La ville millénaire de Tombouctou et sa région totalisent plus de 300.000 manuscrits s’étalant du XIIIe au XVIIe siècle, recelant des trésors de connaissances des plus variées.
A l’heure où les islamistes d’Ansar Dine et d’Al-Qaida au Maghreb islamique saccagent les mausolées de la ville (qu’ils contrôlent depuis le mois d’avril), pillent et détruisent les bibliothèques, amputent, violent et massacrent, un livre vient rappeler opportunément que Tombouctou n’est pas seulement devenu une terre de désolation mais était une cité rayonnante et le centre culturel de toute l’Afrique de l’Ouest.
Jean-Michel Djian, l’auteur de l’ouvrage « Les manuscrits de Tombouctou », illustré des très beaux clichés du photographe malien Seydou Camara, connaît bien l’Afrique. Journaliste et producteur à France Culture, il a initié l’Université ouverte des Cinq continents à Tombouctou, et a écrit plusieurs ouvrages sur des auteurs africains, dont une biographie du Sénégalais Léopold Sédar Senghor (éditions Gallimard, 2005).
Le livre déconstruit le mythe que l’Afrique ne fut seulement qu’une civilisation de l’oralité. Dès l’introduction de l’islam sur le continent, dans les premiers siècles de l’hégire, est arrivé non seulement l’enseignement du Coran mais également celui de l’écriture et de la langue arabe, s’ajoutant aux langues régionales.
A partir du XVe siècle, sous le règne de l’empereur du Songhaï, Tombouctou devient une authentique ville universitaire. On vient d’Andalousie, de l’empire du Ghana, d’Egypte, et du Maroc notamment, pour suivre les cours de l’université Sankoré. Au faîte de sa renommée, la ville accueille quelques 25.000 étudiants. « L’enseignement et le livre prospéraient et tous les métiers en profitèrent : copistes, libraires, répétiteurs, relieurs, traducteurs, enlumineurs… », écrit Jean-Michel Djian.
Sur des parchemins, des papiers d’Orient ou de simples peaux de moutons, on traite de justice, de politique, d’art, de pharmacopée et de médecine, de grammaire, de mathématiques… On estime que Tombouctou et sa région comptaient environ 300.000 manuscrits, et plus de 500.000 si l’on compte les zones comprenant Gao, Djenné et Ségou. Nombre de ces manuscrits rares, transmis de génération en génération, sont encore conservés par des familles maliennes. D’autres ont été pillés et revendus dans des capitales occidentales.
En 1973, un centre d’archivage, l’Institut Ahmed Baba, a été créé sous l’égide de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), qui tente de récupérer les archives détenues par les familles, mais dégradées ou menacées de dégradation parce que stockées dans des conditions précaires. Autre menace, bien plus grave, le pillage et le trafic des manuscrits par les bandes armées qui contrôlent dorénavant le Nord du pays.
Laissons le mot de la fin à Jean-Michel Djian.
« Il existe une masse si rare de savoir juridique, foncier, mathématique, artistique, politique, climatologique, religieux, pharmacologique ou médicinal que leur valorisation épistémologique est, on le sait déjà, de nature à écorcher définitivement ces tenaces préjugés sur les civilisations africaines. Encore faudrait-il se mettre à restaurer, traduire et mobiliser en masse les chercheurs ».
Jean-Michel Djian – « Les manuscrits de Tombouctou, secrets, mythes et réalités » (photos Seydou Camara), éditions JC Lattès, octobre 2012 - 190 pages, 25 euros.
Jean-Michel Djian, l’auteur de l’ouvrage « Les manuscrits de Tombouctou », illustré des très beaux clichés du photographe malien Seydou Camara, connaît bien l’Afrique. Journaliste et producteur à France Culture, il a initié l’Université ouverte des Cinq continents à Tombouctou, et a écrit plusieurs ouvrages sur des auteurs africains, dont une biographie du Sénégalais Léopold Sédar Senghor (éditions Gallimard, 2005).
Le livre déconstruit le mythe que l’Afrique ne fut seulement qu’une civilisation de l’oralité. Dès l’introduction de l’islam sur le continent, dans les premiers siècles de l’hégire, est arrivé non seulement l’enseignement du Coran mais également celui de l’écriture et de la langue arabe, s’ajoutant aux langues régionales.
A partir du XVe siècle, sous le règne de l’empereur du Songhaï, Tombouctou devient une authentique ville universitaire. On vient d’Andalousie, de l’empire du Ghana, d’Egypte, et du Maroc notamment, pour suivre les cours de l’université Sankoré. Au faîte de sa renommée, la ville accueille quelques 25.000 étudiants. « L’enseignement et le livre prospéraient et tous les métiers en profitèrent : copistes, libraires, répétiteurs, relieurs, traducteurs, enlumineurs… », écrit Jean-Michel Djian.
Sur des parchemins, des papiers d’Orient ou de simples peaux de moutons, on traite de justice, de politique, d’art, de pharmacopée et de médecine, de grammaire, de mathématiques… On estime que Tombouctou et sa région comptaient environ 300.000 manuscrits, et plus de 500.000 si l’on compte les zones comprenant Gao, Djenné et Ségou. Nombre de ces manuscrits rares, transmis de génération en génération, sont encore conservés par des familles maliennes. D’autres ont été pillés et revendus dans des capitales occidentales.
En 1973, un centre d’archivage, l’Institut Ahmed Baba, a été créé sous l’égide de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), qui tente de récupérer les archives détenues par les familles, mais dégradées ou menacées de dégradation parce que stockées dans des conditions précaires. Autre menace, bien plus grave, le pillage et le trafic des manuscrits par les bandes armées qui contrôlent dorénavant le Nord du pays.
Laissons le mot de la fin à Jean-Michel Djian.
« Il existe une masse si rare de savoir juridique, foncier, mathématique, artistique, politique, climatologique, religieux, pharmacologique ou médicinal que leur valorisation épistémologique est, on le sait déjà, de nature à écorcher définitivement ces tenaces préjugés sur les civilisations africaines. Encore faudrait-il se mettre à restaurer, traduire et mobiliser en masse les chercheurs ».
Jean-Michel Djian – « Les manuscrits de Tombouctou, secrets, mythes et réalités » (photos Seydou Camara), éditions JC Lattès, octobre 2012 - 190 pages, 25 euros.