80 ans du débarquement en Provence. L’engagement des troupes d'Outre-mer

L'engagement des Polynésiens et Calédoniens est directement en réaction à l’appel du Général de Gaulle. Félix Broche emmène 600 hommes avec lui, il est tué dans la bataille de Bir-Hakeim en 1942 mais ses troupes glaneront à jamais la gloire et l’expérience. Les Antillais les rejoindront en Italie, pour eux ce fut beaucoup plus compliqué, sans véritable expérience des combats. Au moment de leur engagement, on les appellera les "Dissidents". Ils ont longtemps attendu la reconnaissance de la France.

 

Cette fameuse armée B est donc très disparate, constituée d’éléments des Forces Françaises Libres depuis 1940, et d’unités de l’armée d’Afrique.
"250 000 soldats venus de l’Empire" comme l’écrivait quelques années plus tard le Général De Lattre de Tassigny.
Il y a des forces qui viennent de l’Afrique subsaharienne, du Maghreb, des Antilles et du Pacifique, des Français "pieds noirs", des tirailleurs nord Africains ou Sénégalais.

Les Antillais venaient de partout, ils étaient très nombreux et de là, on est partis vers l’Amérique, vers notre destin, vers la 1ère Division Française Libre

Octave Perrette, sergent 1er Bataillon de marche des Antilles

Les Antillais sont ceux qu’on appelle les "Dissidents". Certains d’entre eux avaient été engagés sur le front en France dès 1940. Subissant la défaite, prisonniers pour certains, d’autres purent rentrer dans leurs îles. Mais les Antilles étant sous l’emprise de Vichy avec l’Amiral Robert, des milliers de ces soldats veulent rentrer en résistance et fuient discrètement par la mer rejoindre les Anglais, à travers le canal de la Dominique ou de Sainte-Lucie pour rallier ensuite les Etats Unis. Leur aventure commence, elle durera jusqu’à la fin de la Guerre.

Les 6 invités à Paris en 2016 par la Présidence de la République, Rémy Oliny, Alexandre Lepasteur, Jeanne Catayée, Salinière Ségor, Léon Léopold et Eugène Jean-Baptiste


Tous les témoignages sont identiques avec une vraie volonté de la part de ces hommes d’en découdre :
"Je suis parti un matin à 8h, en costume de pêcheur pour ne pas me faire prendre. J’ai fait semblant de partir à la pêche" se rappelle Rémi Oliny le Martiniquais

Enfin reconnus comme combattants

 

Euzhan Palcy, la réalisatrice de "Rue Case-Nègres" et "Une saison blanche et sèche", a consacré un documentaire à ces soldats en 2006, leur rendant hommage. Lors d’une présentation à Pointe-à-Pitre, deux inséparables étaient là, Edmond Sainsily et Dorothée Henri Martial.
"J’allais avoir vingt ans et je ne voulais pas servir le maréchal Pétain, mais le Général de Gaulle car j’avais entendu son appel " raconte Edmond, et son ami Dorothée Henri de renchérir : "Tous les hommes ont toujours fait la guerre, même s’ils n’aiment pas ça. C’est une aventure qui promet et quand on a 20 ans et que l’occasion se présente…"

La réalisatrice de "Parcours de Dissidents" rappelle la genèse de ce film :

" Aucun ancien dissident ne regrette avoir participé à l’action de Résistance de la seconde guerre mondiale. Ils sont en revanche tous déçus de voir comment leur participation a été méprisée par certains gradés. Il faut garder à l’esprit que c’est en grande partie grâce à ses colonies que la France a pu garder sa liberté".

Ils vont former le Bataillon de Marche des Antilles et vont rejoindre d’abord l’Afrique du Nord en septembre 1943, puis la Tunisie. Leur guerre démarre. Elle sera parfois cruelle. Frantz Fanon le philosophe et écrivain, qui a rejoint les FFL en 1943 à l’âge de 18 ans raconte :

" Nous étions le 1er Bataillon Antillais, composé uniquement d’Antillais, de Sénégalais aussi, préparés, instruits, envoyés à la boucherie, à l’abattoir. Nous étions au premier rang à Cavalaire. Celui qui n’a pas connu Cavalaire, c’était l’enfer ".

La particularité de ces soldats Antillais est que le haut commandement ne sait pas où les mettre. Leur couleur de peau a tendance à les mettre dans les troupes coloniales, or ils ont le statut de citoyen. Ces hommes se souvent posés la question de savoir qui ils étaient

Géraud Létang, Docteur en Histoire, coordinateur de la mission 80 ans de la Libération

Rémi Oliny apporte la plus limpide des réponses :

"À Fort Dix on a brodé sur notre uniforme le mot France sur les deux épaules, dès qu’on voyait le mot France on n’était plus des noirs."

Il faudra attendre 2011 pour que des soldats Antillais soient invités et décorés lors des cérémonies du 18 juin au Mont-Valérien près de Paris. En 2016 six d'entre eux seront reçus par Francois Hollande qui dévoilera une plaque en leur honneur à l'hôtel des Invalides.

Cap sur la Provence 

Ces soldats d’outre-mer n’ont pas le même niveau de combat, les Polynésiens et les Calédoniens avaient combattu dans le désert de Lybie où la victoire de Bir-Hakeim avait été un déclic pour les FFL. Le combat sera différent qu’en Normandie, car les Allemands n’avaient pas fortifié les côtes de la Méditerranée.

Les soldats du Bataillon du Pacifique après la sortie de Bir-Hakeim, heureux, vivants et prêts à repartir au combat.

Fondamentalement le rôle du débarquement de Provence c’est la capture et la prise des ports de Toulon et de Marseille. Et l’ordre de marche sera très précis pour cette armée B, on a d’abord un objectif qui est logistique.

Et tous ces soldats avaient foi en leur destin, comme Paul Leterrier à qui sa marraine de guerre d’Alexandrie avait conseillé de réciter trois Pater et deux Ave pour rester en vie…, ce qu'il fait toujours encore en 2024.