La scène, très violente, avait duré moins d'une minute. Quatre ans d'emprisonnement ont été requis vendredi à l'encontre du rappeur d'origine comorienne Rohff pour des violences aggravées dans la boutique parisienne de son rival Booba en 2014, apogée des "clashes" entre ces deux rappeurs.
La1ère.fr avec AFP •
Ce 21 avril 2014, Rohff était entré accompagné de plusieurs hommes dans le magasin Ünkut, boutique "officielle" de la marque de vêtements fondée par le rappeur Booba, située dans le quartier parisien de Châtelet.
Déchaînement de violence
Dans un bref déchaînement de violence dont les images, captées par des caméras de vidéosurveillance, ont été diffusées à l'audience, le groupe avait roué de coups un jeune vendeur en l'abandonnant dans un état critique, avait assommé un autre employé avec une caisse enregistreuse et détérioré la boutique.
Compétition entre rappeurs
"J'ai vu rouge, j'ai cédé à la colère", concède le rappeur de 39 ans, de son vrai nom Housni Mkouboi, à la barre du tribunal correctionnel de Paris.
Crâne rasé et collier de barbe, l'artiste, contrit, ne s'épanche pas sur sa rivalité avec Booba et leurs "clashes" caractéristiques du "rap game", cette compétition entre rappeurs à base de provocations par clips ou réseaux sociaux interposés, dopée par leurs publics respectifs.
Ces "jeunes", observe l'une des juges, ressemblent "plutôt à des trentenaires de fort gabarit". Ils apparaissent "calmes" quelques secondes avant les violences, "ils ont chacun un rôle". Le rappeur secoue la tête: "C'est des jeunes de la rue Madame", "ça se voit que c'est des galériens !"
Il assure avoir ensuite "vu rouge" en entendant le surnom du jeune vendeur, "Papy", le même que celui d'un fan de Booba qui le "provoquait" sur Twitter. Mais souligne aujourd'hui: "En revisionnant les vidéos, j'ai eu mal pour lui".
Lynchage
Le tribunal semble sceptique devant le manque de clarté du récit. "On ne comprend pas cette idée de l'improvisation", souligne l'une des juges, "Comment vous pouvez vous mettre dans un pareil état de rage ?" "Clashes" sur les réseaux sociaux, "Ünkut" ou "Distinct" - la marque de Rohff -, les magistrats appréhendent comme ils le peuvent l'univers de ce "rap game", résumé sobrement par la présidente, lunettes et cheveux gris : "Vous avez un différend avec le dénommé Booba".
"Changer de métier"
Le procureur, qui prononce "Booba" "Boba", souligne pour sa part que "si un rappeur ne supporte pas d'être malmené par les réseaux sociaux, il n'a qu'à changer de métier". La vidéosurveillance "permet de prendre la mesure de cette ultra-violence", l'une des victimes étant "laissée quasiment pour morte", lance le représentant de l'accusation.
Quatre ans de prison
Dénonçant un "lynchage", il estime que Rhoff a "prémédité" cette expédition punitive et requiert quatre ans d'emprisonnement à son encontre, au vu, notamment, de son casier judiciaire - qui comporte plusieurs condamnations, dont une pour violences avec arme. Rohff s'était présenté à la police quelques heures après les violences.
Jugement le 27 octobre
Il avait passé deux mois en détention provisoire puis plusieurs mois avec un bracelet électronique. Le procureur requiert en revanche la relaxe de son garde du corps "officieux" de l'époque, également jugé, en raison d'"incertitudes" quant à sa présence sur les lieux. "Je ne suis pas fier de cette affaire", conclut le rappeur. Jugement le 27 octobre.