Hommage du Barreau lundi soir à Paris à l’avocat martiniquais Marcel Manville, co-fondateur du Mrap

L'avocat martiniquais Marcel Manville (1922 - 1998)
Un hommage est rendu ce soir à l’avocat martiniquais Marcel Manville, co-fondateur du Mrap, ancien compagnon de route de Frantz Fanon et militant anticolonialiste, à la Maison du Barreau à Paris, pour commémorer les quinze ans de son décès. 
Mort à Paris (en audience au Palais de justice !) en décembre 1998 à l’âge de 76 ans, l’avocat Marcel Manville fut l’une des grandes figures de la vie politique martiniquaise, et a marqué de son empreinte toute une génération de militants. Manville c’est d’abord le compagnon d’armes de Frantz Fanon, avec qui il s’engagea dans les Forces françaises libres durant la deuxième guerre mondiale.  
 
Il sera aussi du combat de Fanon en faveur de l’indépendance de l’Algérie, en étant l’avocat du Front national de libération (FLN) à Paris. Les réseaux d’extrême-droite lui feront payer cette activité en plastiquant sa maison dans la capitale française.
 

Avocat du FLN

Marcel Manville fit un bout de chemin avec le Parti communiste français (PCF), et fut co-fondateur du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap). Particulièrement sensible à la situation de ses compatriotes dans l’hexagone, Manville créa également le Regroupement de l’émigration martiniquaise (REM), puis le regroupement de l’émigration antillaise (REA), pour défendre les droits des Antillais résidant en France.
 
Souhaitant concrétiser ses convictions anticoloniales et indépendantistes, il fonde en 1984 en Martinique le Pati kominis pou lendépadans ek sosyalizm (PKLS, Parti communiste pour l’indépendance et le socialisme). Il crée à la même époque le Cercle Frantz Fanon, dédié à l’étude et à la diffusion de l’oeuvre du psychiatre et révolutionnaire martiniquais. 
 
Marcel Manville a publié un livre en 1992, « Les Antilles sans fard », aux éditions L’Harmattan, un ouvrage à la fois autobiographique et politique.
 

Hommage à Marcel Manville
Lundi 25 novembre à 20h00 à la Maison du Barreau
2, rue de Harlay - 75001 PARIS
 
Programme 

 
19h30 : Accueil des invités et participants à la projection-débat
 
19h55 : Introduction de Christiane Féral-Schuhl, bâtonnière de Paris
20h00 : Projection du film « Marcel Manville, d’Homme à Hommes », réalisé par Véronique Kanor
 
21h00 : Ouverture de la table ronde par George Pau-Langevin, ministre déléguée à la Réussite éducative
 
21h10 : Table ronde et intervention de la salle. La table ronde sera animée par Michel Reinette, journaliste à France Télévisions et composée de :
 
Véronique Kanor, réalisatrice
Henri Leclerc, avocat, ancien président de la Ligue des droits de l’homme et du citoyen
Raphaël Constant, bâtonnier de la Martinique
Yves Manville, diplomate

 
22h30 : Clôture de la table ronde ; La table ronde sera suivie d’un cocktail dans les salons
 

Extrait de « Périssent les colonies », un article de Marcel Manville dans le Monde diplomatique d’avril 1998

 
« Il faut donner au peuple la parole de feu. Nous continuerons à marcher la nuit, le jour, à la recherche de l'homme, comme aimait à le dire Frantz Fanon, mon compagnon de lutte et d'espérance. Les Antilles et la Guyane, en dépit de la loi du 16 mars 1946 qui a érigé ces trois territoires coloniaux en départements d'Amérique, n'ont pas accédé à la majorité politique. Il ne s'agit pas, comme nous le faisons trop souvent, d'imputer à l'Etat français la seule responsabilité de cet anachronisme.
 
Le colonisateur n'est pas suicidaire. Il ne décrétera jamais que le colonisé a droit à l'indépendance nationale. Et il convient aussi de ne pas sous-estimer la trahison des clercs, qui ont déserté leurs responsabilités ainsi que celles de toute une partie de la classe politique, laquelle, depuis 1848, a choisi le confort digestif, plutôt que le camp - souvent risqué ! - de l'espérance.
 
Pis que l'infamie des chaînes est de ne même plus en sentir le poids. Restés à la périphérie de l'histoire, nos peuples doivent se mobiliser pour que ces territoires affirment leur droit à la souveraineté nationale. Nous ne pourrons balayer plus de trois siècles de colonisation. Mais l'expérience vécue nous a enseigné que l'assimilation, la décentralisation, ne sont que des solutions palliatives.
 
Ceux qui, chez nous, affirment urbi et orbi qu'il faut d'abord industrialiser, développer l'économie, se trompent. Le pouvoir colonial ne va pas se mettre à créer, aux Antilles-Guyane, les conditions pour que nos produits nationaux, fabriqués sur place, entrent dans une compétition sans merci avec ceux qui viennent de France. Aucune entreprise martiniquaise, en dépit des incitations publicitaires à « acheter local », ne pourra jamais rivaliser, par exemple, avec les cargaisons de tomates et primeurs bon marché déversées presque chaque nuit par le 747 cargo « Pélican »...
 
Pourtant, Victor Schoelcher lui-même avait eu cette vision, au siècle dernier : « En regardant les Petites Antilles, en regardant toutes ces îles si proches les unes des autres, on pense qu'un jour elles formeront une même nation. Elles auront une même flotte, un même drapeau. Cela ne se fera pas aujourd'hui, mais sans doute demain. »
 
Dans la Caraïbe, il y a eu, comme le disait naguère le député martiniquais Aimé Césaire à l'Assemblée nationale, des « épidémies d'indépendance ». Même si le grand poète n'en a pas tiré lui-même toutes les conséquences... Autre grand intellectuel, Frantz Fanon écrivait : « La décolonisation est véritablement la création d'hommes nouveaux. La chose colonisée devient homme dans le processus même par lequel elle se libère ».