C'est un monstre qui sème l'effroi et la dévastation. "Ouragan", un documentaire bien loin des films catastrophe, lui donne la parole, révélant, au-delà de sa violence, la beauté de ce phénomène météo.
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"Ouragan", en salles mercredi 8 juin dans l'hexagone, n'est "pas un film scientifique, pas un documentaire classique, pédagogique", explique Jacqueline Farmer, qui l'a réalisé avec Cyril Barbançon et Andrew Byatt. "On voulait raconter une histoire".
La bande annonce :
Un récit à la première personne
D'où le choix, sur fond d'images saisissantes en 3D, d'un récit à la première personne, "beaucoup plus prenant qu'un commentaire à la troisième personne plus à distance", ajoute-t-elle. "Il faut cette première personne, sinon le vent, invisible, reste invisible", renchérit Cyril Barbançon. Donc l'ouragan parle, et ses paroles sont glaçantes, parfois lyriques. "J'amène dans mon cortège pluies, tonnerre, vent", avertit-il, "Face à moi l'homme lui-même est microscopique".Il menace: "J'avance avec l'indifférence aveugle de la grande moissonneuse", mais se défend de n'être que cela: "Je serais le monstre, si je n'étais la merveille". Autant de paroles librement inspirées d'un texte de Victor Hugo "La mer et le vent", qui devait figurer dans "Les travailleurs de la mer".
Du Sénégal aux Caraïbes
Le film piste l'ouragan du Sénégal balayé par une tempête de sable, où il commence son périple, jusqu'aux Caraïbes, où il affole hommes et animaux, détruit champs et habitations avant d'expirer. Les cinéastes, secondés sur place par des équipes locales, ont tiré leurs images de 18 ouragans différents qu'ils ont pourchassés dans une douzaine de pays. Pour la Terre vue du ciel, ils ont utilisé des clichés de la Nasa, retravaillés pour les rendre plus cinématographiques.
La tâche fut longue et rude
Il y a eu d'abord "un gros, gros boulot de recherche de documentation", explique Jacqueline Farmer, biologiste de formation, désormais réalisatrice et productrice de documentaires après avoir dirigé des collections de poésie. Pour faire aboutir ce projet initié en 2010, l'équipe française a travaillé avec
des météorologues, biologistes, spécialistes en tous genres. Reste que partir à la rencontre d'un ouragan, capter sa fureur, les vents déchaînés, les vagues écumantes, l'émoi des animaux tapis dans la jungle, les toits qui s'envolent n'est pas une mince affaire.
"Un personnage vivant"
"Un ouragan, on connaît assez bien sa trajectoire mais ça reste un personnage vivant, qui a ses caprices, qui des fois s'arrête, des fois déménage", raconte Cyril Barbançon qui a "passé beaucoup de temps à (leur) courir après". "On a fait des milliers de kilomètres en voiture la nuit, le jour, pour être devant, derrière", et parfois "l'ouragan est bien en chemin, on est devant lui, on va s'approcher de l'oeil", et finalement, raté, "on croise nos chemins".
Pas un film catastrophe
Loin des films catastrophes, "Ouragan" se garde de dénombrer les victimes, de chiffrer les dégâts même s'il donne la parole à des habitants qui ont tout perdu, sur fond de maisons détruites, et montre les ravages subis par la nature. "Dans l'ouragan, on voit en priorité un phénomène naturel avec lequel il faut composer, on l'accepte en tant que tel, on ne le voit pas comme un monstre", explique Cyril Barbançon.
D'ailleurs le film, qui a nécessité près de 300 jours de tournage étalés sur quatre ans, "n'est pas à 250 km heure pendant 90 minutes", avec des vents soufflant en permanence. "L'histoire du film est plus nuancée", souligne Cyril Barbançon. "Sans moi, la Terre n'aurait ni fleuves, ni forêts, ni fruits, ni fleurs", affirme l'ouragan. Ainsi dans la forêt d'El Yunque (Porto Rico), en détruisant les arbres, il permet à des plantes qui végétaient depuis 40 ans dans leur ombre de grandir enfin.
Pour réaliser ce documentaire lyrique, dont la musique est signée Yann Tiersen, la logistique a été très compliquée et stressante, racontent les réalisateurs. Il a fallu penser à tout moment comment être efficace tout en assurant la sécurité de chacun --les choses ont d'ailleurs failli plusieurs fois mal tourner. Il a aussi fallu transporter à travers le monde quelque 500 kg de matériel.