Un bailleur social d'Ile-de-France jugé pour discrimination raciale et fichage ethnique : jugement ce vendredi

Samuel Thomas et Frédéric Tieboyou
C'est aujourd'hui que le tribunal correctionnel de Nanterre rend son jugement dans l'affaire Logirep. L'un des plus gros bailleurs sociaux d'Ile-de-France est accusée d'avoir refusé en 2005 un logement à un homme au motif qu'il était noir et d'avoir procédé à un "fichage ethnique". 
Une amende de 50 000 euros avait été requise à l'audience le 7 mars dernier par le Parquet. Il avait également demandé l'effacement des données relatives aux origines ethniques des locataires contenues dans le fichier incriminé.

"On ne peut pas dire à quelqu'un que le simple fait d'être noir pose a priori un problème". Contacté par téléphone, Samuel Thomas, délégué général de la Maison des Potes, s'est constituée partie civile auprès du plaignant Frédéric Tieboyou.
"C’est grâce à Frédéric Tieboyou que nous avons découvert que le bailleur HLM Logorip pratiquait le dosage ethnique. Il tenait un fichier pour les Réunionnais blancs classés "comme métropolitains" et les Réunionnais noirs classés "comme Réunionnais" ou encore un fichier antillais blancs  pour les antillais classés "comme métropolitains", et un fichier antillais noirs classés "comme Guadeloupéen, Martiniquais ou Guyanais"a ajouté le représentant de l'association créée par SOS Racisme qui milite pour une "anonymisation" des dossiers.


« Il y déjà beaucoup trop de noirs »

L’affaire débute en Juillet 2005. Après le dépôt d’une plainte pour « discrimination raciale » d’un homme d’origine ivoirienne , Frédéric Tieboyou, qui se voit refuser un trois pièces au dernier étage de la tour Ouessant, dans le quartier du Chemin de l’île à Nanterre, par la société HLM Logirep.
Le demandeur, un jeune salarié de 30 ans, avait reçu les coordonnées du bailleur par son employeur, la RATP. Après avoir visité le logement qui lui plait, il apprend par la suite que son dossier est rejeté par la commission d’attribution des logements.
Une employée de Logirep, qui occupe le poste de « conseillère clientèle »aurait justifié la décision par l’origine africaine du guichetier de la RATP, en ajoutant « qu’il y avait déjà assez de noirs dans cette tour ».
La conversation téléphonique enregistrée par la mère du plaignant, qui vivait avec lui, a été versée au dossier et a permis de conduire à l’ouverture d’une information judiciaire.


Fichage ethnique

Durant leurs auditions, les quatre membres de la commission d’attribution ont affirmé que le dossier du demandeur n’était  pas prioritaire.
Mais durant les investigations des enquêteurs, des documents ont montré que Logirep conservait un fichier informatique comportant des informations sur les origines raciales de leurs locataires, comme " Alg"pour Algérie ou "Gy" pour Guyane ce qui est interdit par la loi.
Logirep compte plus de 36 000 logements.
C’est la deuxième fois, en France, qu’un bailleur social est poursuivi pour fichage ethnique. Le premier a l'être a été l'OPAC de Saint-Etienne.(voir encadré).


Une sanction lourde pour marquer les esprits

« Nous demandons une très lourde sanction financière au bailleur social pour que la sanction soit non seulement exemplaire mais corresponde à l’importance de cette société HLM »." Nous attendons aussi que la justice envoie un message fort et espérons que le procureur demandera une sanction très lourde et à la hauteur du délit, une peine qui doit être plus lourde que celle à l'encontre de l'OPAC de Saint-Etienne", ajoute Samuel Thomas.
Du côté du bailleur, on déplore "un acharnement". 
Il aura fallu attendre presque neuf années pour que le procès ait lieu.
« Nous avons subi énormément de pression de la part du bailleur qui a tout fait pour étouffer l’affaire» précise Samuel Thomas
Le délit de discrimination et fichage ethnique est passible d’1,5 millions d'euros.
SOS Racisme contre l’OPAC de Saint-Etienne
Le 18 décembre 2008, l’OPAC de Saint-Etienne, organisme HLM, est jugé pour discrimination raciale et fichage ethnique des locataires et demandeurs de logement.
SOS Racisme a déposé plainte le 15 mars 2006 en s’appuyant sur un rapport de juillet 2005, de la mission interministérielle d’inspection du logement social, qui reprochait à l’OPAC de Saint-Etienne sa « grille de peuplement » pour chaque immeuble dans lequel elle répertoriait « l’origine ethnique des titulaires du bail, distinguant Maghreb, Afrique, Asie » en se fondant sur le « nom patronymique » des populations logées.
Au total, prés de dix mille personnes ont été ainsi victime de fichage ethnique et de discrimination.
La société a été condamnée à une peine avec sursis de 20 000 euros d’amendes.