4h30 du matin lundi 11 juillet, Paris dort. Pourtant, sur la place de la Concorde, la musique résonne. Une musique un peu particulière, car sonnent les trompettes, les tambours et les clairons. Le défilé du 14 juillet se met en place. Pour éviter de trop gêner la vie parisienne, tout se déroulera du milieu de la nuit au petit matin. Le ballet des cars se met en place, ils viennent de déposer les troupes pour leur ordre de marche, la répétition va commencer.
De la place de la Concorde à la place de l’Etoile où culmine l’Arc de Triomphe, les unités sont en place. Une répétition aux allures du vrai défilé, mais dans une plus petite mesure tout de même. Très peu de véhicules, mais les fanfares des différents corps sont bel et bien présentes, et ça s’entend.
En formation, ça commence. Les carrés sont formés par unité en "toit", c’est-à-dire par ordre de taille, du plus grand à l’avant au plus petit à l’arrière. En haut de l’avenue, l’unité du caporal Stanislas, un Marquisien, est prête. L’escadron de protection de la base aérienne de Lyon Mont-Verdun n’attend plus que l’ordre pour marcher au pas et descendre les Champs-Elysées.
Fierté et émotion
"Ça fait trois ans que j’ai débarqué des Marquises, (…), c’est la première fois que je défile, ça me fait plaisir, se réjouit le caporal Stanislas. "J’ai ma mère et mes trois sœurs, elles attendent ce moment, c’est sûr qu’elles vont regarder, je les ai prévenues." Autre fierté pour le Marquisien : il fait partie de l’équipe de France militaire de boxe. "J’en fais depuis l’âge de huit ans, c’est mon sport favori. J’ai été repéré pendant un stage maquis".
Dans une autre unité de l’armée de l’Air, une Polynésienne, Merehau, 23 ans, s’apprête à vivre son premier défilé. Une date symbolique pour elle qui, au-delà de la fête nationale, représente son entrée en service dans l’armée : "Ça fera deux ans le 14 juillet 2022 que je suis dans l’armée." Une énième répétition pour la secrétaire à la direction de la maintenance aéronautique : "On prend beaucoup de plaisir, ça fait déjà un mois et demi qu’on se prépare", sourit-elle.
On vient de loin, de Tahiti, on n’a pas la chance d’avoir nos familles, mais on fait la fierté de chez nous.
Merehau, secrétaire sur la base aérienne 106
Une fierté de défiler et une émotion partagée par tous les Ultramarins que nous avons rencontrés, et ce, dans tous les corps de l’armée. Même quand l’engagement fut décidé sur un coup de tête. Un autre caporal et un autre Stanislas, mais Guyanais cette fois-ci, 24 ans, originaire de Saint-Laurent du Maroni et cuisinier, est entré de façon "particulière" dans cette institution qu’est l’armée: "Je suis passé devant la mairie, et j’ai vu une affiche, je me suis engagé et ça fait quatre ans que je suis ici", dit-il en plaisantant. Pour autant, cela n’enlève rien à sa joie de défiler pour la première fois : "Ça fait plaisir, je suis fier parce que je sers la France, (…), ça fait plaisir à la famille", avant d’ajouter pour décrire ses sentiments : "c’est inexplicable".
De La Réunion et de Nouvelle-Calédonie, ils sont engagés dans la Marine Nationale
Parce qu’il n’y a pas que l’armée de Terre et l’armée de l’Air, la Marine Nationale sera bien présente sur les Champs-Elysées. Bien sûr, sans ses navires, mais à travers ses femmes et ses hommes. Parmi eux, deux Réunionnais et une Calédonienne. Juste après avoir défilé sur la plus belle avenue du monde aux alentours de 6h du matin, ils attendent de reprendre le car pour rentrer dans leurs casernes, l’occasion pour eux d’exprimer leur ressenti.
Agée de 26 ans, la second-maître Céline, future contrôleuse aérienne est partie du Caillou à ses 18 ans. Mais même loin de sa famille, c’est heureuse qu’elle défilera : "Le jour-J approche très vite, il y a beaucoup d’émotions, c’est une grande fierté, (…) parce que c’est un petit bout de Calédonie au sein de la France".
Un autre petit bout de terre, mais de La Réunion, sera représenté par le quartier-maître Antoine, membre d’équipage de la frégate de défense aérienne Forbin et le second-maître Lucas, mécanicien porteur à la base aéronautique navale de Lanvéoc-Poulmic en Bretagne, dans la même unité que Céline.
Beaucoup de fierté parce que c’est la première fois [qu’il défile], et beaucoup d’émotions parce que c’est représenter la France.
Antoine, quartier-maître sur le Forbin
En service depuis trois ans dans la Marine Nationale, Lucas a quitté son île de La Réunion à 19 ans pour s’engager. Alors, pour lui et sa famille qui le regardera à la télé, ce sera un moment d’émotion : "Mon premier défilé sur les champs, beaucoup de fierté et d’honneur, tout le monde n’a pas la chance de pouvoir défiler ici, donc c’est un grand plaisir." Mais avant le grand jour, il faut garder son sérieux, "ne pas relâcher la pression, et au final, tout se passera bien, on a des entraînements pour marcher au pas, être bien aligné et être bien droit", explique-t-il, en tenue de parade, son fusil FAMAS en bandoulière.
Un entraînement aussi suivi par Antoine, mais à Toulon, dans le Var, le port d’attache du navire sur lequel il sert. En revanche, ce dernier aura la chance d’être suivi par toute sa famille directement sur les Champs-Elysées ! "Toute ma famille va venir [de La Réunion]", sourit-il. Une chance que tous n’ont pas. Pourtant, chacun a exprimé sa fierté et celle de leurs proches.
16 ans et déjà sur les Champs
Tandis que des troupes défilent, un groupe de jeune, installé à l’intersection entre la place de la Concorde et les Champs-Elysées les regarde. En uniforme, ces jeunes semblent déjà être des militaires à part entière. Pourtant, ils ne sont que lycéens, mais d’un lycée un peu spécial, le lycée militaire d’Autun en Bourgogne. Parmi les 15 élèves sélectionnés, un Mahorais de 16 ans, Yanis. Originaire de M’tsahara, ce sera son premier défilé et il n’est pas peu fier.
C’est la première fois que je défile, et c’est une fierté, parce qu’il n’y a que 15 élèves sélectionnés dans mon lycée.
Yanis, lycéen militaire
Yanis a notamment répété à Saint-Cyr-l’Ecole en vue du défilé. "Pas de stress, on est très bien préparé, le jour-J, on sera prêt ", affirme-t-il d’un ton serein. Et en ce 14 juillet, il fera plus que marcher sur les Champs-Elysées sous le regard du président de la République, puisqu’il fait partie du groupe France, qui participera à la clôture de la cérémonie en déployant un grand drapeau tricolore devant la tribune officielle. Passionné par l’univers de l’Armée, le jeune Mahorais rêve de devenir médecin militaire et "d’aller le plus loin possible dans les échelons". Mais en attendant, il a la fierté de défiler un 14 juillet sur la plus belle avenue du monde.