Une photo volée du sans-abri avait été publiée par le magazine pour illustrer un reportage sur la consommation de crack. Il avait porté plainte pour atteinte à la vie privée.
40 000 euros pour une photo. En janvier 2018, la photo d'un sans domicile fixe d’origine guyanaise apparait dans un article de Paris Match consacré à la consommation de crack dans le métro parisien. Sur l’image, prise à la station Marx Dormoy, dans le 18e arrondissement de Paris, on voit les visages de plusieurs personnes éclairés par une flamme. La légende de la photo indique qu’elle leur sert à allumer une pipe à crack.
Le SDF d’une quarantaine d’année est bel et bien dépendant au crack. Il ne veut pas que la photo, prise à son insu de l’autre côté du quai, soit rendue publique. Aidé par une association, il contacte un cabinet d’avocat et assigne le magazine en justice pour violation de sa vie privée et atteinte à son droit à l’image.
Une indemnité qui passe de 10 000 à
40 000 euros
En mai 2019, le tribunal de Nanterre condamne Paris Match à lui verser 10 000 euros de dommages et intérêts. L'hebdomadaire doit retirer la photo de son site internet et de son application mobile. Pour s’assurer que leur décision soit appliquée, les juges assortissent leur peine d’une pénalité : 2 000 euros par jour de retard.
Chacun dispose, quelles que soient sa notoriété, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, du droit au respect de sa vie privée.
Mais après plusieurs semaines, la photo est toujours visible sur l’application Paris Match. Les avocats du SDF font le calcul et demandent 128 000 euros à l’hebdomadaire. Les juges estiment que puisque la photo a été retirée partiellement -elle n’est plus visible sur le site- Paris Match n’a pas à verser l’ensemble des indemnités. Le SDF reçoit alors 30 000 euros du magazine, en plus des 10 000 euros déjà perçus.
"Décision exemplaire"
Contacté par Outre-mer la 1ère, l’avocat du SDF se félicite d’une « décision exemplaire », qui rappelle l’importance du droit à la vie privée de tous « y compris de ceux qui vivent dans la misère ».
La décision du tribunal est particulièrement sévère. Quelques mois plus tôt, en novembre 2018, l’ancien Premier ministre Manuel Valls n’avait obtenu que 8 000 euros de Paris Match pour avoir publié une photo volée le représentant avec sa nouvelle compagne. Dans sa décision concernant le sans domicile fixe guyanais, le tribunal de Nanterre souligne l'importance des informations révélées, puisque l'addiction au crack est une maladie.
Le SDF n'est pas sorti de son addiction. Malgré les indemnités reçues, il vit toujours dans une grande précarité.