VIDÉO. L’économie des villes portuaires, mirage ou pari gagnant ? [Outre-mer et si on bougeait les lignes ?]

Grâce à ses Outre-mer, la France possède le deuxième espace maritime mondial en superficie, soit plus de 11 millions de km2. Au cœur de la stratégie maritime française, les ports ultramarins situés sur les trois océans ont un rôle important à jouer. Dans ce secteur de profondes transformations ont été entamées notamment par les compagnies maritimes. Les ports doivent s’adapter. "Outre-mer et si on bougeait les lignes", revient sur cette économie des villes portuaires, mirage ou pari gagnant.

Les Outre-mer représentent 97% de l’espace maritime français. Ces territoires dépendent des liaisons maritimes pour l’importation de marchandises et les exportations. Le transport maritime pèse près de 3% des gaz à effet de serre. La décarbonation et la transition écologique font désormais partie des éléments de langage de tous les acteurs notamment politiques. Le développement des ports notamment ultramarins doit prendre en compte la course au gigantisme des navires et des installations.

Plus de 90% du commerce mondial est assuré par voie maritime. Les ports français d’Outre-mer sont sur la ligne du trafic maritime dans des bassins où ils peuvent sortir du lot. Poumon économique des territoires français d’Outre-mer, les liaisons maritimes sont majoritairement dirigées dans le marché domestique entre l’Hexagone et les Outre-mer, mais avec de nouvelles stratégies dans l’organisation, les ports notamment de La Réunion et de Guadeloupe veulent rayonner davantage dans leur bassin respectif.

Le port de la Pointe des Galets à La Réunion tient une place à part en Outre-mer, étendard de la souveraineté française dans l’axe indo-pacifique, véritable plaque tournante dans l’océan indien. Aux Antilles, les grands ports maritimes de Guadeloupe et de Martinique se verraient bien en "Hub", au regard de leur position stratégique entre l’Amérique et l’Europe. Le port de Guyane, en pleine croissance, bénéficie des grands chantiers dans l’énergie et le spatial.

Le dispositif de hub a aussi un impact dans le développement d’un port. Sur ce point, le port de La Réunion reste un modèle pour les autres selon Jean-Pierre Chalus. Le dispositif de Hub va s’étendre dans le monde ; il multipliera de fait les transbordements, donc plus de liaison directe, par exemple entre la Guadeloupe et la Guyane, ou entre La Réunion et Mayotte. Dans l’océan indien, "la force de La Réunion est d’être touchée directement par les compagnies CMA-CGM et MSC, ce qui n’est pas le cas de Mayotte" souligne Marie-Annick Lamy-Giner.

La course au gigantisme

Tous les ports s’inscrivent aujourd’hui dans une stratégie d’ensemble dans la course au gigantisme des navires ; les compagnies maritimes misent de plus en plus sur de gros bateaux pouvant transporter plus de conteneurs comme la compagnie française CMA-CGM leader en Outre-mer. Pour Jean-Pierre Chalus, président du directoire du Grand port maritime de Guadeloupe et président de l’Union des ports de France, "les ports doivent revoir leurs installations s’ils veulent rester dans la course". Cela concerne aussi l’accueil des bateaux de croisières, une activité très développée dans le Pacifique, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.

Le zéro carbone, plus que jamais d’actualité

Face aux différents enjeux environnementaux, la décarbonation a été au cœur des discussions lors des assises de la mer fin novembre à Nantes. Ce fut l’occasion pour les compagnies maritimes de présenter leurs nouveautés : des navires décarbonés pour le fret. À lui seul, le transport maritime représente 3% d’émission de gaz à effet de serre. Ce chiffre peut sembler infime mais, c'est l'équivalent du rejet de CO2 de dix pays. Les plus gros pollueurs sont les porte-conteneurs et les bateaux de croisières.

L'Organisation Maritime Internationale qui régit le transport maritime et l'Union européenne se sont engagées pour un objectif "zéro carbone" à horizon 2050. Parmi les projets en cours de construction,  "Neoline", en fait partie. Il s’agit d’un cargo à voiles devant relier Saint-Nazaire à Baltimore en passant par Saint-Pierre-et-Miquelon et Halifax. Stéphane Lenormand, député LIOT de Saint-et-Miquelon, "ce projet entre dans les nouvelles normes, mais il est surtout un moyen de son territoire de lutter contre la vie chère". Le parlementaire d’insister sur le fait que le port de Saint-Pierre-et-Miquelon doit avant tout être réhabilité : "il faut plus de 100 millions d’euros pour cela" a-t-il souligné.

Le retour à la voile concerne aussi les bateaux de croisières avec un projet de bateau "de luxe" à voile pour un grand groupe de l’hôtellerie. Les escales en Outre-mer se multiplient ; en Guadeloupe, on comptabilise une augmentation de près de 15% soit 240 escales cette année sur les ports de Pointe-à-Pitre et Basse-Terre. Pour les différents acteurs, le zéro carbone doit aller de pair avec la taille des navires pour le fret ou pour les passagers. 

Plus de structures pour la formation

Le développement de l’économie des villes portuaires pose aussi la question de la formation. Sur l’ensemble des Outre-mer, la formation locale est une priorité. Le président Emmanuel Macron a souligné lors de sa prise de parole aux assises de la mer que "les métiers de la mer sont liés à la réforme des lycées professionnels", une réforme en cours ; "une réforme fondamentale" pour le président. Dans cet objectif, plusieurs projets de créations de structures sont en cours : un nouveau lycée maritime à La Réunion (60 millions d’euros d’investissement), un premier CAP en Guyane, et un campus, le premier, des métiers de la mer en Polynésie en partenariat avec le président Moetaï Brotherson. L’objectif à long terme est de "former, bâtir l’attractivité de ces métiers" selon Emmanuel Macron.

Ces structures dédiées sont attendues par les acteurs locaux du secteur. Lors des premières assises de l’économie maritime indo-pacifique qui ont eu lieu en octobre dernier (2023), Philippe Darrason, président du cluster maritime calédonien, a déploré l’absence de structure de formation sur place. Faut-il alors créer autant de structures de formation aux métiers de la mer qu’il n’y a de ports ? Pas forcément pour Jean-Pierre Chalus, mais il faut faire en sorte de donner les mêmes possibilités aux jeunes qui s’y intéressent. D’autant que le secteur est pourvoyeur d’emplois. Selon les derniers chiffres publiés par l’Insee, 2300 emplois directs ont été recensés dans le complexe industriel portuaire de Guadeloupe pour 132 entreprises. Pour Marie-Anick Lamy-Giner, professeur de géographie à l’Université de La Réunion "il faut inciter les jeunes à aller vers les métiers de la filière maritime". La pêche durable aussi peut être une autre voie, pour ramener les jeunes vers les filières notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon selon Stéphane Lenormand. Pour rappel, sur ce territoire, la pêche de la morue qui a fait vivre les familles et l’économie de l’archipel a perdu de sa superbe depuis plus de trente ans !

Siti Daroussi anime le débat, "L’économie des villes portuaires, mirage ou pari gagnant ?" [Outre-mer et si on bougeait les lignes ?]

Les invités de Siti Daroussi :

En plateau :

Jean-Pierre Chalus, Président du directoire du Grand port maritime de Guadeloupe et président de l’Union des ports de France.

Stéphane Lenormand, Député LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) de Saint-Pierre et Miquelon.

Jean-Pierre Chalus (à gauche) et Stéphane Lenormand (à droite) sont les invités de Siti Daroussi sur le plateau d'Outre-mer et si on bougeait les lignes ?

 

En duplex :

Marie-Annick Lamy-Giner, professeur de géographie à l’Université de La Réunion

Marie-Annick Lamy-Giner intervient en duplex depuis Saint-Denis à La Réunion

Une émission présentée par Siti Daroussi
Rédacteur en chef : Didier Givodan
Production : Pôle Outre-mer de France Télévisions
Durée : 52 minutes - © 2023