1988. Après les tensions, la paix se dessine en Nouvelle-Calédonie… et dans "l’Oreille est hardie"

Dans la bande dessinée "La Solution Pacifique, l’Art de la paix en Nouvelle-Calédonie", les auteurs ont cherché à raconter le processus qui a abouti, après le drame d’Ouvéa, aux accords de Matignon. On suit pas à pas les membres de la « mission du dialogue » dépêchée sur le Caillou. Instructif.

Jean-Edouard Grésy est passionné par le conflit. Non pas qu’il se délecte de la zizanie dans un groupe ou des altercations entre dirigeants ou entre peuples... Disons plutôt, à l’entendre, que les tensions et leur résolution, que ce soit à travers l’Histoire ou dans nos sociétés aujourd’hui, représentent pour lui un champ d’étude… intéressant !


L’invité de l’Oreille est hardie est médiateur dans les conflits individuels et collectifs du travail, après avoir suivi des études d'anthropologie mais c’est comme co-scénariste de BD qu’il vient à nous, fonction toute neuve pour lui. Avec le scénariste plus chevronné Pierre Makyo, il signe ce roman graphique La Solution Pacifique, poussé par la fascination qu’exerce sur lui cette décennie 1980 en Nouvelle-Calédonie, qui a vu le territoire passer littéralement de la guerre civile à l’ébauche d’une paix, toujours fragile, entre les communautés du Caillou et avec l’Etat français. Jean-Edouard Grésy avoue aussi son admiration pour le processus mis en œuvre en 1988 afin de tenter de ramener les belligérants autour d’une même table, après les événements sanglants de la grotte d’Ouvea. 

Extrait de "La Solution Pacifique" de Makyo, Grésy et Casalanguida.

Un fil rouge : Christian Kosar 

Nous suivons en fait un homme qui sera acteur et témoin de ces années très difficiles : en 1983, Christian Kosar, ancien militaire devenu haut-fonctionnaire, est nommé pour la première fois en Nouvelle-Calédonie. Dès son arrivée, le pays le fascine et ses fonctions l'amènent à s'impliquer totalement pour trouver un apaisement dans les graves tensions qui montent et secouent le territoire lors de l'année 1984. Christian Kosar fait preuve de sang-froid et visiblement, dispose d’un sens aigu de la diplomatie et du discernement.

Extrait de "La Solution Pacifique" de Makyo, Grésy et Casalanguida.

Voilà pourquoi, quelques années plus tard, après être rentré chez lui dans l’Hexagone, il sera de nouveau appelé vers la terre calédonienne et sollicité pour faire partie de la "mission du dialogue" menée par l’ancien préfet Christian Blanc et voulue par le premier ministre de l'époque Michel Rocard. 

Une « mission du dialogue » pour concilier

Objectif de cette mission : tenter, après les terribles conséquences de l’assaut la grotte d’Ouvea (pour rappel, après une prise d’otages de gendarmes par une faction de militants kanak, l’assaut sera décidé pour les libérer : dix-neuf morts côté kanak, trois côté gendarmes), de faire retomber le climat de guerre civile et ramener la paix, ni plus ni moins.
Constituée d’hommes venus d’horizons différents (de droite, de gauche, hauts fonctionnaires, représentants religieux…), la mission du dialogue (r)établira la confiance dans le camp caldoche comme dans le camp kanak. Et aboutira à la photo historique et symbolique - pendant longtemps jugée impossible à prendre - de deux adversaires se serrant la main autour de l’accord trouvé et signé à Matignon entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou. 

Extrait de "La Solution Pacifique" de Makyo, Grésy et Casalanguida.

Une bande dessinée pour comprendre

Christian Kosar, décédé fin 2018, avait accepté de travailler avec Jean-Edouard Grésy sur cette BD et c’est son fils Olivier qui insistera ensuite pour que le projet voit quand même le jour. Il confiera notes et journal de bord de son père à Grésy et Makyo. Le dessinateur Luca Casalanguida mettra ensuite le tout en images. La Solution Pacifique est donc un document qui s’attache à décortiquer les différents mouvements, à décrire les montagnes russes qu’il faut parfois franchir pour apaiser ou résoudre un conflit. Une bande dessinée instructive donc, qui revient sur une histoire essentielle et méconnue dans son détail. 

Écoutez L’Oreille est hardie

Jean-Edouard Gresy raconte dans l’Oreille est hardie tout le travail de recherches et les sources qui ont nourri ce scénario. Makyo, que l’on entend aussi, y a introduit, lui, une forme de récit et de mise en scène des rebondissements afin de rendre plus haletant ce qui sinon n’aurait été qu’un document austère. Petite critique tout de même pour l’adaptation en dessins : tous les personnages ont existé et certains (Jacques Lafleur en tête) ne ressemblent pas beaucoup à leur modèle réel, ce qui est un peu gênant pour l’œil qui connaît les visages des protagonistes. Cette remarque mise à part, lisez cette Solution Pacifique qui vous en apprendra beaucoup sur cet Art (plus que délicat) de la paix.
Et écoutez Jean-Edouard Grésy dans l’Oreille est hardie. Tendez l'oreille, c’est par ICI

Et si vous voulez en savoir plus sur les différents processus qui ont amené la Nouvelle-Calédonie vers la voie de l’auto-détermination et la mise en œuvre des référendums, consultez notre grand dossier ICI.