Privé de majorité absolue à l’Assemblée nationale, le gouvernement vient d'utiliser l'arme du 49.3 pour faire adopter la partie Recettes de son projet de budget pour l’année 2023. Or les députés ne devaient examiner le budget de la mission Outre-mer que la semaine prochaine. Ce débat aura-t-il lieu ?
Un projet de budget est découpé en deux parties. La première partie est la partie Recettes, avec le niveau des impôts et des taxes : c’est ce qui est débattu depuis deux semaines par les députés. Et c’est sur cette partie du texte que le gouvernement vient d'utiliser l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, qui permet une adoption sans vote.
"Pas la fin du débat"
"Ce n’est pas la fin du débat sur le projet de loi de finance pour 2023, a assuré la Première ministre. Ce débat continuera au Sénat et à l’Assemblée nationale, et à chaque étape, nous garderons intacte notre volonté de dialogue (...) et notre esprit de responsabilité." En effet, l’Assemblée nationale va entamer la semaine prochaine l'examen de la partie Dépenses du budget.
L’utilisation des crédits dédiés au ministère des Outre-mer doit être débattue vendredi 28 octobre. Le 49.3 brandit par la Première ministre mercredi 19 octobre ne concerne que la partie Recettes du budget, le débat autour du budget Outre-mer aura donc lieu normalement. Mais le gouvernement peut choisir d'utiliser à nouveau le 49.3, sur la partie Dépenses cette fois, s'il ne trouve pas de majorité.
Ensuite, le projet de budget partira au Sénat. Ici, le gouvernement ne peut pas utiliser le 49.3 : le budget sera donc débattu dans tous les cas. En cas de désaccord entre les deux assemblées, le projet de budget repart à l’Assemblée pour une lecture définitive. Et là encore, le gouvernement pourra brandir le 49.3.
Le parcours législatif est encore long avant l’adoption définitive du budget. Mais dans tous les cas, le gouvernement aura le dernier mot. Sauf si une motion de censure déposée par l’opposition parvient à faire tomber le gouvernement, ce qui n'est arrivé qu'une fois depuis le début de la Vème République, en 1962.
Les élus Ultramarins dénoncent le passage en force
Pour Jean-Hugues Ratenon, député de La Réunion, l'usage du 49.3 est "une atteinte à la démocratie". "C’est totalement totalitaire", estime-t-il, en rappelant que "dès le début de la mandature, ils [le gouvernement] avaient clamé qu’ils voulaient travailler avec tout le monde, dans la concertation".
Marcellin Nadeau, député de la Martinique, se dit "scandalisé", et balaye l’argument du manque de temps avancé par la Première ministre pour justifier le passage en force, en rappelant que le gouvernement avait jusqu’au 31 décembre pour faire voter le budget.
Jean-Philippe Nilor, élu martiniquais lui aussi, voit dans l’utilisation du 49.3 "un manque de respect du travail des parlementaires quels qu’ils soient, de tous les camps, parce que nous avons passé des nuits à travailler, à débattre, à amender, à corriger le texte."
Je pense qu’il y aura d’ici la semaine prochaine, sur la deuxième partie du projet de loi de finance, sur la mission Outre-mer notamment, (...) un 49.3. Ça veut dire que nous, les élus des territoires, lorsque nous faisons remonter des problématiques (…) elles ne sont pas entendues.
Jean-Philippe Nilor, député de la Martinique
Le député Nupes de La Réunion Frédéric Maillot accuse la "minorité gouvernementale" d’être "très éloignée des problématiques des territoires". "Nous avons à travers nos amendements tentés tant bien que mal de les raisonner, de rectifier le tir. (…) Nous voyons en fait que ce parti est éloigné de la problématique des Réunionnais et des Ultramarins, estime-t-il. Cette violence institutionnelle qui passe par le 49.3 nous la déplorons, donc nous avons déposé cette motion de censure".
Quelques minutes après la prise de parole d'Elizabeth Borne devant l'hémicycle, la Nupes a déposé une motion de censure contre le gouvernement. Le groupe RN a annoncé qu’il déposera une motion jeudi 20 octobre.