Marseille : les Rosiers, une cité mahoraise (DOSSIER LA1ERE)

Les Rosiers, cité dans le 14e arondissement de Marseille
Suite de notre dossier sur les traces des Mahorais de Marseille. Direction les Rosiers, dans le 14e arrondissement : plus de la moitié de ses habitants viennent de Mayotte. Depuis quelques années, la cité part à la dérive et les Mahorais en paient les frais.
En semaine, la cité est déserte, mais le dimanche, les Rosiers s’animent. Une fête par-ci, des joueurs de dominos par-là, des jeunes qui font des parties de football, des réunions d’associations, l’ambiance est à la détente. Derrière les commerces fermés ce dimanche et à côté d’un bâtiment carbonisé et éventré, l’école coranique a organisé une fête. Il y a des enfants, des jeunes, des femmes et des hommes Comoriens et Mahorais. La cité des Rosiers abrite 753 logements. Selon Kassim Oumouri, un habitant du quartier, "dans cette copropriété privée, on trouve 60% de Mahorais, 20% de Comoriens et 15% de Maghrébins".
 

Hassanate music

Fofana 77,  un jeune rappeur mahorais participe à la fête de l’école coranique où les enfants se rendent le mercredi, le samedi et le dimanche matin, soit près de 6h à 8h par semaine. "Notre islam est ouvert", explique-t-il. Natif de Mamoudzou, à Mayotte, Fofana apprécie deux choses dans la vie : le football et le rap qu’il pratique à haute dose avec son groupe Hassanate music. La semaine, il travaille dans un restaurant dans le 13e arrondissement de Marseille comme serveur et espère prochainement reprendre ses études. "En ce moment, c’est un peu chaud à la Cité des Rosiers, raconte-t-il, la police se fait caillasser mais... C’est un peu comme ça dans toutes les cités".
 
Fofana 77
Ecoutez ce titre du groupe de Fofana 77, Hassanate Music


"Les Comoriens sont jaloux"

A l’autre bout des Rosiers, dans un petit coin de verdure, quelques joueurs de dominos mahorais se sont rassemblés. Ils n’ont pas trop envie de parler de leur cité et semblent trouver que les journalistes ont tendance à dresser un tableau forcément négatif des quartiers nord de Marseille. Eux s’amusent bien ce dimanche entre copains. A la question de savoir si le vieux conflit perdure entre Comoriens et Mahorais sur le statut de l’île française, là, ils répondent sans hésiter que "les Comoriens sont jaloux. Ils nous traitent ici comme des traîtres, mais ce ne sont pas des ennemis".  L’autre sujet qui les passionne : c’est le foot, tous sont des fanatiques de l’OM, sauf l’un d’entre eux qui avoue sans trop se vanter soutenir le PSG.  
 

Une subvention de 750 euros

Halidi Miftahou suit de près la partie de dominos. Cet électricien de 45 ans ne vit pas dans la cité des Rosiers, mais vient régulièrement rendre visite à ses amis. Ce Mahorais de Tsingoni a dirigé pendant trois ans  l’AS Mahorais, un club de football et puis, fatigué il a jeté l’éponge. "On avait 750 euros par an de subvention, ce n’était déjà pas beaucoup, et là, plus rien. Je faisais tout bénévolement. Alors cette année, j’ai décidé de faire une pause et on va remonter un dossier de demande de subvention". Beaucoup d'associations comoriennes ou mahoraises ont vu leurs subventions disparaître suite à la mise en examen de la députée PS, Sylvie Andrieux qui a été condamnée en mai dernier à un an de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité. 
 

Kassim des Rosiers

Kassim Oumouri, plus connu dans la cité sous le nom de Kassim des Rosiers pratique depuis des années le milieu associatif. Ce natif de la Grande Comore  habite la cité du 14e arrondissement depuis 15 ans. "Presque tous mes amis sont mahorais", dit-il. "J’aime beaucoup cette communauté, c’est facile de travailler avec eux. Ils s'occupent de leurs enfants et ne pensent pas toujours à leur village natal comme le font les Comoriens. A la cité des rosiers, il y a pleins d’actions positives et de personnes très attachantes mais en ce moment c‘est dur, les adolescents sont devenus très violents. Beaucoup de nos jeunes sont en prison, explique Kassim. Je connais vingt adolescents qui séjournent aux Baumettes. Et puis cette année en 2013, deux jeunes ont été tués lors de fusillades". 
Kassim Oumouri et des enfants de la cité des Rosiers
 

Que fait le syndic ?

Plus loin,  Marie avoue en avoir assez. "Je ne reconnais pas ma cité. Quand je suis arrivée ici en 2005, de Mayotte, il n’y avait pas tous ces problèmes. Aujourd'hui, les jeunes vendent de la drogue, il y a de la violence, moi, je me suis fait agressée deux fois. A cela s’ajoute, la co-propriété qui se dégrade sans que le syndic ne fasse rien, alors que nous payons des charges. Depuis un an, poursuit Marie, dans les couloirs, les vitres ont été enlevées  pour être remplacéesmais rien n’a été fait. Ainsi, dès qu'il pleut fort, de l’eau entre dans les appartements. On a beau râler, il ne se passe rien". Un ami de Marie, lui aussi Mahorais,  raconte qu’il s’est retrouvé pendant un an sans ascenseur alors qu’il habite au 14e étage. Tous les deux n’ont qu’une envie : quitter les Rosiers et retourner vivre à Mayotte.

Une co-propriété dégradée

"Les Rosiers, c'est une co-propriété, et non pas une cité HLM, explique Jean-Yves Pichot, directeur du Centre culturel et social des Rosiers de 1996 à 2007.  La plupart des propriétaires ne vivent plus ici et aujourd'hui des sociétés immobilières se sont spécialisées dans l'achat d'appartements dégradés pour le compte de clients aisés. Un T4 coûte entre 50 000 et 70 000 euros et rapporte 1000 euros par mois. C'est devenu très rentable pour eux, en plus, ils font payer des charges aux locataires et ne font jamais de travaux". 

Des familles abandonnées

Malgré tout, Kassim des Rosiers, se sent bien à Marseille dans son quartier mais il note qu’une dizaine de familles ont quitté récemment la cité pour s’installer aux Comores et à Mayotte, laissant parfois derrière eux un fils ou un parent en prison. « Les familles se sentent abandonnées, poursuit Kassim, alors il est temps que nous soyons représentés, que nous existions ici à Marseille ». Les élections municipales approchent et ce  militant associatif fonde de grands espoirs sur le combat politique qui s’annonce.   

Demain, mercredi, suite de notre dossier sur les Mahorais et les Comoriens de Marseille avec le portrait de Noro Issan-Hamady, une histoire marseillaise.

Texte d'une chanson écrite par Fofana 77
Je suis fier d’être français
Mais je supporte pas le même drapeau
Vu que ma nationalité,
Ne va pas avec ma couleur de peau.
Etant donné qu’il existe le mythe du bon français,
A la peau peu foncé,
Aux sourcils très français.
Entre moi et vous 97% de différence.
Je savais pas qu’ici on nous jugeait par nos apparences.
C’est peut-être parce qu’on est mate,
Qu’on nous tend les menottes.
C’est peut-être plus diplomate.
A qui on rejette la faute ?
Le président peut se permettre un petit malaise,
Humilié, fouillé rend vraiment mal à l’aise.
Alors on se rassemble,
Vu que dans le cerveau, qui se rassemble, s’assemble.
Les Comoriens on n’est pas les étoiles les plus proches de la lune.
Mayotte Comores, c’est la guerre des étoiles.
MC de la lune. Je passe pas à la une.