Venimeuses et vénéneuses, percez les secrets de ces espèces qui peuplent l'Outre-mer

Scorpions, serpents ou encore araignées : ils ont parfois mauvaise réputation mais ils recèlent de nombreux secrets et même des avantages pour l'être humain. L'exposition Poison, à Paris jusqu'au 11 août, propose de découvrir les mystères des espèces vénéneuses et venimeuses du monde entier.

Qu'elles piquent, qu'elles mordent ou sécrètent des substances dangereuses, les espèces qui produisent du venin sont légion : il en existerait plus de 105 000 ! Plantes, araignées, grenouilles, serpents ou encore poissons : dans nos territoires d'Outre-mer, on en trouve quelques spécimens.

L'exposition Poison, au palais de la Découverte à Paris, permet d'en découvrir quelques unes en vrai derrière les vitres de terrariums hautement sécurisés. Plus confortable et rassurant que de tomber nez-à-nez avec une veuve noire !

Mais avant de faire connaissances avec ces espèces chargées de poisons, il faut tordre le cou à quelques idées reçues et étudier les secrets de leurs venins.

Venimeux ou vénéneux ?


Les espèces vénéneuses transmettent leurs substances toxiques passivement, par contact ou par ingestion. Plantes, poissons et amphibiens, on en trouve quelques unes dans les eaux et les forêts d'Outre-mer :
Plutôt rare aujourd'hui, le mancenillier est présent en Guadeloupe et en Martinique. Tout est toxique dans cet arbre, de la sève au fruit en passant par les feuilles et le bois ! Un simple contact peut provoquer des brûlures parfois très graves. Mais pas de panique : la plupart des arbres sont signalés par un panneau ou par un cercle rouge sur le tronc. Il suffit de ne pas s'en approcher et de ne pas s'abriter en-dessous lorsqu'il pleut. En cas de doute, les mancenilliers sont reconnaissables par leurs fruits semblables à des petites pommes et leurs feuilles ovales proches de celles d'un ficus.
Ne vous fiez pas à la jolie couleur bleutée du dendrobate bleu ! C'est même un message d'alerte pour signaler qu'il ne faut pas trop l'approcher... Car en effet, ces minuscules grenouilles que l'on trouve dans les forêts de Guyane sécrètent sur leur peau un venin, confectionné à partir de celui de leurs proies. En fonction de son alimentation, son poison peut être très violent pour l'homme s'il l'ingère, bien qu'il ne soit pas mortel. Certains Amérindiens l'utilisaient pour modifier la couleur des plumes qui servaient à leurs parures.
Le crapaud de Leschenault vit en Amérique du Sud et notamment en Guyane. Lorsqu'il se sent attaqué, il se remplit d'eau et gonfle ses poumons pour faire sortir un venin jaune vif sur sa peau. Ce liquide est toxique pour l'homme mais son action de blocage sur la croissance cellulaire pourrait en faire un allié dans la lutte contre le cancer.
Le plus célèbre des poissons-globe est le fugu. Les Polynésiens de l'archipel des Tuamotu en cuisinent sa chair fine. Mais ce poisson, qui se gonfle d'eau lorsqu'il se sent menacé, possède des poches rempli de tétrodotoxine, un venin mortel pour l'homme et auquel il n'existe pas d'antidote. Il existe des centaines d'espèce différentes de poisson-globe et la plupart contiennent ces toxines extrêmement puissantes.

En revanche, on parle d'espèces venimeuses lorsqu'elles inoculent leur poison par morsure ou par piqûre. C'est le cas des araignées, des serpents, des scorpions, des scolopendres ou encore de certains poissons :
 
Il existe 31 espèces de veuve noire et on trouve cette araignée sur quasiment tout le globe. Seule la femelle est dangereuse : sa piqûre et l'envenimation qui suit s'appelle du latrodectisme. La soie de sa toile est si solide qu'elle est étudiée pour être utilisée dans la fabrication de gilets pare-balle ou de matériel médical.
Dans leurs superbes coquilles très recherchées par les collectionneurs et les plagistes, les cônes cachent une sorte de harpon qui leur permet de se défendre. Trempé dans un liquide qui provoque une paralysie instantanée chez leurs proies, c'est une arme redoutable et souvent insoupçonnée. On le trouve sur les plages de Mayotte, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française.
Ceux qui ont un jour posé le pied sur le dos d'une rascasse ou d'un poisson-pierre peuvent témoigner d'une très douloureuse expérience ! Ces poissons, abondants dans les eaux de Martinique, de Guadeloupe, de Polynésie, de Wallis-et-Futuna, de Nouvelle-Calédonie et même en Méditerranée, sont dotés de dards qui instillent un venin qui peut s'avérer très dangereux, voire mortel, lorsqu'ils piquent.
Le scolopendre, ou "cent-pieds" selon les régions, est un mille-pattes installé à la Réunion, en Martinique, en Guadeloupe ou encore en Polynésie. Bien que très douloureuse, leur morsure n'est pas dangereuse pour l'humain.
Le serpent corail se retrouve en Guyane et est reconnaissable à ses anneaux réguliers, noir, jaune et rouge. C'est un serpent nocturne, terrestre et semi-aquatique. Son venin neurotoxique peut s'avérer très dangereux car il agit sur le système nerveux. Il existe un autre serpent qui lui ressemble beaucoup, l'Anilius scytale, mais est, lui, tout à fait inoffensif.
C'est un serpent très craintif, pas du tout agressif vivant à moitié dans l'eau et sur terre. Mais son venin est mortel... On le trouve dans les eaux de Nouvelle-Calédonie et ses morsures sont extrêmement rares.

La plupart de ces espèces sont très craintives et n'utilisent leurs venins qu'en dernier recours. Si dans les Outre-mer, il existe peu d'espèces véritablement dangereuses pour l'humain, il faut néanmoins rester méfiant. Par exemple, en janvier 2017, un homme est mort en Guyane des suites d'une morsure de serpent. Mais cela reste très rare et, même si ce n'était pas le cas dans cette affaire, les hôpitaux sont dotés la plupart du temps des antidotes adéquats. Et parfois, seules une surveillance médicale et une hydratation régulière suffisent pour éliminer les poisons du corps. 

En cas de doute, les couleurs vives d'un poisson, d'un animal ou d'un insecte peuvent être un bon indice de dangerosité... C'est comme cela qu'ils préviennent leurs prédateurs qu'il ne faut pas les approcher.

Des venins très précieux


S'ils nous font très peur, les venins sont pourtant très utiles pour les animaux, insectes et plantes qui en produisent. Selon Elodie Ducasse, médiatrice scientifique de l'équipe Sciences de la vie au Palais de la Découverte, il y a trois usages pour les venins : "attaque, défense, nutrition." Les toxines contenues dans les venins permettent alors de neutraliser un ennemi, de bloquer les proies ou de mettre en route la digestion.
 
Mais, douloureux voire mortels pour l'humain, on peut se demander à quoi ils peuvent bien nous servir... "Et pourtant, ce n'est pas un hasard si le symbole de la pharmacie est un serpent", sourit Elodie Ducasse. En effet, la coupe d'Hygie est ornée d'un serpent... symbole de guérison !
 

Espoir contre le cancer


Par leur action sur le corps humain, "les toxines présentes dans les venins nous permettent de mieux comprendre le fonctionnement de nos systèmes", explique la médiatrice. Ils ont également des applications thérapeutiques : "Par son action sur la prolifération des cellules, le venin du crapaud de Leschenault représente un espoir dans la lutte contre les leucémies."

Un autre batracien, le dendrobate bleu que l'on trouve en Guyane, représente aussi un élément intéressant pour la recherche : les molécules de son poison sont deux cent fois plus puissante que celles de la morphine. Certaines toxines présentes dans d'autres espèces peuvent aussi agir sur la stimulation cardiaque, la pression artérielle, la coagulation sanguine, la transmission de l'influx nerveux... 


Autant de secrets bien gardés, qui pourraient changer la face de la recherche médicamenteuse. Finalement, à défaut de l'empoissonner, la petite bête pourrait donc bien finir par aider la grosse...

"Poison" au Palais de la Découverte

30 espèces vivantes et les secrets de leurs venins à découvrir dans cette exposition ouverte jusqu'au 11 août 2019.

Du mardi au samedi de 9h30 à 18h00 (fermeture des caisses à 17h45)
Le dimanche et les jours fériés de 10h00 à 19h00 (fermeture des caisses à 18h45).

Informations pratiques par ici.