Au Palais à Belle-Ile en ce jeudi 4 avril, c'est jour de fête. Les enfants ont déserté les bancs de l’école pour se poser sur les quais et admirer les marins qui arrivent un à un à bord de leur Class 40. Malgré la pluie et le vent, une foule immense s’est amassée sur les remparts surplombants le port la ville. Il faut dire qu’après quinze ans d’absence, l’impatience commençait à ronger les Bellilois, mais aussi d’anciens vainqueurs comme Gildas Morvan. "Je trouvais ça dommage de ne pas relancer cette épreuve qui a une histoire, confie le skipper titré en 2009 sur cette course. C’est une transat mythique. Revoir ces beaux bateaux ici à Belle-Ile et tous ces marins prêts à partir à trois à bord dans de belles machines, ça me fait chaud au cœur".
Pour son grand retour, la transat change de nom, elle est maintenant baptisée "NIJI40". Une renaissance qu’elle doit à un homme, Hugues Meili président de NIJI. "Ce parcours a existé déjà sous un autre nom durant deux éditions, j’étais au départ et à l’arrivée, c'était un vrai régal. Mais ça s’est arrêté brusquement et dans mon for intérieur, je m’étais dit qu’un jour, je redonnerais naissance à ce parcours que j’adore, avec un autre support que le Figaro [type de bateau, NDLR]."
Une transat en perpétuelle mutation
Née en 2001 sous l’égide de François-Xavier Dehaye, la transat BPE [Banque privée Européenne] n’a cessé d’évoluer. La course se courrait en double à ses débuts, les skippers devaient rallier Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) à Dakar au Sénégal.
La première édition est remportée par le duo Gildas Morvan, Charles Caudrelier en 16 jours, 0 heure et 40 minutes. En 2003, pour la seconde édition, les marins arborent de nouveaux bateaux, des Figaro Bénéteau 2 – voilier de 10 mètres. Plus rapides et plus souples sur l’eau, les temps de passage de la première édition sont explosés par le duo Bertrand De Broc et Dominic Vittet, à bord de "Myrialis", en 14 jours, 13 heures et 24 minutes.
En 2005, la course opère un virage et devient une transatlantique en solitaire. Les skippers ne se dirigent plus vers Dakar, mais prennent la direction des Caraïbes en ralliant Cienfuegos à Cuba. À bord de leur monocoque plus robuste, ils fendent les océans sans crainte de casse. Douze bateaux sont au départ à Saint-Nazaire et après 25 jours 7 heures et 10 minutes de traversée, c’est le Basque Eric Drouglazet qui s’impose.
2007, adieu Cuba et bonjour Marie-Galante
Lancé en grande pompe, le nouveau parcours de la transat BPE met le cap sur Marie-Galante. " Gonflée" par le titre "Belle-Ile-en-Mer / Marie-Galante " de Laurent Voulzy, la transat hisse ses voiles dans la baie de Palais [Belle-Ile-en-mer, Bretagne]. Cette année là, vingt-sept participants (solitaires) prennent le départ, dont le Guadeloupéen Victor Jean-Noël, avec les couleurs de "Pays Marie-Galante". À l’arrivée, il se classe 19ᵉ sur l’île aux cent moulins et est accueilli par de nombreux écoliers de Marie-Galante, et par le parrain emblématique de cette traversée, Laurent Voulzy.
Bien avant le skipper de "Pays Marie-Galante", un dompteur d’océan nommé Nicolas Troussel à bord de "Financo" avait déjà fait chavirer de bonheur une foule immense posée sur le port de Saint-Louis (Marie-Galante). Parti en éclaireur, le Finistérien boucle le parcours en 21 jours, 9 heures et 11 minutes. Quelques minutes après lui, Thomas Rouxel sur "Défi Mousquetaires" prenait la seconde place. Charles Caudrelier quant à lui, terminait à la troisième place sur " Bostik"
2009 une course plus rapide, mais sans lendemain
"Je connais ce sentiment de solitude et d’isolement" disait Voulzy dans son titre en hommage aux deux îles. Ces paroles vont résonner comme un requiem dans la tête des marins au moment de préparer la seconde édition de cette transat, la dernière avant celle de 2024. Crise économique oblige, les organisateurs et les sponsors de la course sont obligés de réduire la voilure. Pris aux dépourvus, seuls 14 concurrents seront au départ de cette édition 2009.
Petite par le nombre de participants, cette course va consacrer un géant des mers : Gildas Morvan. Le Finistérien, déjà vainqueur du premier trophée BPE en 2001 – en double avec Charles Caudrelier – restera à tout jamais gravé dans l’histoire de cette compétition. "Le fait de l’avoir gagné en solitaire, ça reste de bons souvenirs", commente-t-il.
Il boucle sa traversée en 19 jours, 14 heures et 24 minutes. S’il avait pris le temps de se repasser toute la chanson de Laurent Voulzy et voulu admirer les îles avoisinantes comme les Saintes ou la Désirade, il se serait fait coiffer sur le poteau, par Erwan Tabarly arrivé quatre minutes après lui. Le troisième sur la ligne est un néophyte, il s’agit de François Gabart. Par la suite, il remportera le Vendée Globe en 2013 et la route du rhum en 2014 en Imoca.
"Cette course à vocation à durer dans le temps"
Après cette dernière édition marie-galantaise, la course change de cap et se tourne vers la Martinique. " Le trophée BPE " ayant baissé ses voiles, la compétition est remplacée en 2011 par la transat " Bénodet (Bretagne) - Martinique". Pour la première fois, un Martiniquais prend le départ de la course en la personne d’Eric Baray. Cette transat ne sera courue que deux fois, en 2011 et 2013.
Remis aux goûts du jour sous un nouveau format, ce NIJI 40 veut s’ancrer dans le temps." Cette course à vocation à durer dans le temps, annonce Hugues Meili président de NIJI. Dans un premier temps, elle va se courir tous les quatre ans, mais je ne désespère pas qu’on puisse réduire ça à deux ans."