Les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent.
Mais aujourd'hui dans les programmes et les manuels scolaires, un premier constat s'impose selon la commission éducation du conseil scientifique de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage (FME) qui vient de publier une note avec sept propositions : "Lorsqu’il est question de l’esclavage, on n’enseigne pas la même histoire de France à tous les enfants de France."
Disparités entre les niveaux
Cela se constate déjà en fonction des niveaux. "Pour certains degrés, cela s'est considérablement amélioré du point de vue de ce qui nous paraît important dans l'histoire de l'esclavage", note Nadia Wainstain, responsable du pôle éducation de la FME. C'est le cas notamment au collège, en classe de 4e, où les programmes ont "gagné en densité et en complexité", bien que la première abolition soit encore "assez largement" ignorée. "Mais en primaire, on peut noter une forme de régression. Les programmes de CM1 ont pratiquement gommé la question de l'esclavage."Une première étude menée en 2010 par l'Institut national de recherche pédagogique montrait que, si cette question mémorielle était mieux enseignée dans les classes, elle l'était souvent avec une approche "extrêmement moralisatrice".
Dire que l'esclavage c'est mal, ce n'est pas le sujet. Si on dit juste aux enfants que quelque chose est mal, ils ne comprennent pas. Il faut expliquer plutôt que s'appuyer sur une charge moralisatrice et émotionnelle.
La Fondation propose aujourd'hui de retourner dans les classes et d'y réaliser des enquêtes de terrain sur l'enseignement de l'histoire de l'esclavage et post-esclavage.
Programmes adaptés en Outre-mer
Mais avant cela, elle suggère de "mettre à disposition de tous les élèves les mêmes connaissances précises sur ce pan de notre histoire nationale, sans distinction de filières ni de territoires". Aujourd'hui, l'histoire de l'esclavage est inscrite différement dans les programmes selon que l'on soit élève en première professionnelle ou générale, ou que l'on habite en Normandie ou en Guadeloupe, par exemple.La dernière adaptation du programme de première technologique, publiée en juillet dernier, montre ainsi plusieurs contextualisations propres à la Guadeloupe et à la Martinique, mais aussi à la Guyane et à La Réunion, dans l'enseignement de l'histoire de la Révolution française.
"Pourquoi ne pas imaginer que ces programmes servent de repère pour le reste des Français de l'Hexagone ?", suggère Nadia Wainstain.
Mieux appréhender la société
La Fondation suggère ainsi d'unifier le vocabulaire employé avec des terminologies précises ("nègre", "esclave", "marron", ...) et d'ouvrir la question de l'esclavage "à des dimensions autres qu'économiques" : évoquer les conditions de vie des esclaves, les révoltes qui ont mené aux abolitions, comme celle de Saint-Domingue, mais aussi à un héritage culturel riche."Pour comprendre le monde, à l'aune de l'actualité récente, on a intérêt à vraiment expliquer aux élèves et aux enseignants que les sociétés esclavagistes ont été le laboratoire où se sont construits le préjugé de couleur, les catégories raciales et la hiérarchisation des races dans un but de domination", explique Nadia Wainstain.
Connaître l'histoire du préjugé de couleur, c'est connaître l'histoire du monde aujourd'hui.