"Yasuke, le Samouraï noir" : le nouvel essai historique de Serge Bilé

Le journaliste et écrivain Serge Bilé.
Le journaliste de Martinique 1ere Serge Bilé, également écrivain, publie ce samedi "Yasuke, le Samouraï noir". L’aventure passionnante d’un esclave arraché à son Afrique natale et qui deviendra le premier étranger à intégrer la prestigieuse élite guerrière nippone.
Serge Bilé est un conteur dans l’âme qui ne se lasse pas d’explorer l’histoire des peuples noirs. Avec "Yasuke, le Samouraï noir" (à paraître le 13 janvier chez Owen Publishing), ses recherches portent sur le parcours peu connu d’un jeune homme de la communauté Makua de l’actuel Mozambique, capturé par des trafiquants d’esclaves au milieu du XVIe siècle. Vendu à des négriers portugais, il est ensuite acheminé avec d’autres compagnons d’infortune à Goa, en Inde, alors un comptoir du Portugal, grande puissance coloniale de la région, où il est revendu. Mais son périple ne s’arrête pas là. 

Il devient le serviteur d’un jésuite italien et ils se rendront ensemble à Macao, puis sur l’île de Kyushu au Japon. Là-bas, il est repéré par un seigneur local, qui, impressionné par la haute taille et la force de Yasuke, en fera non seulement un combattant à son service mais un homme de confiance qu’il élèvera au rang de Samouraï. Une première pour un étranger, qui plus est un ancien esclave ! Serge Bilé répond aux questions de La1ere.

Comment avez-vous retrouvé le personnage de Yasuke et qu’est-ce qui vous a poussé à aller plus loin pour écrire son histoire ?
Serge Bilé :
Depuis le succès de mon livre "Noirs dans les camps nazis" en 2005, j’entretiens un rapport particulier avec mes lecteurs. Ils me proposent eux-mêmes parfois des sujets. C’est comme ça que j’ai fait le livre "Et si Dieu n’aimait pas les Noirs : Enquête sur le racisme au Vatican". Des prêtres africains voulaient témoigner de leur calvaire à Rome et des religieuses souhaitaient raconter leurs dérives vers la prostitution. Pour le livre "Le seul passager noir du Titanic", c’est un lecteur qui m’a informé. Il m’a envoyé un message sur Facebook en me disant : "J’ai entendu dire qu’il y avait un Haïtien sur le Titanic mais personne n’en parle. Je n’en sais pas plus mais vous devriez fouiller". Pour Yasuke, c’est la même chose. Un Martiniquais m’a écrit un jour, en m’expliquant qu’il adorait le Japon et qu’il avait entendu parler d’un samouraï noir. Je n’avais que ça comme indication. C’est mince, mais j’aime les défis. Alors, je me suis retroussé les manches et j’ai mis en place une stratégie pour faire des recherches à distance à Tokyo, sans connaître personne sur place et sans parler japonais. A cela s’ajoutait une autre difficulté : peu de gens connaissaient Yasuke au Japon, parce que l’histoire officielle l’a oublié depuis le XVIe siècle.

Dans ce livre vous ne vous contentez pas de raconter l’accession de Yasuke au rang de Samouraï, mais c’est un itinéraire complexe et hors du commun que vous explorez, qui a été celui de nombreux Africains dispersés au Moyen-Orient, en Inde, en Chine, au Japon, et ceci dès le XIIIe siècle et même avant selon certaines sources…
Quand on parle de l’esclavage, on pense le plus souvent aux Antilles et aux Etats-Unis. On oublie le sort réservé aux Africains qui ont été déportés en Asie. Tout en restant esclaves, certains d’entre eux sont devenus marins à Macao ou soldats en Inde. L’un d’eux a même fondé une dynastie qui a régné pendant plus de trois siècles sur un Etat indépendant. Yasuke a connu lui aussi un parcours exceptionnel, entre son petit village africain, où il a été capturé, et le palais de Kyōto où il a servi le daimyō Oda Nobunaga, l’homme fort du pays, en 1581. Elevé au rang de samouraï, il deviendra le premier étranger à intégrer l'élite guerrière nippone et obtiendra le privilège de porter les deux sabres, signe de la confiance placée en lui.

Votre récit oscille entre recherche historique et écriture romanesque, ce qui est assez fréquent dans vos ouvrages. Comment travaillez-vous?
Pour faire ce livre, je me suis tourné vers les archives japonaises et portugaises. Malheureusement, les documents sont rares et ne permettent pas, à eux seuls, de retracer le parcours de Yasuke, à l’exception de quelques anecdotes, rapportées par les jésuites qu’il servait, avant d’être cédé à Oda Nobunaga. Je suis habitué à ce genre de difficultés. J’écris depuis quinze ans sur des thèmes ou des personnages inédits, pour lesquels on dispose généralement de peu d’informations. Il faut donc combler les vides, sans travestir l’histoire. C’est un peu comme quelqu’un qui bâtit une maison. Les archives me servent à faire les fondations et à monter les murs. Ensuite j’invente la toiture qui s’harmonise avec la maçonnerie. Pour Yasuke, c’est ce que j’ai fait. J’ai ordonné l’essentiel des textes de l’époque sur lui. Puis j’ai imaginé ce qu’il a pu éprouver à tel ou tel moment de sa vie, en particulier au Japon, face à des badauds qui devenaient hystériques en l’apercevant.

Serge Bilé, "Yasuke, le Samouraï noir" - éditions Owen Publishing, 156 pages. Prix : 19 euros.