Pour les députés, l'esclavage "moderne" est un crime

L'Assemblée nationale 23 avril 2013.
L'Assemblée nationale a instauré ce mardi un nouveau crime de "réduction en esclavage". Une notion qui fait référence à l'esclavage moderne ou et criminalise "le fait d'exercer à l'encontre d'une personne l'un des attributs du droit de propriété". 
 
La jeune Amina avait 10 ans quand elle a vu son calvaire s'achever. Depuis trois ans, elle avait quitté ses Comores natales pour vivre chez sa tante à Marseille. Celle-ci lui avait fait miroiter des promesses de vie meilleure, de scolarité exemplaire et d'avenir radieux. Dès son arrivée en 2007, Amina, qui n'avait alors que 7 ans, a du enchaîner les heures de ménage et de repassage en commençant dès l'aube. Ce n'est qu'une fois ses tâches terminées qu'elle pouvait se rendre à l'école. Régulièrement battue, et même brûlée, elle dormait sur un vieux matelas à même le sol, révélait à l'époque le quotidien La Provence. Amina n'a du son salut qu'à l'intervention d'une autre de ses tantes qui a signalé son cas auprès de la brigade des mineurs.
 
En 2006, un rapport d'information sur Mayotte de l'Assemblée nationale dénonçait les conditions de vie des immigrés, pour la plupart comoriens sur l'île et assimilait certaines formes d'exploitation à de l'esclavage. Le mouvement des indignés de Mayotte reprenait le thème  2012 dans une tribune libre sur  les esclaves modernes, "aujourd’hui appelés clandestins".  " Les nouveaux esclavagistes sont nombreux, et ne sont plus l’apanage du seul propriétaire Blanc. Aujourd’hui, Mahorais et Wazoungous sont devenus égaux devant cet acte abjecte qu’est l’utilisation des démunis pour accomplir les tâches pénibles", écrivaient-ils.
 

Quatre niveaux de gravité

Dans quelle mesure peut-on parler d'esclavage pour dénoncer un travail forcé, très peu ou pas payé ? Quelle qualification pénale est la plus adaptée pour ces actes? Les députés ont tranché, et ont adopté mardi un projet de loi visant à les criminaliser. A l'unanimité, ces derniers ont décidé que "le fait d'exercer à l'encontre d'une personne l'un des attributs du droit de propriété", constituait désormais un crime. Le texte devrait être adopté définitivement jeudi par les sénateurs. Jusqu'à présent la législation française sur le sujet n'était pas adaptée au droit européen. Fin 2012, La Cour européenne des droits de l'Homme avait condamné la France pour n'avoir pas mis en place un "cadre législatif et administratif permettant de lutter efficacement contre la servitude et le travail forcé."  
 
A l'issue de la séance à l'Assemblée nationale, la ministre de la Justice Christiane Taubira a expliqué qu'il existait quatre niveaux de gravité.
Le "travail forcé", puni de sept ans d'emprisonnement, "la réduction en servitude" quand le travail forcé est imposé à une personne vulnérable ou dépendante, punie de dix ans, "la réduction en esclavage " et "l'exploitation d'une personne réduite en esclavage ", punies l'une et l'autre de vingt ans, voire de 30 ans en cas de circonstances aggravantes (à l'encontre de mineurs ou avec des actes de torture, notamment).
Le député UMP Guy Geoffroy a lui insisté sur les termes utilisés. "Ne parlons pas d'esclavage moderne car cette facilité de langage pourrait donner l'impression qu'il y a quelque chose de moderne dans l'esclavage et la servitude", a-t-il souligné.
 
 
En France, on estime entre 3 000 et 5 000 le nombre de personnes dans le cas d'Amina.
 
 
En savoir plus avec le Comité contre l'esclavage moderne