Soraya Issop Mamode : "la Réserve marine de la Réunion n'est pas un garde-manger pour les requins"

Soraya Issop Mamode, directrice de la Réserve naturelle marine de la Réunion, le 24 octobre 2013 à Marseille
A l’occasion du Congrès international des aires marines protégées, qui se tient actuellement à Marseille, entretien avec Soraya Issop Mamode, directrice de la Réserve naturelle marine de la Réunion. Cet organisme vient d’achever une étude pour mesurer son impact sur les écosystèmes. 
Six ans après sa création, la Réserve naturelle marine de la Réunion vient de terminer une étude pour mesurer son impact sur les écosystèmes dont elle a la charge. Une étude scientifique qui va permettre de répondre concrètement aux accusations de "garde-manger" que la réserve représenterait pour les requins bouledogues dont les attaques mortelles se sont multipliées ces dernières années sur le littoral de la Réunion. Le document ne doit être rendu public qu'au tout début de l'année 2014. Il sera mis en ligne sur le site Internet de la Réserve naturelle marine de la Réunion.
 
Pouvez-vous nous présenter cette étude ?
Soraya Issop Mamode :
En 2007, il a été réalisé un point zéro, c'est-à-dire une étude pour mesurer la quantité et la qualité des espèces de poissons et de coraux qui étaient présents dans le milieu naturel avant la création de la réserve naturelle marine de la Réunion. Six ans plus tard, la réserve naturelle marine fait un état comparatif, c'est-à-dire le point ou la mesure de « l’effet réserve » qui va nous permettre de comparer les données avec le point 0 et voir ce qui a changé six ans après la création de cet outil qu’est la réserve.
 
Et qu’est ce qui a changé ?
On a pu constater dans les zones sanctuaires où il n’y a aucune activité et qui correspond à 5 % de l’espace de la réserve naturelle marine qu’il y a un regain de population de poissons en terme de taille et en terme d’espèce, également des prémisses sur les coraux car ces derniers prennent plus de temps que les poissons pour se développer.
 
Est-ce que vous êtes satisfaites de ces résultats ?
Ce sont des résultats satisfaisant car ils témoignent de l’efficacité de la gestion de la réserve, d’autant que cette réserve a été créée sur le papier en 2007 mais sur le terrain a été mis en place en 2010. Trois ans après, on constate donc quelques résultats.
 
Cette réserve remplit-elle son contrat ? Est-elle un plus pour la Réunion ?
Selon moi, bien sûr, cette réserve est un atout indéniable pour la Réunion car ceux qui y pratiquent une activité comme la plongée par exemple bénéficient d’un statut AMP reconnu dans le monde entier. On est actuellement au Congrès international des aires marines protégées, ce qui démontre bien que ce sont des démarches menées au niveau mondial. C’est donc un atout, une valorisation pour leurs activités qui leur permet d’avoir un label, une reconnaissance au niveau environnemental de leur activité. L’année dernière, plus de 120.000 plongées ont été réalisées dans la réserve, ce qui est un plus indéniable pour l’économie locale. La réserve est donc un plus d’un point de vue touristique et donc économique. Elle nous permet d’allier à la fois des emplois et la protection d’un milieu naturel.
 
Certains accusent la réserve naturelle marine de la Réunion d’être un « garde-manger » pour les requins bouledogues à l’origine de plusieurs attaques mortelles dans l’île. Qu’en pensez-vous aujourd’hui que vous avez les résultats de cette étude ?
Ce sont des hypothèses qui sont avancées depuis deux ans et c’est ce qui nous a également permis d’accélérer la réalisation de cette étude dont je vous parle aujourd’hui. Et à la lecture de ces résultats, nous voyons certes quelques prémisses de reprises de la biodiversité mais parler de garde-manger est absolument utopique !
Je rappelle que seuls 5 % de l’espace de la réserve naturelle marine de la Réunion sont classés en zone sanctuaire, ce qui veut dire que 95 %  sont ouverts aux usages selon certaines modalités bien sûr qui permettent de respecter le milieu. Nous avons par exemple 49 pêcheurs professionnels qui pratiquent leur activité chez nous ainsi que 800 pêcheurs traditionnels, il y a également 48 sites de plongées et 40 spots de surfs donc, vous voyez, une multitude d’usages qui démontrent bien que nous ne sommes pas en vase clôt ou mis sous cloche comme on a pu l’entendre.