Nancy Cunard, ses combats, sa Negro Anthology

Le musée du Quai Branly rend hommage à Nancy Cunard. Dans les années 20, cette jeune Anglaise,  écrivain  s'installe à Paris et milite contre le racisme, et le colonialisme. Elle est à l'origine de la Negro Anthology, aujourd'hui considérée comme une oeuvre panafricaine majeure.
D'elle, on ne connaît quasiment rien, si ce n'est une photo. Nancy Cunard apparaît sous l'objectif de Man Ray, les bras couverts de bracelets d'ivoire.
Mais si son corps et son visage androgyne se prêtent à la perfection à la photographie, Nancy Cunard ne s'est jamais contentée d'un simple statut de muse. Collectionneuse d'arts africains et océaniens, elle était avant tout écrivain, poétesse et militante.


Rupture avec son milieu d'origine

Née en grande Bretagne, d'une mère américaine et d'un père anglais, à la tête  de la ligne de navigation des Paquebots Cunard, Nancy s'installe à Paris dans les années 20. Son intérêt pour les cultures noires la sensibilise rapidement au racisme. Elle ira jusqu'à rédiger un pamphlet pour se moquer ouvertement de sa propre mère, pourtant considérée comme avant-gardiste: Cette dernière se serait indignée que sa fille fréquente des Noirs. La rupture est consommée, avec sa famille et l'ensemble de la bonne société anglaise.
Nancy Cunard n'en a cure, elle est entourée d'amis : des surréalistes, des poètes, des artistes, et des musiciens de jazz.

Nancy Cunard et Henry Crowder dans l’imprimerie des éditions Hours Press, 15 rue Guénégaud, Paris, 1929-1930
La jeune Anglaise fut, avant Elsa Triolet, le premier amour d'Aragon. Parmi ses conquêtes, figurera ensuite Henry Crowder, un musicien de jazz afro-américain. C'est lui notamment qui la sensibilisera au sort des Noirs américains, victimes de discrimination et de lynchages Outre-Atlantique.

De simple indignée, Nancy Cunard devient activiste, se rend à Harlem, provoque le scandale comme ce jour où elle s'installe à l'hôtel Grampion de Harlem, un hôtel réservé aux Noirs. Elle ira même jusqu'à poser pour la presse sur le perron de cet hôtel.

Negro Anthology

L'engagement de Nancy Cunard n'a pourtant rien d'un caprice d'une jeune bourgeoise en demande d'excentricité.
En 1931, elle se lance dans ce qui deviendra un de ses œuvres majeures : la Negro Anthology. Une enquête documentaire fouillée qui lui prendra quatre années.  Pendant cette période Nancy Cunard sollicite des écrivains, des historiens, des artistes, des militants, européens africains et américains.
Hommes et femmes, tous écriront des textes sur leurs conditions de vie, leur ressenti, leurs visions, et démonteront les préjugés raciaux.
On y parle également de l'affaire de Garçons de Scottsboro, ce fait divers qui mis en émoi l'Amérique. En 1931, neuf jeunes afro-américains sont accusés à tort d'avoir violé deux jeunes femmes blanches. Le dernier accusé n'est sorti en prison qu'en 1976.



Andrée Nardal et la biguine martiniquaise

Dans la Negro anthology, on trouve également des poèmes des œuvres de fiction... Et de grandes signatures : Langston Hughes, W.E.B. Dubois, Louis Armstrong, Samuel Beckett... Parmi eux, une Martiniquaise: Andrée Nardal, la sœur de Paulette Nardal, elle-même fondatrice de la Revue du Monde Noir à Paris, y signe un texte sur la biguine martiniquaise sous le pseudonyme de Madiana.

Ecoutez Sarah Frioux-Salgas, commissaire de l'exposition l'Atlantique Noir, en parler.

Sarah Frioux Salgas Andrée Nardal



La Negro Anthology est publiée en 1935, et vaudra à Nancy Cunard des menaces de mort. Pas de quoi décourager celle qui s'engagea ensuite contre le colonialisme, l'Espagne fasciste et le régime de Mussolini.
Nancy Cunard est décédée en 1965. A Paris, l'exposition l'Atlantique Noir du musée du Quai Branly lui rend hommage jusqu'au 18 mai.