Passionné par la musique et la culture afro-américaines, le Guadeloupéen Pascal Archimède vient de publier "Histoire de l’Amérique noire, des plantations à la culture rap", un essai dans lequel il se penche sur les caractéristiques et l’évolution de cette musique.
Originaire de la Guadeloupe, Pascal Archimède s’est spécialisé en civilisation américaine et en sciences de l’éducation durant ses études universitaires. Il est aujourd’hui traducteur interprète et formateur en anglais. Il a élaboré sa propre méthode d’apprentissage des langues en musique, qui a donné lieu à la publication de l’ouvrage "Musique en formation linguistique professionnelle – Une approche innovante". Collaborateur du site culturel Noir et Fier (NOFI) il a par ailleurs interviewé récemment à Londres l'équipe du film "Black Panther" (vidéo des entretiens ici).
Son nouveau livre, "Histoire de l’Amérique noire, des plantations à la culture rap" (éditions NOFI Group, disponible par là), comportant de belles illustrations de Hamed Pryslay Koutawa, est un court essai, clair et bien documenté, sur l’itinéraire tragique et complexe des Afro-Américains. Un parcours de résistance et de résilience où la musique a joué et joue encore un rôle fondamental. Dans une approche pédagogique, Pascal Archimède s’attache plus particulièrement à décrypter la culture hip-hop et le rap, des modes d’expression qui sont devenus des phénomènes mondiaux, étudiés par ailleurs sur le plan académique. L’auteur répond aux questions de La1ere.fr.
A la lecture de votre ouvrage, on se rend compte que le rap est l’un des marqueurs fondamentaux de la culture afro-américaine. Est-ce bien le cas, et pourquoi ?
Pascal Archimède : Le rap est en effet l'un des marqueurs fondamentaux de cette culture tout comme les autres mouvements musicaux cités dans le livre. Il faut prendre ces moments dans leur ensemble et suivre le cheminement car le rap lui-même est le produit de ces évolutions musicales. Il est une forme qui a pris racine dans un contexte précis, comme ce fut le cas pour le blues ou le jazz par exemple.
Toutefois, il est vrai que l'exemple du rap peut apparaître plus éloquent. D'abord parce que c'est le genre duquel nous sommes plus proches dans le temps. Nous avons vu et vécu sa naissance, sa diabolisation et même son érosion. Personne n'aurait dit que le rap serait un cas sociologique qui permettait d'éclairer les phénomènes sociaux afro-américains. Ce parti pris est assez récent. Mais terminer mon développement par cette musique permet aussi d'interpeller les jeunes et moins jeunes et leur faire prendre conscience qu'en maîtrisant la discographie de Run DMC, Public Enemy ou encore Tupac ils ont en fait à disposition un concentré d'histoire. Ce livre est une initiation mais surtout une invitation à découvrir ou redécouvrir l'histoire d'un peuple à travers les différentes musiques qu'il a créées. Cette histoire mérite d'être connue, ce n'est qu'une question d'approche et personnellement, j'ai choisi celle-ci. C'est ce qui rend cet ouvrage accessible à tous.
Quel est ce contexte que vous évoquez, où le rap a pris racine ?
Il s'agit tout simplement de l'histoire. L'histoire d'un peuple, celle du peuple noir américain en l'occurrence. Ici la musique est un angle culturel, social et original pour parler de la création de cette nation depuis la déportation massive d’esclaves africains et ces hommes et femmes devenus citoyens américains. Il s'agit de raconter comment ces destins ont évolué ensemble grâce aux institutions que sont l'église, l'école et les médias. La musique motivée par ces spasmes qui sont aujourd'hui l'histoire est le témoin d'une revendication, d'une situation, d'un état de conscience. C'est un peu comme un archéologue qui arrive à déchiffrer l'existence d'un être humain, des années ou des siècles plus tard grâce à des reliques. Les genres musicaux évoqués dans mon livre sont des sortes de reliques, même si c'est moins ancien.
Dans votre essai vous parlez de l'église, de l'école et de la presse comme des principaux piliers de l’émancipation des Noirs Américains. De quelle manière ?
Ces institutions sont des piliers parce que c'est autour d'elles que les Afro-Américains se sont construits en tant que communauté. Dieu comme pourvoyeur et comme promesse d'un futur meilleur a fait de l'église un lieu incontournable où on se rencontre, où on interagit où l'on se juge aussi mais surtout où l'on dépose son fardeau. Les vies des Afro-Américains étaient sensiblement les mêmes et chaque dimanche ils pouvaient partager cette misère ensemble et se réconforter mutuellement. L'église a d'ailleurs joué un rôle capital dans les mouvements de réveil et de révolte de la communauté. Les révérends Martin Luther King Jr. et Jessie Jackson en sont des exemples.
L'école parce qu'elle était comme la caverne d'Ali Baba. Durant l'esclavage, les Noirs n'avaient pas le droit à l'instruction. Aussi, très tôt ils comprirent que le savoir était la clé de l'émancipation, parce que savoir lire déjà c'est être libre et pouvoir accéder à la connaissance sans limite. Dans cette logique, les médias devinrent un pouvoir essentiel parce qu'être informé permet de prendre la pleine mesure d'une situation, de réfléchir et d'anticiper. L'information à ce moment-là avait valeur de révélation car elle permettait de discerner, comme avec la bible, le vrai du faux. Les médias permirent de révéler ce que leurs ennemis de fait cachaient. Grâce à cela, ils pouvaient progressivement se dégager du joug de la domination.
Ces trois pouvoirs sont des armes qu'ils eurent à disposition pour combattre, s'affranchir et bâtir une nouvelle Nation noire plus alerte, plus forte et prospère. On le voit aujourd'hui avec les réussites noires américaines qui culminent en tête des classements les plus prestigieux. C'est une trilogie positive, qui s'oppose à celle morbide longtemps prônée par le système américain à savoir les gangs, la prison et la mort par balles fratricides. Il y a quelque chose de métaphysique dans cet enchaînement, à la fois spirituel mais ancré dans une réalité violente.
Pascal Archimède, "Histoire de l’Amérique noire, des plantations à la culture rap" – éditions NOFI Group, 2018, 136 pages. Prix : 14,90 euros. (Ce livre comprend également une version en anglais chez le même éditeur).
Son nouveau livre, "Histoire de l’Amérique noire, des plantations à la culture rap" (éditions NOFI Group, disponible par là), comportant de belles illustrations de Hamed Pryslay Koutawa, est un court essai, clair et bien documenté, sur l’itinéraire tragique et complexe des Afro-Américains. Un parcours de résistance et de résilience où la musique a joué et joue encore un rôle fondamental. Dans une approche pédagogique, Pascal Archimède s’attache plus particulièrement à décrypter la culture hip-hop et le rap, des modes d’expression qui sont devenus des phénomènes mondiaux, étudiés par ailleurs sur le plan académique. L’auteur répond aux questions de La1ere.fr.
A la lecture de votre ouvrage, on se rend compte que le rap est l’un des marqueurs fondamentaux de la culture afro-américaine. Est-ce bien le cas, et pourquoi ?
Pascal Archimède : Le rap est en effet l'un des marqueurs fondamentaux de cette culture tout comme les autres mouvements musicaux cités dans le livre. Il faut prendre ces moments dans leur ensemble et suivre le cheminement car le rap lui-même est le produit de ces évolutions musicales. Il est une forme qui a pris racine dans un contexte précis, comme ce fut le cas pour le blues ou le jazz par exemple.
Toutefois, il est vrai que l'exemple du rap peut apparaître plus éloquent. D'abord parce que c'est le genre duquel nous sommes plus proches dans le temps. Nous avons vu et vécu sa naissance, sa diabolisation et même son érosion. Personne n'aurait dit que le rap serait un cas sociologique qui permettait d'éclairer les phénomènes sociaux afro-américains. Ce parti pris est assez récent. Mais terminer mon développement par cette musique permet aussi d'interpeller les jeunes et moins jeunes et leur faire prendre conscience qu'en maîtrisant la discographie de Run DMC, Public Enemy ou encore Tupac ils ont en fait à disposition un concentré d'histoire. Ce livre est une initiation mais surtout une invitation à découvrir ou redécouvrir l'histoire d'un peuple à travers les différentes musiques qu'il a créées. Cette histoire mérite d'être connue, ce n'est qu'une question d'approche et personnellement, j'ai choisi celle-ci. C'est ce qui rend cet ouvrage accessible à tous.
Quel est ce contexte que vous évoquez, où le rap a pris racine ?
Il s'agit tout simplement de l'histoire. L'histoire d'un peuple, celle du peuple noir américain en l'occurrence. Ici la musique est un angle culturel, social et original pour parler de la création de cette nation depuis la déportation massive d’esclaves africains et ces hommes et femmes devenus citoyens américains. Il s'agit de raconter comment ces destins ont évolué ensemble grâce aux institutions que sont l'église, l'école et les médias. La musique motivée par ces spasmes qui sont aujourd'hui l'histoire est le témoin d'une revendication, d'une situation, d'un état de conscience. C'est un peu comme un archéologue qui arrive à déchiffrer l'existence d'un être humain, des années ou des siècles plus tard grâce à des reliques. Les genres musicaux évoqués dans mon livre sont des sortes de reliques, même si c'est moins ancien.
Dans votre essai vous parlez de l'église, de l'école et de la presse comme des principaux piliers de l’émancipation des Noirs Américains. De quelle manière ?
Ces institutions sont des piliers parce que c'est autour d'elles que les Afro-Américains se sont construits en tant que communauté. Dieu comme pourvoyeur et comme promesse d'un futur meilleur a fait de l'église un lieu incontournable où on se rencontre, où on interagit où l'on se juge aussi mais surtout où l'on dépose son fardeau. Les vies des Afro-Américains étaient sensiblement les mêmes et chaque dimanche ils pouvaient partager cette misère ensemble et se réconforter mutuellement. L'église a d'ailleurs joué un rôle capital dans les mouvements de réveil et de révolte de la communauté. Les révérends Martin Luther King Jr. et Jessie Jackson en sont des exemples.
L'école parce qu'elle était comme la caverne d'Ali Baba. Durant l'esclavage, les Noirs n'avaient pas le droit à l'instruction. Aussi, très tôt ils comprirent que le savoir était la clé de l'émancipation, parce que savoir lire déjà c'est être libre et pouvoir accéder à la connaissance sans limite. Dans cette logique, les médias devinrent un pouvoir essentiel parce qu'être informé permet de prendre la pleine mesure d'une situation, de réfléchir et d'anticiper. L'information à ce moment-là avait valeur de révélation car elle permettait de discerner, comme avec la bible, le vrai du faux. Les médias permirent de révéler ce que leurs ennemis de fait cachaient. Grâce à cela, ils pouvaient progressivement se dégager du joug de la domination.
Ces trois pouvoirs sont des armes qu'ils eurent à disposition pour combattre, s'affranchir et bâtir une nouvelle Nation noire plus alerte, plus forte et prospère. On le voit aujourd'hui avec les réussites noires américaines qui culminent en tête des classements les plus prestigieux. C'est une trilogie positive, qui s'oppose à celle morbide longtemps prônée par le système américain à savoir les gangs, la prison et la mort par balles fratricides. Il y a quelque chose de métaphysique dans cet enchaînement, à la fois spirituel mais ancré dans une réalité violente.
Pascal Archimède, "Histoire de l’Amérique noire, des plantations à la culture rap" – éditions NOFI Group, 2018, 136 pages. Prix : 14,90 euros. (Ce livre comprend également une version en anglais chez le même éditeur).