À Saint-Maixent, l’École Nationale des Sous-Officiers d’Active vient de fêter le baptême de sa 343ème promotion « Volontaires du Pacifique ». Pendant leur carrière militaire, les 320 sous-officiers en porteront l’insigne remis par leur parrain prestigieux, le XV du Pacifique.
" Les gars sont tous derrière moi. C’est une grande émotion. Ils répondent toujours présents. Ils sont ici à Saint-Maixent, pour porter toute leur attention sur cette belle promotion ". Les mots viennent du cœur, l’adjudant-chef Alexandre a la larme à l’œil malgré des années de service. Ses gars du XV arrivent toujours à émouvoir ce costaud calédonien d’origine wallisienne que tous surnomment Fili. Cette fois ils sont 58 militaires, dont 25 rugbymen, à venir honorer les jeunes de la promo et la mémoire de leurs anciens. Le tout en mettant en exergue les valeurs du groupe, du rugby et de l’unité.
Le baptême de cette promotion est une phase importante pour la reconnaissance de nos anciens qui a commencé le 14 juillet 2011, quand nous avons fait la coutume devant le président de la République, Nicolas Sarkozy. Il nous fallait un autre moment fort.
Adjudant-chef Manuka garant des traditions au sein du XV.
Un rendez-vous avec l’histoire
Cette promo 343 a du sens. Après « Ceux de Verdun », c’est la première fois à Saint-Maixent qu’une promotion porte un nom générique. Elle met en valeur l’engagement de tous ces volontaires, qui sont partis combattre pour les deux guerres mondiales, puis dans tous les conflits de la planète depuis le siècle dernier. Ils sont aussi présents dans différentes "opex", ces opérations extérieures que sont les interventions des forces militaires françaises en dehors du territoire.
Le Chemin des Dames, Vesles et Caumont, Bir-Hakeim, Monte Cassino, le débarquement en Provence, mais aussi l’Indochine et Sarajevo ou encore plus récemment l’Afghanistan et, aujourd’hui, le Mali. À l’époque, ils étaient Fantassins, comme le Bataillon du Pacifique ou Tirailleurs kanak. On les retrouvait aussi dans les Forces Françaises navales ou aériennes Libres, ou même - quelle épopée - dans les commandos SAS britanniques ou la Résistance. Actuellement, on les retrouve souvent en Opex avec des régiments d’infanterie de marine, dans les régiments parachutistes, du génie ou des transmissions, comme le 48ème RT, régiment auquel est rattaché le XV du Pacifique.
Lors de cette présentation, le matin du baptême de leur promotion, les élèves sous-officiers vivront deux autres moments d’émotion.
D’abord, avec le témoignage du sergent polynésien Teahuitui du 14e RISLP (Régiment d’infanterie et de soutien logistique parachutiste, basé à Toulouse), grièvement blessé en opération extérieure en 2008 en Afghanistan. Lors d’une opération en Kapisa, son groupe est pris sous le feu ennemi. Son binôme est touché, il se porte à son secours pour lui donner les premiers soins, il est atteint à son tour.
Evacué vers l’hôpital de Bagram, une base militaire américaine, puis rapatrié à l’hôpital Percy de Clamart, il reviendra dans son unité après un long combat de rééducation. Pendant son témoignage, les mots sont parfois difficiles à trouver mais au bord des larmes, il y parvient.
Ensuite, c’est à Germaine Sako, d’origine calédonienne, de s’adresser aux jeunes. Le 14 novembre 1995, aux environs du pont de Brastsva à Sarajevo, son mari, le sergent-chef Wallisien Palasete Sako, du 17ème Régiment de génie parachutiste de Montauban, livre des équipements près de la ligne de confrontation. Son véhicule déclenche l'explosion d'une mine antichar. Grièvement blessé, il meurt le 22 novembre des suites de ses blessures. Il sera parrain de la 190ème promotion de l’ENSOA. Germaine Sako, tout comme le Dergent Teahuitui rejoignent leurs places sous les applaudissements nourris de tout l'amphithéâtre.
Cet insigne est chargé de symboles. On y voit la roussette de Nouvelle-Calédonie, emblême des tirailleurs kanak de la première guerre mondiale. La pirogue polynésienne et la hutte traditionnelle calédonienne, présentes sur l’insigne du Régiment d’Infanterie de Marine de Polynésie. En bas à droite, la Croix de Guerre 14/18, et la citation à l’ordre de l’armée. À gauche, le glaive d’argent en pointe dans la main, symbole du sous-officier et la couleur verte du ruban de la Croix de la Libération, délivrée par le général de Gaulle en 1945. La forme en bouclier précise l’appartenance à l’ENSOA.
Enfin, d’une seule voix, les 320 élèves entonnent leurs deux chants de promo, le Tamarii Volontaire et Juin 40. Leur commandant, le lieutenant-colonel Fréderic, les regarde, les écoute, ils sont dans le bon tempo tous ensemble, filles et garçons. Il est fier d’eux : " Je leur ai dit maintenant qu’ils sont Volontaires du Pacifique, ils seront volontaires toute leur vie, être volontaires pour des choses qu’ils ne maitrisent pas forcément. Sortir de leur zone de confort, faire des erreurs car c’est comme ça qu’ils progresseront dans la vie et dans le métier de de soldat. "
Pour deux élèves sous-officiers venus du Pacifique, ce moment restera très fort. Comme leurs camarades, Julius le Calédonien et Kaiino le Polynésien en sont à la moitié de leur formation. Ils auront terminé leur formation en mars prochain et rejoindront leur affectation, après la remise de galons, toujours avec leur insigne sur leur veste d’uniforme. Julius, képi à la main, est fier de parler de ses parrains du XV :" Les simples gestes de leur part, en mettant l’insigne sur notre poitrine, avec leur main posée sur notre cou, la larme a coulé toute seule ".
Je vois mon engagement comme un geste de gratitude envers la France. Le fait de la servir, de porter fièrement ses couleurs, c‘est une chance qu’on doit saisir. La France, par rapport à notre engagement dans l’armée, ça nous donne des ailes
Désormais les élèves de la 343 vont pouvoir s’inspirer aussi des mots du haka du XV pour mener leur vie. Toho te Vaka signifie tire ta pirogue, sur l'océan de la vie. La veille de la cérémonie, ils sont déjà dans les tribunes pour encourager leurs parrains lors du match de rugby organisé au profit de Terre Fraternité pour les blessés de l’armée de terre. Le XV du Pacifique rencontre une sélection des Deux-Sèvres. Pas simple de composer une équipe avec des militaires éparpillés dans la France entière ou dans le monde avec les Opex. L’adjudant Moana, surnommé Mafu, ex-pilier d’Auch et du Stade Toulousain et entraîneur du XV, n’a pas le choix. Avant le match Mafu harangue ses gars du XV. Parmi eux, un jeune élève de l’ENSOA, Julien, rugbyman amateur, originaire des Landes. Ce petit ailier blond baptisé Suliano par ses nouveaux coéquipiers, est désormais ambassadeur de l’ENSOA dans le XV. Il va être présent sur tous les points chauds du match. Avec une motivation décuplée : il joue avec ses parrains, il n’a plus qu’à les suivre.
Cette sélection du XV, elle ne nous appartient pas, c’est pour ceux et celles dont les anciens sont venus se battre ici et pour toute les familles qui ont décidé de quitter leur pays pour venir en France
Adjudant-Chef Manuka
Et ils ont fait le match, en combattant avec bravoure et malgré quelques fautes. Au bout, c’est une victoire, 20/17. Face aux tribunes, les joueurs du XV entonnent un Soamako, danse traditionnelle guerrière de Wallis et Futuna, puis une dernière fois encore, le Haka pour le nombreux public venu les voir. On reverra le XV en mars pour la remise des galons de la promotion. D’ici là, certains seront partis en Opex, mettre leur vie en danger, servir la France comme au Mali, d’autres prendront leur place dans l’équipe. C’est le lot commun de tous ces Aitos*.