois avec des formes plutôt phalliques ou de bec d'oiseau".
Parmi ces armes figurent aussi des sagaies particulièrement rares. Il s’agit très probablement d’objets appartenant à la collection Moncelon. “Le musée s’est véritablement lancé dans une enquête policière, explique Emmanuelle Audry-Brunet, la commissaire de Trajectoires kanak, nous nous sommes rapprochés de la Société d’émulation du Bourbonnais qui dispose d’archives locales afin de comprendre d’où venaient ces objets. Nous n’avons pas de certitude, mais tout porte à croire que Léon Moncelon les a ramené de Nouvelle-Calédonie”.
“Les Moncelon, c’est une famille de l’Allier, d’un petit village qui se trouve à quelques kilomètres de Moulins, Ygrande, poursuit Emanuelle Audry-Brunet. Pierre et Marguerite ont deux enfants Léontine et Léon. Léontine va rester en métropole tandis que Léon aura le goût du voyage. En 1873, il part s’installer comme colon libre en Nouvelle-Calédonie. A l’époque cela signifiait un voyage en bateau de quatre mois dont on n’était pas très sur de revenir vivant”.
Par la suite, Marguerite, 56 ans, entraîne son époux alors âgé de 68 ans à rejoindre leur fils sur le caillou. Ils y resteront ensemble pendant une dizaine d’années. “Ils reviennent en métropole en 1884 et ramènent avec eux un enfant de 11 ans dont on ne sait pas s’il a été adopté légalement, ajoute Emanuelle Audry-Brunet C’est le premier métis kanak à mettre les pieds en métropole. Il s’appelle Pierre Poyti”.
"Léon Moncelon est connu dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie, précise Emmanuel Kasarhérou, car c'est un personnage, qui a été élu à un moment donné". Il a beaucoup écrit dans les journaux notamment contre l’administration coloniale.
A cette époque, à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, les zoos humains n’étaient pas rares. Didier Daeninckx a consacré son roman Cannibales à ce sujet.
Malgré tout, Pierre Poyti a suivi Léon Moncelon en Tunisie. Ce dernier est devenu maire de Bizerte à la fin des années 1890. Sans qu’on n’en connaisse vraiment la cause, Pierre Poyti s’est fâché avec Léon Moncelon. Il est rentré à Moulins, est devenu menuisier, s’est marié et a eu deux filles. Malgré leur dispute, Léon Moncelon est intervenu pour permettre à Pierre Poyti de se marier et d’avoir des papiers.
"Ce type de Sagaie avec des personnages gravés n'est connu que pour une région précise de Nouvelle-Calédonie la côte est, ajoute le conservateur au Musée du Quai Branly. Elles étaient utilisés pour des cérémonie de levée de deuil c'est-à-dire le cycle qui achève le deuil de grands personnages".
"Ces sagaies étaient lancées sur la toiture du chef défunt et ensuite la maison était laissée à dépérir, poursuit Emmanuel Kasarhérou. Ce sont des objets tout à fait particuliers qui n'avaient pas pour vocation à être conservés. Ces sagaies ont été probablement donné ou acheté avant la cérémonie".
Premier métis kanak dans l’Hexagone, Pierre Poyti a vécu avec ses deux cultures. L’homme a eu un parcours mouvementé. Il s’est engagé dans la légion étrangère et est parti combattre au Tonkin. Pierre Poyti a terminé sa vie à Argenteuil, en région parisienne, en 1919 à l’âge de 46 ans, après avoir vécu dans quatre continents.
A Nouméa, au Centre Tjibaou lors de la nuit des musée, les Calédoniens pourront découvrir l’exposition grâce une visite virtuelle. Au même moment à Moulins, les Moulinois pourront visiter le centre Tjibaou à distance.
Le musée Anne-de-Beaujeu conserve aussi depuis longtemps dans ses réserves, des objets kanak. En 2011, le spécialiste d’art kanak, Roger Boulay s’était rendu sur place pour étudier cette collection. L’idée d’une exposition à Moulins sur cet art encore trop méconnu était donc née. Il aura fallu attendre 2017 et l’arrivée d’une nouvelle conservatrice pour que le projet se concrétise.
Des objets kanak sans notice
La mission n’était pas simple, car contrairement aux autres objets des réserves du musée Anne-de-Beaujeu, cette petite collection d’art kanak n’était pas inventoriée et n’était accompagnée d’aucune référence écrite.En peu de temps avec l’aide d’Emmanuel Kasarhérou, responsable de la coordination scientifique des collections du Musée du Quai Branly, une exposition a été montée rassemblant des objets kanak de toute la région Auvergne Rhône-Alpes ainsi que quelques pièces du Musée Quai Branly. Regardez ci-dessous le reportage de France Ô :
Le chef Poindi-Patchili
Cette exposition tire son originalité des récits des aventures de trois personnages liés à la Nouvelle-Calédonie : le chef kanak Poindi-Patchili, le colon libre Léon Moncelon et Pierre Poyti, le premier métisse kanak arrivé dans l’Hexagone. Ces trois hommes tissent un lien entre des oeuvres d’art et l’histoire de la Nouvelle-Calédonie.
Une carte postale
Le chef Poindi-Patchili apparaît ainsi en photo dans l’exposition. "C'est une image publiée dans des cartes postales au début du 20e siècle dont on ne connaissait pas l'auteur, explique Emmanuel Kasarhérou à La1ère. Je l'ai retrouvé en travaillant dans les archives de la "Mitchell Library" à Sydney qui a un fonds photographique kanak assez important".Résistance anti-coloniale
Grâce à cette découverte, on a enfin pu donner un nom à ce chef dont la personnalité et le caractère bien trempé ont donné du fil à retordre à l’administration coloniale. "C'est d'abord un grand guerrier, précise Emmanuel Kasarhérou. Au moment où il pose sur cette photo, il a déjà tué un lieutenant d’infanterie de la marine française", ajoute-t-il.
Grande coalition de 1868
"Poindi-Patchili est probablement né dans les années 1830, ajoute Emmanuel Kasarhérou. C'est un chef de la côte est, entre Touho et Hienghène. Il s’est opposé très tôt à l'établissement de la France en Nouvelle-Calédonie (NDLR : la première prise de possession de la Nouvelle-Calédonie par la France remonte à 1853) Poindi-Patchili a participé à une grande Coalition en 1868 avec le chef Gondou".Don d'ubiquité
Défiant constamment l’autorité coloniale, le chef a acquis beaucoup de prestige auprès de la population kanak. "Marcheur infatigable", selon Emmanuel Kasarherou, certains Kanak lui prêtaient un don d’ubiquité. Le chef Poindi-Patchili a été arrêté en 1887 pour un vol de cochons auquel il aurait participé, il a été exilé au bagne d’Obock à Djibouti où il est décédé le 14 mai 1888, à l’âge de 58 ans environ.Les armes d'un chef
Dans cette exposition, on peut découvrir le chef Poindi-Patchili et trois de ses armes. “C’est exceptionnel, confie à La1ere Emmanuel Kasarhérou, car la plupart des armes que l'on connaît dans les collections sont anonymes. Ces armes du chef Poindi-Patchili proviennent d'un ancien communard Gervais Bourdinat déporté au bagne en Nouvelle-Calédonie. Natif de Bourges, il en a fait don à sa ville d'origine".
Des armes confisquées
Ces armes ont été confisquées dans certaines régions de la Nouvelle-Calédonie au 19ème siècle. Très vite, les collectionneurs se sont intéressés à ces objets. Frondes, massues, casse-têtes étaient les plus utilisés. "Un casse-tête est une massue qui permet de frapper, comme son nom l'indique, plutôt la tête, indique Emmanuel Kasarherou. Il est en général en bois avec des formes plutôt phalliques ou de bec d'oiseau".
La collection de Léon Moncelon
Parmi ces armes figurent aussi des sagaies particulièrement rares. Il s’agit très probablement d’objets appartenant à la collection Moncelon. “Le musée s’est véritablement lancé dans une enquête policière, explique Emmanuelle Audry-Brunet, la commissaire de Trajectoires kanak, nous nous sommes rapprochés de la Société d’émulation du Bourbonnais qui dispose d’archives locales afin de comprendre d’où venaient ces objets. Nous n’avons pas de certitude, mais tout porte à croire que Léon Moncelon les a ramené de Nouvelle-Calédonie”.
Léon Moncelon
“Les Moncelon, c’est une famille de l’Allier, d’un petit village qui se trouve à quelques kilomètres de Moulins, Ygrande, poursuit Emanuelle Audry-Brunet. Pierre et Marguerite ont deux enfants Léontine et Léon. Léontine va rester en métropole tandis que Léon aura le goût du voyage. En 1873, il part s’installer comme colon libre en Nouvelle-Calédonie. A l’époque cela signifiait un voyage en bateau de quatre mois dont on n’était pas très sur de revenir vivant”.
Pierre Poyti
Par la suite, Marguerite, 56 ans, entraîne son époux alors âgé de 68 ans à rejoindre leur fils sur le caillou. Ils y resteront ensemble pendant une dizaine d’années. “Ils reviennent en métropole en 1884 et ramènent avec eux un enfant de 11 ans dont on ne sait pas s’il a été adopté légalement, ajoute Emanuelle Audry-Brunet C’est le premier métis kanak à mettre les pieds en métropole. Il s’appelle Pierre Poyti”. Natif de Houaïlou
Pierre Poyti est né en 1873 à Houaïlou, d’une mère kanak Poyti Karé et d’un père probablement soldat d’infanterie de marine dont le nom reste inconnu. Très vite, le jeune garçon est accueilli par la famille Moncelon. On lui apprend à lire et à écrire."Léon Moncelon est connu dans l'histoire de la Nouvelle-Calédonie, précise Emmanuel Kasarhérou, car c'est un personnage, qui a été élu à un moment donné". Il a beaucoup écrit dans les journaux notamment contre l’administration coloniale.
Conférences sur la Nouvelle-Calédonie
A son retour de Nouvelle-Calédonie, Léon Moncelon a donné de nombreuses conférences pour raconter son voyage. "Il faisait passer des objets dans la public et notamment des armes kanak. Mais surtout, il exhibait le petit Pierre Poyti, un peu comme un animal de foire", raconte Emmanuelle Audry-Brunet.A cette époque, à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, les zoos humains n’étaient pas rares. Didier Daeninckx a consacré son roman Cannibales à ce sujet.
Avoir des papiers
Malgré tout, Pierre Poyti a suivi Léon Moncelon en Tunisie. Ce dernier est devenu maire de Bizerte à la fin des années 1890. Sans qu’on n’en connaisse vraiment la cause, Pierre Poyti s’est fâché avec Léon Moncelon. Il est rentré à Moulins, est devenu menuisier, s’est marié et a eu deux filles. Malgré leur dispute, Léon Moncelon est intervenu pour permettre à Pierre Poyti de se marier et d’avoir des papiers.Aucune photo
Le musée Anne-de-Beaujeu, de même que la société d’émulation du Bourbonnais ne disposent d’aucune photo de Léon Moncelon ni de Pierre Poyti. Les seuls documents qui témoignent de leurs vies sont les nombreuses lettres que les membres de la famille Moncelon et Pierre Poyti se sont envoyés.Trois sagaies exceptionnelles
Restent aussi les objets "ambassadeurs" de la Nouvelle-Calédonie comme le disait Jean-Marie Tjibaou, ramenés par Léon Moncelon. Parmi eux, figurent trois sagaies exceptionnelles. "On en connaissait que trois dans les collections et trois ont été retrouvés à Moulins. Donc ça fait un total de six aujourd'hui", s’enthousiasme Emmanuel Kasarhérou.
Levée de deuil
"Ce type de Sagaie avec des personnages gravés n'est connu que pour une région précise de Nouvelle-Calédonie la côte est, ajoute le conservateur au Musée du Quai Branly. Elles étaient utilisés pour des cérémonie de levée de deuil c'est-à-dire le cycle qui achève le deuil de grands personnages"."Ces sagaies étaient lancées sur la toiture du chef défunt et ensuite la maison était laissée à dépérir, poursuit Emmanuel Kasarhérou. Ce sont des objets tout à fait particuliers qui n'avaient pas pour vocation à être conservés. Ces sagaies ont été probablement donné ou acheté avant la cérémonie".
Dans quatre continents
Premier métis kanak dans l’Hexagone, Pierre Poyti a vécu avec ses deux cultures. L’homme a eu un parcours mouvementé. Il s’est engagé dans la légion étrangère et est parti combattre au Tonkin. Pierre Poyti a terminé sa vie à Argenteuil, en région parisienne, en 1919 à l’âge de 46 ans, après avoir vécu dans quatre continents. Où et quand voir Trajectoires kanak ?
L’exposition Trajectoires kanak peut se visiter à Moulins jusqu’au 16 septembre 2018. Elle partira ensuite à Bourges.A Nouméa, au Centre Tjibaou lors de la nuit des musée, les Calédoniens pourront découvrir l’exposition grâce une visite virtuelle. Au même moment à Moulins, les Moulinois pourront visiter le centre Tjibaou à distance.