Au ministère des Outre-mer, un colloque s’est tenu ce vendredi sur les 70 ans de la départementalisation. Ericka Bareigts, secrétaire d’Etat a conclu ce débat en l'ouvrant à la question de l'égalité réelle, dont elle est en charge. Un thème cher à Victorin Lurel, favorable à ce "big bang" social.
Contexte historique, départementalisation à l’épreuve de la pratique, environnement régional, perspectives, les 70 ans de la départementalisation ont été l’occasion d’un véritable "Brain storming" au ministère des Outre-mer. Historiens, politologues, romanciers, juristes et politiques se sont penchés sur les acquis de la départementalisation, tout en en démontant les faiblesses.
Césaire, un visionnaire
Dans l’histoire rien n’est parfait, mais aucun n’intervenant n’a critiqué l’action d’Aimé Césaire. Au contraire, il est présenté comme un visionnaire par le romancier Daniel Maximin. "Césaire et les autres ne se sont pas trompés, ajoute Serge Letchimy, le député de Martinique. Ils ne nous ont pas conduits vers un suicide collectif, culturel et identitaire".
Dénuement, le maître-mot
Pour comprendre cette volonté de départementalisation des quatre vieilles (Martinique Guadeloupe, Guyane et La Réunion), il faut remonter aux sources. En 1946, rappelle l’historien René Belenus, le maître-mot de toutes les îles, c’est le dénuement. Le système colonial avait abouti à une situation de misère terrible ou régnait pêle-mêle la malnutrition, un habitat précaire, une mortalité infantile très élevée (23/1000 en Martinique) et des maladies comme le Pian qui ont marqué l’époque. Regardez ce reportage de France Ô sur les premiers pas de la départementalisation :
Le "risque yankee"
La Martinique et la Guadeloupe avaient beau être dans la misère, elles étaient convoitées par les Etats-Unis. Aimé Césaire parlait du "risque yankee". Selon l’historien René Belenus, "En 1899 puis en 1919, il y a eu des tractations entre la France et les États-Unis pour la cession de ces deux îles". C’est pour cette deuxième raison qu’Aimé Césaire a oeuvré pour la départementalisation. Depuis, les statuts des collectivités d'Outre-mer ont beaucoup évolué. Regardez cet éclairage de Célia Cléry d'Outre-mer 1ère :
Egalité réelle
Les Antilles ne sont pas tombés dans le giron américain, mais dix ans après la départementalisation, la situation économique et sociale des quatre vieilles ne s’est guère améliorée. Le Bilan est désastreux. La misère est toujours là, aussi criante. L’égalité sociale a pris du temps et le processus est aujourd'hui encore loin d’être abouti, comme le rappelle Victorin Lurel auteur d’un rapport récent sur l’égalité réelle.
"Nouvelle frontière"
Soixante-dix ans après la départementalisation, le député de la Guadeloupe plaide pour ce qu’il appelle "la troisième frontière". "Après 1848, l'abolition de l'esclavage, 1946 la départementalisation, il nous faut un big bang social", lance l’ancien ministre des Outre-mer. "La nouvelle page, c’est l’égalité réelle", poursuit Ericka Bareigts, la secrétaire d’Etat chargée de ce dossier.
Mayotte ne sera pas oubliée
"Avec un chômage comme à La Réunion, l’hexagone aurait déjà pris feu", ajoute l’ex-député de La Réunion. Ce programme prendra 25 ans, précise Victorin Lurel. Sachant qu’il ne reste qu’une seule année avant l’élection présidentielle, il va falloir faire vite. Mayotte, le dernier département français ne sera pas oublié, selon l’ex-ministre des Outre-mer.
Erasmus Outre-mer-Hexagone
Cet anniversaire des 70 ans de la départementalisation aura aussi été l’occasion de lancer des idées, des projets pour une valorisation des Outre-mer. Le sociologue Dominique Wolton a plaidé avec flamme pour un Erasmus entre l’hexagone et les Outre-mer. "Si les gens se côtoient, discutent, se tapent sur les nerfs ou s’aiment, ils se comprennent mieux", lance le directeur de recherche au CNRS. Ce pourrait être "un formidable projet d’échange entre étudiants", s'enthousiasme-t-il. Et beaucoup de participants à ce colloque avaient bien envie d'y croire.