Ils vivent dans des endroits de France magnifiques, en pleine nature. Pourtant, ces quatre champions d’ultra-trail doivent résister à l’appel des grands espaces. Pas simple d’être confiné quand on est un coureur d’exception. Chacun s’adapte... contre nature.
Discrètement, il avoue que son métier est une vraie passion. Grégoire est sous-chef dans un restaurant à Chamonix (le Cap Horn) et chef à domicile. "Les clients choisissent les menus et je fais la prestation. C’est du haut de gamme dans des chalets privés avec des clients exigeants. J’adore faire les desserts, les gâteaux, les poissons, les cuissons basse température. J’aime créer et tout faire."
La montagne ne me défie pas, je sais qu’elle est là, elle ne bougera pas. Quand tu la regardes, tu n’as qu’une envie, c’est d’y aller.
Car l’année 2020 a commencé de la pire des manières pour Julien, qui s’est cassé l’épaule en janvier. Une chute bête de ski de randonnée qui a donné trois belles fractures sur la tête de l’humérus, heureusement pas déplacées donc pas d’opération. "En janvier, j’étais donc déjà confiné avec un peu de vélo dans mon garage. Début mars, ça allait mieux et ça s’enchaîne. Actuellement, je suis en phase de rééducation de l’épaule. Et je maintiens l’activité course à pied réduite autour de la maison. Je peux courir une heure dans mon village de Saint-Thibaut-de-Couz au pied du massif de la Chartreuse, où j’ai rapidement 100 mètres de dénivelé près de chez moi. C’est agréable."
J’ai fait la montée de l’Alpe d’Huez. Les 21 virages en 42 minutes, à 6 minutes du record de Pantani, mais sur Strava.
Maxime habite à Nay (64), près de la grande ferme familiale de ses parents et à côté de son frère. Ici l’activité ne manque pas tout au long de l’année, l’occasion de travailler le physique non plus. Il y a 50 hectares de terres à maïs plantés sur l’ancien lit du Gave. Tous les ans, des cailloux ressortent et il faut aider à les enlever puis labourer ce grand espace. "En ce moment, avec les devoirs quotidiens des gamins et les travaux de la ferme, je ne m’autorise qu’une heure de sport par jour. C’est pour entretenir ma forme car je n’ai pas la motivation pour aller faire des gros entraînements de gainage, de cardio ou de musculation. En plus j’ai horreur de ça. Moi j’adore la montagne, partir et m’évader."
Oui je suis en manque de mon kif quotidien, aller contempler ma montagne, mais je n’ai pas le choix.
Au début Maxime n’est pas sorti "pour respecter et être exemplaire", alternant son home trainer avec son tapis de course. Et puis il s’est mis à réfléchir à tout cela, pour compenser son manque. "L’idée est qu’il n’y a pas que le sport dans la vie, le plus important à mes yeux ça reste la santé et la famille. Ça fait du bien de ne rien faire et de passer du temps avec ma femme et les enfants. Je les ai tout le temps avec moi dans les champs en train de courir, de ramasser des cailloux ou de ranger du bois. C’est une éducation que j’ai reçue plus jeune quand j’étais beaucoup à la ferme avec mes parents autant que sur le terrain de rugby. Ça reste des valeurs qui me sont chères et que j’ai envie d’inculquer à mes enfants." Ici à Nay, il travaille au syndicat d’eau et d’assainissement de la communauté de communes. Le job consiste, même en cas de crise, à continuer de traiter les eaux usées et bien veiller à la distribution de l’eau potable. Il est même soumis à des astreintes.
Benoit, vous ne le dérangez jamais ou presque, il est toujours très tranquille. Il accepte le confinement chez lui à Chatuzange-le-Goubet dans la Drôme, à quelques encablures du Vercors. "Je suis les régles du confinement, j’ai un jardin, une maison. Derrière chez moi sur un terrain en pente, je fais un mur de soutènement avec la pelle et la pioche donc ça m’occupe bien. Après le terrassement, il faudra poser le béton, monter les moellons. Il y a du boulot. En deux ou trois semaines ça devrait le faire. Déjà huit heures de pelle et de pioche par jour ça fait du sport, sinon j’ai aussi un home trainer et je cours autour de chez moi dans les chemins, mais c’est juste du footing. Tourner en rond pendant des heures ça non, je n’en ai pas envie."
Il avoue être un peu hyperactif avec toujours le besoin de faire quelque chose, mais Benji (son surnom) est aussi plus posé dans cette période de crise. Il apprécie de rentrer chez lui se reposer, auprès de Coline, sa compagne. Il s’occupe des siens en faisant les courses pour sa grand-mère et pour ses parents. "La santé de mes proches me préoccupe."
On se pose des questions face au comportement irrespectueux de certaines personnes.
Il a d’autant plus conscience du danger invisible qu’est le Covid-19, qu’il exerce un métier au contact du public. Benoît continue à travailler deux jours par semaine à la gare SNCF de Valence Centre-Ville : "Je m’occupe de l’escale, de l’accueil des voyageurs. Je vérifie si le train est complet, si la rame est ok, avec conducteur et contrôleur et ce, même s’il y a juste 10 15 % de trains qui roulent. Nous faisons plus attention en respectant une distance vis-à-vis des clients. Mais j’ai des collègues de la police ferroviaire qui ont été contaminés. Et certains ont été bien secoués. On n‘est pas dans un bureau et parfois on se pose des questions quand on voit l’attitude de certaines personnes qui prennent le train et ne sont pas en règle. On doit aussi gérer les SDF qui dorment ici et là. Rien n’est simple." À son grand soulagement, la SNCF pour le moment a annoncé à ses salariés qu’il n’y aura pas de perte de salaire. En effet, Benoît est un sportif amateur avec un palmarès digne d’un pro.
Une question pour quatre
Les quatre trailers ont accepté de répondre à la question finale.
Que ferez-vous dès l’annonce du déconfinement ? Grégoire : « Quand on va en sortir ? La première chose à faire, je vais aller en haute montagne, faire de l’alpinisme et me retrouver là-haut. » Maxime : « On est peu de chose. Dès que c’est fini, un bon repas en famille avec un foie gras maison, de la confiture de figue et un Jurançon. C’est mon rêve. » Julien : « J’irai faire une grand balade en montage avec des copains, soit dans le Massif de la Chartreuse soit celui des Bauges, à proximité de chez moi. » Benoît : « Moi, ce sera un défi sportif en vélo, j’irai escalader le Col de Tourniol dans la Drôme, il est classé 1ere catégorie dans le Tour de France. »