Voile : Lomano Takasi le Futunien navigue pour son territoire

Lomano Takasi sur son Moana
Depuis bientôt cinq ans, il évolue dans le monde du nautisme. Préparateur d'Armel Tripon sur la Route du Rhum, puis de Maxime Sorel pour le Vendée Globe, il navigue aussi sur son Mini 6.50 qu'il vient tout juste de remettre à l'eau. Lomano est le premier marin d'origine futunienne à ce niveau.
La remise à l’eau du Mini 6.50 "Monbana" de Lomano Takasi se fait devant le bloc K3 à la Base de Lorient là où tous les grands marins font escale ou ont installé leur base de conquête. On y trouve des favoris du Vendée Globe comme  "Linked Out" de Thomas Ruyant ou "Charal" de Jérémie Beyou, ou encore le maxi trimaran "Edmond de Rostchild" de Franck Cammas. Il y a aussi des Class 40, des Figaros 3 à foils et tout un groupe important de Minis. Le lieu est une ancienne base de sous-marins construite par les Allemands lors de la seconde guerre mondiale, puis occupée par la marine nationale française après la guerre. Elle a été complètement réhabilitée depuis le début des années 2000 et est devenue un pôle économique et sportif important de la ville bretonne. C’est ici aussi qu’est implanté le musée Eric Tabarly. Le décor est planté, vous saurez déjà où trouver le Futunien-Breton
 
Remise à l'eau de Monbana à la Base de Lorient

" Mon bateau a été construit juste à côté à Trégunc dans les chantiers IDB et mis à l’eau il y a moins d’un an. Puis j’ai choisi Lorient pour les facilités des infrastructures portuaires. C’est aussi plus roche de mon domicilie de Séné à côté de Vannes et surtout il y a un dynamisme ambiant pour la course au large qui est indéniable. "
 

Bretagne terre du Pacifique

L’enracinement en Bretagne est fort pour les originaires du Pacifique, outre par la présence proche des régiments d’infanterie de Marine mais aussi du club de rugby de Vannes ou de la structure de haut niveau d’Hennebont en tennis de table. L’implantation wallisienne est forte à Vannes avec le 3e Rima notamment et les rugbymans de RCV avec un véritable clan réuni autour de Pagakalasio Tafili, le pilier futunien du club Breton de Pro D2.
Lomano le connait, les deux hommes se sont rencontrés lors de la saison dernière quand le RCV tenait le haut de l’affiche, mais Paga n’est pas encore monté sur le bateau. Pourtant Moana, c'est le nom originel du bateau, est un petit bateau costaud construit en Bretagne pour des costauds, mais aussi il est aussi particulier dans sa conception.
"Déjà la coque à l'avant est arrondie, c’est une carène qu’on s’appelle scow*. Donc le bateau ne va pas briser la vague, il enfourne très peu, il plane beaucoup mieux dans le vagues et dans le surf en vent arrière", confirme son skipper.

*en référence aux voiliers des lacs américains du début du XXe siècle
 

Mon bateau est plus sécurisant que les autres, c'est pour moi un gage de sérénité à bord, ça me ressemble, c'est mon caractère. Je suis plutôt quelqu’un de tranquille

Lomano Takasi


Un bateau sur lequel il a effectué des travaux à minima cet hiver après la remise en chantier. Une petite optimisation au niveau du matelotage, la technique des nœuds ou des ouvrages en cordages ou en acier, et du bout dehors qui supporte le gennaker.
"On a revu tout le système pendant le confinement, avec la pose d’une galette, une pièce qui est tout le temps en poste qui supporte le gennaker sur des petits bateaux et permet de rouler la voile. Je cours en série donc c’est un bateau qui m’a été livré clef en main. Je ne suis pas intervenu sur la forme et la structure de base, en revanche j’ai la main sur le reste, les voiles notamment, ou l'accastillage."
 
Le bateau aux couleurs du lagon de Lomano

Quand son Moana est vent arrière, Lomano se régale et peut déployer ses voiles. Il y en a sept en tout, une véritable garde-robe pour un petit bateau, toutes fabriquées à la Baule par la société X Voiles. Quand le marin futunien effectue une sortie photo, il déroule avec plaisir son grand gennaker bleu turquoise du nom d’un de ses partenaires principaux Air Tahiti Nui, embarqué aussi dans l 'aventure.
 

Lorient Grand Large pour progresser

A Lorient existe le pôle Lorient Grand Large, une structure dédiée à la compétition de course au large, pour des bateaux de toutes les catégories. Lomano en fait partie désormais. Il a pu tester son niveau dans un premier stage en février au large de l’Ile de Groix, avec une dizaine de mini 6.50 sous la houlette du responsable sportif Tanguy Leglatin.
"C'était intense et très sportif. Le bateau est vraiment sain dans une mer un peu formée, il rend très addictif dès que le vent monte un peu et que les angles au vent s'élargissent, c'est exceptionnel. Il y a encore beaucoup de boulot à accomplir sur les réglages et la conduite du bateau dans différentes conditions mais ma motivation est à bloc",
déclarait-il

 
Lomano Takasi en entraînement devant Lorient

Encore quelques sorties en double pour peaufiner les manœuvres avant d'attaquer les sorties en solo en Septembre et Lomano sera prêt. Il entame déjà le compte à rebours.
 

Un peu dans le Vendée Globe

Cela fait bientôt cinq saisons que Lomano évolue dans le monde de la course au large. Alors qu’il était étudiant en Staps à Rennes en section managament du sport, il répond à une demande de stage de la société des régates de la baie de Douarnenez. Il va s’initier à la course au large auprès de Gwen Chapalain, naviguer sur le Grand Prix Guyader, puis travailler pour Armel Tripon dans la société de Damien Grimont en tant que chef de projet Voile. Apprendre des autres c'est son credo.
Après avoir créé sa propre structure Takasi Sport Managament, le voilà désormais plongé dans l’aventure du Vendée Globe auprès de Maxime Sorel. Avec ce dernier Lomano a preparé la Vendée Arctique les Sables d'Olonne, et Maxime Sorel a pris le départ le 4 juillet dernier de cette course preparatoire avant le grand tour du monde. 
 
A Concarneau , Lomano aux côtés de Maxime Sorel préparant la Vendée Arctique les Sables d'Olonne

Il réussit donc à se faire un nom, ce qui n’est pas donné à tout le monde, mais il y a un vrai côté altruiste en lui.
"J'ai rejoint l’équipe de Maxime Sorel et V and B - Mayenne juste avant le confinement. Je m’occupe de la logistique du projet et de la partie digitale, c’est plus un rôle de communicant et de gestion que de navigant. Mais je ne suis pas à temps plein à cause de mes courses de la rentrée et j’alterne jusqu’ au départ du Vendée Globe avec Maxime. Au début de l'année 2021, je basculerai à cent pour cent sur le projet Moana 986."
 

Le 986 traversera l'océan

Lomano est le fils de Sosefo Takasi, militaire au 2e RPIMA, Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine. Son papa est originaire du village de Mala’e au royaume d’Alo, au sud-est de Futuna. Lomano y est allé tout petit, mais son rêve depuis est de porter les valeurs transmises par son père et d’enseigner le nautisme aux enfants des Iles Wallis et Futuna. Des contacts ont déjà été pris dans ce sens avec le club de voile de Wallis et Futuna.
 
L'étrave du Moana porte le numéro de Wallis et Futuna

"Je n’ai qu’un seul objectif prendre le départ de cette Mini Transat dans un peu plus d’un an. Pendant le confinement j’ai travaillé, je me suis formé me formé à la météo, à la navigation et au routage, tout ce qu’on peut faire chez soi. J’ai fait beaucoup de sport, du foncier notamment, j’ai pas mal couru pour éviter de prendre du poids car nous les Futuniens c’est un peu notre défaut (rires). Mais je me préparais surtout mentalement à la remise à l’eau de mon bateau."

Tout au long de son aventure il espère que des signes le porteront, comme celui d’immatriculation de son bateau, 986, un numéro attribué par la classe Mini qui gère l’administration de ce genre de bateaux. Il a eu un petit coup de pouce de la part des responsables qui l’ont prévenu du bon moment. Mais Lomano y voit un signe, une référence à sa culture polynésienne qu’il revendique.
 

L'idée est de mettre à profit on aventure au service de mon territoire et non l'inverse, je serai juste fier de naviguer sur mon Moana pour Wallis et Futuna.

Lomano Takasi


"On parle beaucoup de mes îles à travers le rugby ou le volley-ball, il ne faut pas oublier que Wallis et Futuna c'est un bout de terre dans l’Ocean Pacifique. Nos ancêtres naviguaient énormément, si je peux faire en sorte que la visibilité du projet soit positive pour le territoire je serai à fond dans cette idée."
En septembre Lomano participera à deux courses, la Mini en mai, course en solo initialement prévue au printemps mais repoussée à cause de la crise sanitaire, puis la Concarneau duo en double. L’objectif est de faire le plus rapidement possible les 1500 milles nautiques qualifiant pour la Mini 2021. Elle partira des Sables d’Olonne à l'automne, pour rallier Saint François en Guadeloupe avec une escale à Santa Cruz de La Palma aux Canaries.
 
Lomano fier de ses couleurs

Lomano l’année de ses 30 ans - il les aura en mars 2021 - fera aussi baptiser son bateau, dont le nom de course sera Monbana, du nom d'une célèbre chocolaterie.
"Ce baptême sera important, il marque le respect pour l'éducation que j 'ai reçu. La religion est importante chez nous. Quand je suis en mer je crois à certaines choses, celles qui me feront parvenir au bout de mon aventure."
Un dernier signe du destin et sans doute pas un hasard vu les circonstances économiques actuelles, sera la prochaine annonce d’un gros partenaire lié à ses îles de Wallis et Futuna. Le rêve de Lomano Takasi va pouvoir s’accomplir. C’est écrit quelque part, il sera le premier skipper originaire de Wallis et Futuna à traverser l’Océan Atlantique.