Vacances : des livres d’écrivains d’Outre-mer à dévorer durant vos congés

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Du repos bien mérité durant ces vacances, sans doute saupoudrées de nombreuses activités ludiques. Et pourquoi pas y rajouter un peu de lecture, confortablement installé sur la plage, à la montagne ou ailleurs ? Outre-mer La 1ere vous propose une petite sélection.

Débordés par le travail et vos autres obligations quotidiennes, vous n’avez pas eu le temps de consacrer un peu de temps à la lecture jusqu’à présent ? Pas de problème, si vous êtes ou vous apprêtez à partir en vacances, comme nous l’espérons, voici quelques suggestions. 

Estelle-Sarah Bulle (Guadeloupe), « L'Embrasée », Caraibéditions (2022), 424 pages, 17,20 euros.

Née à Créteil en région parisienne, de père guadeloupéen, Estelle-Sarah Bulle s’est fait connaître avec un premier roman à succès, « Là où les chiens aboient par la queue » (éditions Liana Levi, 2018), qui a obtenu notamment le Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-monde. Son nouvel ouvrage, « L'Embrasée », est un livre jeunesse - mais aussi pour adultes - où l’on suit l’itinéraire de Paul, petit génie de la chimie originaire de Guyane. Mais cet adolescent timide et sensible cache une profonde blessure et ressent une menace dont il ne peut identifier l’origine. Lors d'une mission scientifique, sur les pentes de l'Embrasée, un puissant volcan d’une île des Caraïbes, il va faire une rencontre déterminante : Amalia et Jory, deux adolescents des environs dont il devient l’ami et qui lui permettront de comprendre ce qui se trame autour de lui. Et alors que s’annonce une violente tempête tropicale, Paul aidera également ses deux camarades à surmonter certains de leurs propres tourments.

Nicolas Kurtovitch (Nouvelle-Calédonie), « Haïbun de Ouessant », éditions Vents d’ailleurs (2022), 76 pages, 10 euros.

Écrivain prolifique né à Nouméa en 1955, Nicolas Kurtovitch a publié plus d’une trentaine de livres comportant aussi bien des romans, récits, pièces de théâtre, nouvelles et recueils de poésies. Majoritaires dans son œuvre, ce sont surtout ces derniers qui l’ont fait connaître, obtenant de nombreux prix littéraires. Nicolas Kurtovitch est non seulement lu et étudié en Nouvelle-Calédonie, mais également dans tout le Pacifique, notamment en Australie et en Nouvelle-Zélande, où il a d’ailleurs voyagé. Ses livres sont ancrés dans sa terre natale, et portés par l’amour qu’il lui voue. Ses textes interpellent le lecteur sur sa condition humaine, le lien à ses semblables, les questions de la singularité et de l’altérité culturelle.

Le recueil de poèmes « Haïbun de Ouessant », réédité cette année par les éditions Vents d’ailleurs, a été écrit en partie en résidence au sémaphore du Créac’h de l’île de Ouessant. Il avait été publié une première fois par les éditions Les Océaniles et l’Association Kalachakra à Nouméa, en 2003. Dans ce livre, Nicolas Kurtovitch construit un lien subtil et émotionnel entre deux entités insulaires. Un parcours imaginaire de milliers de kilomètres dans des lieux marqués par la puissance de la nature et la forte identité des hommes qui y vivent. 

Michael Roch (Martinique), « Tè Mawon », éditions La Volte (2022), 222 pages, 18 euros.

D’origine martiniquaise, né en 1987 à Lyon, Michael Roch est l’un des rares écrivains et scénaristes ultramarins de science-fiction. Il travaille également sur des problématiques liées à l’identité et au courant politique décolonial en Martinique, où il réside dorénavant, menant des ateliers d’écriture en milieu universitaire et carcéral.

Son nouveau roman, « Tè Mawon », qui peut se comprendre comme « terre marron » mais aussi « terre de marronnage », de révolte, est une histoire dystopique qui se situe dans Lanvil, mégalopole ultraconnectée des Caraïbes. Mais dans cette cité lumière artificielle vivent des personnes aux antipodes des conformismes régnants, avec leurs propres codes et des trajectoires considérées comme délinquantes. Elles aspirent à un ailleurs, une authenticité retrouvée qui briserait les reins de l’ordre et du pouvoir, de « l’anwo ». Tout le roman est porté par un imaginaire et une langue intensément dynamiques, celle-ci mêlant le créole au français et à l’argot des cités hexagonales et antillaises. Un livre détonnant qui révèle une nouvelle écriture.

Interview Michael Roch ©Librairie Mollat


Dany Laferrière (Haïti/Canada), « L'enfant qui regarde », éditions Grasset (2022), 64 pages, 7,50 euros.

On ne présente plus le talentueux romancier haïtien Dany Laferrière, élu à l'Académie française en 2013. Son dernier roman est passé relativement sous silence, et pourtant c’est un livre écrit de main de maître. Ce court ouvrage bouleversant se lit d’un trait. Il tourne autour de l’énigmatique figure de Monsieur Gérard, un ex-professeur congédié dans des circonstances troubles, intelligent et raffiné, amoureux de Charles Baudelaire, Keats et Wagner, entre autres. Mais qui est réellement cet homme échoué dans un ghetto de Port-au-Prince ?

C’est ce que va tenter de découvrir Manuel, un jeune adolescent que Monsieur Gérard a pris sous sa coupe pour sa scolarité. C’est lui, « l’enfant qui regarde », mais aussi cherche à savoir ce qui se cache derrière l’armure de son mentor. Semble se dessiner une problématique amoureuse, à moins qu’il ne s’agisse des suites d’un ancien règlement de compte… Au cours d’une enquête aux accents initiatiques, le lecteur découvrira la vérité dans ce roman étrange et mystérieux, au dénouement inattendu.   

Patrick Chamoiseau (Martinique), « Baudelaire Jazz. Méditations poétiques et musicales avec Raphaël Imbert », éditions du Seuil (2022), 190 pages, 17 euros.

« Baudelaire Jazz » prend la forme d’un essai philosophique et poétique accompagné d’un album numérique éponyme réalisé par le saxophoniste Raphaël Imbert. Patrick Chamoiseau y signe une « Partition pour chaos opéra », comme il le dit lui-même, où sont étudiés les poèmes de Baudelaire à la lumière de ce que fut l’histoire douloureuse des Antilles.

« Charles Baudelaire, je pense à vous, méditatif », écrit le romancier martiniquais à la première page de son ouvrage. Et comme à son habitude, cette méditation, « fille de l’ombre et de la lumière », va conduire le lecteur dans de multiples territoires. De la cale du bateau négrier à la plantation esclavagiste d’abord, où les ancêtres firent musique (rythmes, chants et danses), qui culmina dans la parole du conteur créole. « En retrouvant ainsi le Verbe fondateur des vieilles cosmogonies, ils se sont réinstallés dans leur humanité », écrit Patrick Chamoiseau. De ces rythmiques inventives et de résistance à la domination naîtra une multiplicité de musiques – blues, gospel, bèlè, gwoka, biguine, reggae, konpa, salsa… - et bien sûr « toute la galaxie inépuisable du jazz » auquel Chamoiseau rattache Baudelaire. « Vous avez diffusé dans leur ankylose même la violence océanique de la vision, le vrac sauvage du tout-possible, le sac et le ressac de la polyrythmie. Monsieur Baudelaire, vous avez fait jazz ! »