Selon un rapport publié par l’association En Avant Toutes ce mardi 11 juillet, l’écart des chiffres sur les violences sexistes entre l’Hexagone et les Outre-mer s’expliquerait par le manque de dispositifs sur place. L’enquête, qui révèle que les besoins sont "accrus et spécifiques" à chaque territoire, pointe aussi le manque de données disponibles, limitant le champ d’action des associations.
Lors de cette enquête, l'association En Avant Toutes, qui lutte pour l'égalité des genres et la fin des violences sexistes et sexuelles, a échangé avec une vingtaine d'associations des océans Atlantique, Indien et du Pacifique. Le but ? Comprendre les besoins de ces dernières, récolter et centraliser le maximum de données et tenter de comprendre pourquoi en Outre-mer, les violences sont plus nombreuses qu’en France hexagonale.
"C’est difficile aujourd’hui pour les victimes d’atteindre les associations"
Les données du rapport sont accablantes. L'enquête révèle par exemple qu'à La Réunion, les femmes sont trois fois plus victimes de violences conjugales que dans l'Hexagone. En Martinique, plus d'une femme sur trois déclare avoir subi des violences psychologiques au sein de son couple. Au travail, le harcèlement sexuel est à hauteur de 5 %, soit le double du taux enregistré dans l'Hexagone.
Selon la Directrice du développement et du mécénat d'En Avant Toutes, "c'est difficile aujourd'hui d'atteindre les associations". Pour elle, la raison principale qui expliquerait la différence serait la difficulté pour les victimes de se manifester auprès d'une structure.
Ce que l'on observe, c'est que sur les territoires d’Outre-mer, les associations nous témoignent du manque de ressources et de moyens pour faire face aux situations de terrain. Ce sont souvent des associations principalement composées de bénévoles. Ces personnes se retrouvent parfois à devoir gérer à la fois les urgences du terrain et à la fois tout ce qui concerne la structure, les financements, la comptabilité etc .
Aurélie Garnier-Brun - directrice du développement et du mécénat d'En avant toute(s)
D'autre part, l'enquête souligne que les chiffres sont "plus que sous-estimés". Non seulement les données sont parfois inexistantes -l'inceste et les violences LGBTQIA+ sont des sujets " très peu abordés et étudiés"- mais les données existantes ne découlent parfois que des faits dénoncés aux forces de l'ordre. En dehors des plaintes déposées, tout est "invisible".
De multiples facteurs qui s'installent
Dans le rapport publié ce mardi, l'association remarque que plusieurs facteurs, liés à cette violence, s'installent et demeurent un frein à la parole des victimes. Par exemple, l'enquête aborde le cas du "poids culturel" avec une certaine " pression familiale".
Le contexte d’insularité créé un fort sentiment d’interconnaissance pour les victimes. Quand on est sur des territoires enclavés, cela devient plus difficile, car on a peur d’en parler, parfois tout le monde se connait.
Aurélie Garnier-Brun - Directrice du développement et du mécénat d'En avant toute(s)
Il est également question du droit coutumier, se superposant au droit commun en Nouvelle-Calédonie. "Vers qui les victimes vont-elles se tourner ? Vers le droit commun ou coutumier ?, s'interroge Aurélie Garnier-Brun. Ce n'est pas le même code. Le droit coutumier est régi de pratiques ancestrales. Parfois, des victimes doivent s’excuser auprès de leurs agresseurs pour régler les conflits au sein d’un clan.".
Mais au-delà d'une problématique pluraliste et spécifique à chaque territoire, la directrice du développement de l'association conclut que "tout ça est lié à de multiples facteurs de vulnérabilité de ces territoires aux violences en lien avec l’histoire, la colonisation, la démocratie, à la géographie, à la précarité,..."
Quelles solutions ?
L'association propose à n'importe quelle heure un dispositif répondant à beaucoup de problématiques pour les victimes. Elle met notamment en place un "chat" permettant de discuter avec un professionnel, pouvant aiguiller les victimes dans leurs démarches, de façon sécurisée, anonyme et gratuite. Elle permet également de rediriger la personne selon ses besoins vers des structures adaptées sur place.
Ce service a pour objectif de combler le manque de structures locales. Il permet également à toute personne recherchant l'anonymat de se confier sans avoir à faire face aux tabous ou à l'interconnaissance.
Pour rappel, le 3919, la plateforme téléphonique d’écoute, d’information et d’orientation des victimes de violences sexistes et sexuelles, est désormais accessible 24h/24, 7j/7.