Une Guadeloupéenne au tribunal pour avoir tué sa compagne sur fond de sorcellerie vaudoue

Un dossier sur un bureau d'un tribunal. Image d'illustration.
Christy Daupin est accusée d'avoir organisé l'assassinat de sa femme en 2019. Persuadée que sa compagne était sous l'emprise d'un sort et qu'elle voulait s'en prendre à ses enfants, l'accusée serait passée à l'acte sur les conseils d'une sorcière installée à Haïti.

Sylvia G., mère de deux jeunes enfants et employée d'une enseigne de bricolage, avait été tuée le 23 mars 2019 dans le sous-sol de son immeuble à Paris, lors d'un véritable "guet-apens" selon l'accusation, d'une "séance de désenvoûtement qui a mal tourné", selon l'une des accusées. Son ex-compagne d'origine guadeloupéenne, la nouvelle petite amie de cette dernière et l'un de ses amis seront jugés à partir de mardi devant la cour d'assises de Paris pour son assassinat.

Le corps de la victime avait été découvert le 24 avril 2019 dans un sous-bois à Villiers-Adam (Val-d'Oise), dissimulé sous une palette et des branchages, un mois après que sa mère avait signalé sa disparition. Les enquêteurs se sont rapidement intéressés aux tensions qui existaient dans le couple qu'elle formait avec Christy Daupin, sa compagne née à Pointe-à-Pitre. Mariées en 2014, les deux femmes vivaient sous le même toit mais étaient, dans les faits, séparées depuis un an.

Sylvia avait donné naissance à des jumeaux en 2013, et une procédure d'adoption avait été lancée au bénéfice de son épouse. Mais la victime avait confié à ses proches peu avant sa mort ne plus vouloir que Christy puisse exercer des droits sur les enfants. Plusieurs témoignages faisaient état de violences verbales et parfois physiques, et de menaces de mort proférées par Christy Daupin qui suspectait, selon l'accusation, son épouse d'avoir été envoûtée par sa nouvelle petite amie.

Selon l'enquête, un de ses coaccusés, Iven Webster, cuisinier d'origine haïtienne, l'avait mise en contact courant 2018 avec une "prêtresse vaudoue" vivant en Haïti. De nombreux appels téléphoniques et envois d'argent vers l'île des Caraïbes ont été mis en évidence.
Christy Daupin s'était rapidement imprégnée de cette croyance et persuadée que Sylvia, sous l'emprise d'un sort, voulait la tuer, "vendre l'âme de leurs enfants", voire vendre les organes des jumeaux.

Un assassinat "recommandé" par une sorcière vaudoue

Plusieurs témoignages attestent qu'elle avait développé un comportement paranoïaque et installé un logiciel espion sur le téléphone de son épouse. Selon l'accusation, l'assassinat de Sylvia G. s'est produit dans la soirée du 23 au 24 mars 2019 en présence de Christy Daupin, de sa nouvelle relation amoureuse, Sabrina Moreau, et d'Iven Webster. Pendant l'enquête, les trois accusés ont varié sur leur rôle et sur l'enchaînement des faits qui ont conduit à la mort de la victime, dont les causes n'ont pas pu être identifiées par l'autopsie.

Seule Sabrina Moreau reconnaît l'intention homicide, expliquant lors de l'instruction que la "sorcière vaudoue" avait convaincu Christy de la nécessité d'éliminer Sylvia et déterminé la répartition des rôles de chacun le soir des faits. Quatre ans après, la famille de Sylvia G. "espère que le moment de l'audience sera propice à une clarification et à une prise de responsabilité" de la part des accusés, a expliqué à l'AFP Maxime Cessieux, avocat de la mère et des sœurs de la victime.

Une clarification également souhaitée par Serge Portelli, l'avocat de Christy Daupin, qui souhaite "qu'on essaie de savoir ce qui s'est passé, de déterminer le rôle de chacun". Surtout, il regrette que l'enquête ne se soit pas davantage intéressée au "rôle déterminant" de la femme haïtienne avec qui les accusés étaient en contact et qui avait, selon lui, une réelle "emprise" sur leur vie durant l'année qui a précédé le meurtre. "Complice de ce qui s'est passé, elle sera absente" au procès, déplore-t-il.

La juge d'instruction n'a pas donné suite à sa demande d'investigations pour identifier et entendre cette femme, au vu de la très difficile coopération judiciaire avec Haïti, gangrénée par la violence des gangs. Les trois accusés, en détention provisoire depuis novembre 2019, encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Le procès devait initialement se tenir en octobre 2022, mais il avait été renvoyé en raison de l'indisponibilité pour raisons médicales d'une avocate de la défense.