Pierre Frogier plaide pour une réunion du Comité des signataires

Lors de son entrevue, la semaine dernière, avec Jean-Marc Ayrault, le sénateur Pierre Frogier a plaidé une nouvelle fois pour une réunion en urgence du Comité des signataires des accords de Matignon et Nouméa pour tenter de résoudre le différend sur les listes électorales. Interview.
la1ere.fr : Comment vous ressortez de cet entretien avec le Premier Ministre ?
Pierre Frogier : Le premier ministre m’a consacré beaucoup de temps dans son agenda qui est vous le savez, très occupé.  Et avant d’aller le voir je savais ce qu’il avait à me dire. Il m’a effectivement indiqué que la position de l’Etat au sujet des listes électorales était celle qu’il avait annoncée à l’Assemblée Nationale il y a quelques jours. Je lui ai néanmoins indiqué que je prenais sa déclaration en considération, mais que la réponse que le ministre des Outre-mer m’avait faite le lendemain au Sénat n’avait aucun sens et que comme la plupart du temps il passe son temps à évacuer les sujets au lieu de les traiter.

Néanmoins,  je vous le répète, ce qu’a dit le Premier Ministre, ça ne change rien. Je lui ai répété que je suis ici depuis trois semaines maintenant et que je ne cesse d’expliquer au gouvernement que c’est un problème à caractère politique et si le comité des 24 de l’ONU a demandé à venir en Nouvelle Calédonie, ce n’est pas pour s’en remettre au droit français, c’est un problème politique et donc j’ai continué à lui qu’en Nouvelle Calédonie, il fallait anticiper les situations avant que cela ne dérape. Je lui ai indiqué que je m’en tenais à la proposition que j’ai faite dans ma lettre, que j’ai adressé au Président de la République et que j’ai adressée au Premier Ministre, dans deux lettres différentes, disant que je regrettais - mais je suis persuadé que ça va se finir comme ça, à un moment ou à un autre - qu’il n’ait pas pris l’initiative de réunir d’urgence les signataires pour dégager un consensus sur ce problème de droit, et pour le moment, malgré ce qui peut être dit, cette règle de droit, parce que ce n’en est pas une, c’est une décision de la cour de cassation, ne s’imposera pas et il y aura malheureusement de l’agitation dans ces commissions.

Je continue donc à dire qu’il aurait été important que les signataires se retrouvent pour établir un consensus sur ce sujet ; en tous cas essayer de se comprendre, parce qu’actuellement, il y a des déclarations dans tous les sens, du FLNKS, de nous,  des autres, du haut-commissaire, et il n’y a pas de consensus dans ces déclarations. Donc ce que j’ai dit, je le maintiens, et je serai toujours disponible pour parler de ce sujet, en dehors de ce sujet.
 
Quand vous dites qu’il faut un engagement politique, qu’attendez-vous exactement de l’Etat ?
L’Etat n’est pas seul dans ce dossier, puisque c’est bien de l’accord de Nouméa dont nous parlons. Il y a l’Etat, comme partenaire, il y a les indépendantistes et il y a nous. Ce que j’indique depuis des années, c’est que quand il y a des sujets qui fâchent, quand il y a des problèmes à régler, il faut se retrouver pour parler de ce sujet et essayer de le traiter dans le consensus.

Qu’est ce qu’un consensus ? Qu’est-ce qu’un compromis ? c’est quand il y a deux positions qui sont contraires, on essaie de trouver un moyen terme. Et donc pourquoi je vous dis que même la déclaration du Premier Ministre à l’Assemblée Nationale, me semble t-il, ne réglera rien au fond, c’est parce que nous sommes à la veille d’une élection municipale dans trois semaines, un mois après, il y a le scrutin provincial. Et vous voyez bien qu’il y a de l’agitation depuis quelques semaines. Pourquoi cette agitation ? Parce que certains en profitent pour surfer, et ils pensent qu’ainsi, ça participe de la campagne électorale. Alors, on ne parle pas du fond. On ne parle pas du débat démocratique pour les élections municipales ou pour les provinciales. Ce sujet du corps électoral pour les élections provinciales devient un sujet de campagne électorale au moment des municipales et des provinciales.

Donc vous comprenez bien, quand même – et c’est pour cela que je dis que, malheureusement, il y a une préoccupation politique – qu’il faut essayer de le résoudre différemment que par la seule déclaration du premier Ministre. C’est pour ça que je tenais à ce qu’on se retrouve entre responsables, entre signataires, dans l’apaisement, parce qu’il faut apaiser le débat, qu’on se mette ensemble et qu’on décide de ce que l’on a à faire. Je n’ai jamais dit qu’un comité des signataires était de nature à tout résoudre, mais je dis que quand on travaille depuis aussi longtemps ensemble, il y a quand même un certain nombre d’entre nous qui savent que nous avons une responsabilité particulière depuis 1988 puis ensuite depuis 1998, qu’on ne peut pas faire n’importe quoi.

Durant une campagne électorale, on n’a pas le droit de dire n’importe quoi, parce qu’on est en Nouvelle Calédonie et parce qu’il y a des enjeux déterminants pour l’avenir. Ce qui était important, de mon point de vue, c’est que parce que nous sommes finalement pris en otage par ces campagnes électorales, il y avait lieu, suffisamment tôt, de saisir de ce dossier des commissions de révision des listes électorales, pour dégonfler ce dossier et éviter que cela ne devienne un enjeu électoral.
 
Craignez-vous un risque de dérapage ? Il n’est pas écarté, selon vous ?
Je ne crains rien. Ca ne sert à rien de craindre les choses. Il faut faire en sorte que cela n’arrive pas. En Nouvelle Calédonie, probablement plus qu’ailleurs, du fait de ce que nous avons vécu dans les années 80, nous avons mis en œuvre un principe qui est celui du consensus, qui est celui du compromis. Cela crée des obligations. Et sur ce sujet-là, qui est un des points d’équilibre de l’accord, si on ne se parle que par media interposé, s’il y a le haut-commissaire qui communique de son côté, le FLNKS de son côté, et nous de l’autre, comment voulez-vous qu’on se comprenne ? C’est pour cela que j’ai souhaité, et pour le moment, je ne suis pas entendu, mais cela n’enlève rien à ma conviction, que nous nous rencontrions en urgence pour évoquer ce sujet qui aurait dû être évoqué au mois d’octobre et qui ne l’a pas été, par la faute de représentants du FLNKS, qui ont indiqué ce jour-là que ce n’était pas inscrit à l’ordre du jour et donc qu’on ne l’évoquait pas.
 
Espérez-vous encore convaincre les autorités sur la réunion d’un comité des signataires extraordinaire ?
Il me semble, qu’après ce que j’ai dit, les choses ont probablement évolué un peu, et je suis très heureux que le Premier Ministre ait quand même indiqué à l’Assemblée Nationale des choses qui pouvaient rassurer des électeurs qui craignaient d’être radiés des listes. Il n’empêche, ce n’est que la parole du Premier Ministre. Ça ne peut pas être ce qui sortira des commissions de révision des listes électorales.
 
Le Premier Ministre a pourtant donné une feuille de route, en s’exprimant devant la représentation nationale…
Le Premier Ministre est un homme politique. Ce n’est pas un magistrat de la Cour de cassation. Ce qu’il a dit, c’est une feuille de route pour le représentant de l’Etat dans les commissions. Je répète que dans les commissions de révision, il y a un vote, et les radiations, elles se décident à la majorité. Ensuite, je le répète, il y a les tribunaux qui s’expriment, en cas de recours. Il y a des tribunaux pour dire le droit ; il y a des tribunaux pour dire si l’électeur est radié ; mais ce n’est pas le Premier Ministre qui est capable de le dire. Ce qu’il a indiqué, là, c’est la position de l’Etat. Comme vous vous en doutez, la position du FLNKS n’est pas la même et la notre n’est pas la même.
 
Et quelle est la votre ?
Et bien on se met autour d’une table, et on en parle. Ce qu’a dit le Premier Ministre, ce n’est pas satisfaisant. Il y a encore un tas de problèmes qui se posent, notamment les électeurs qui se sont inscrits entre 1998 et 2007, alors qu’on ne connaissant pas la loi constitutionnelle qui a été modifiée en 2007. Qu’est-ce qu’on fait de ceux qui sont là en 1998 et 2007 ? Et là, vous avez des interprétations qui sont complètement différentes.