Procès Elisor : les mots du père

Claude Elisor avec sa fille Fabienne
Quatrième jour du procès des meurtriers présumés de Claudy Elisor, le DJ guadeloupéen tué au Blanc-Mesnil, lors d'une soirée de réveillon, le 1er janvier 2011. Pour la première fois, devant la cour d'assises de Bobigny (93), le père de la victime a pris la parole. Il a tenu s'adresser aux accusés.
Il est quatorze heures, c'est la reprise. Au tour d'Alassane Diop de s'expliquer. Une nouvelle fois, le président essaie de décortiquer son emploi du temps des 31 décembre 2010 et 1er janvier 2011.
 
Il veut savoir : avec qui a-t-il échangé au cours de la fameuse nuit ? Les enquêteurs ont retrouvé la trace d'échanges téléphoniques. Alassane Diop a tout oublié ou presque. Comme l'accusé principal, Diop est long et mince. Il garde ses pouces dans les poches. Quand il dit "j'me souviens plus", il les sort, et mime le geste de se frotter les mains. 
 

Une matinée très technique

Sur son banc, un homme, le menton sur l'estomac, s'est endormi : un proche de la partie civile, qui a témoigné à la barre le deuxième jour. Dans le box des accusés, Amadou Fall, peine à réprimer un bâillement. Par intermittence,  les averses résonnent sur les vitres du plafond.
 
Plus tôt dans la matinée, on a parlé bornage et saturation de réseaux de téléphonie mobile, en présence d'un ingénieur télécom. Peu après l'agression du Château d'Egypte, la salle de fêtes du Blanc-Mesnil, les deux accusés ont émis et reçu des messages. Impossible pour autant de connaître leur contenu, ni même de localiser les téléphones avec précision.   
Les échanges se sont révélés très techniques : même les accrochages, presque devenus rituels, entre l'avocate générale et  Me Bentahar, défenseur d'Alassane Diop, n'ont pas suffi à pimenter les débats.
 

Claude Elisor à la barre

"C'est  le moment de vous livrer!" Pour la première fois depuis l'ouverture du procès, Me Portejoie, refait irruption dans la salle. De sa voix chaude et puissante, il s'adresse à son client. Amadou Fall, tremblant, répète qu'il est innocent. Me Portejoie n'insiste plus.
 
Alors Claude Elisor, le père de Claudy, se lève.  Il demande au président s'il peut s'adresser directement aux accusés. "J'ai été jeune, comme vous. Vous êtes jeunes et vous êtes très bien physiquement".
Alassane Diop le regarde, il acquiesce. Amadou Fall, assis, écarte les jambes et prend sa tête entre ses mains.
"Si vous voulez vous reconstruire, poursuit Claude Elisor, c'est le moment de dire la vérité". "Vous irez en prison, vous allez payer… mais vous allez sortir. Et vous allez vous reconstruire".
 

"Moi aussi, j'ai une famille"

D'une voix douce et posée, le sexagénaire aux cheveux grisonnants  raconte avoir quitté la Guyane, où il résidait avec son épouse, pour retourner vivre en Guadeloupe "auprès de gens qui ont connu Claudy".  Il leur parle de sa douleur, de celle de sa femme dépressive. De sa belle-fille et de ses petits-enfants : "Imaginez-vous un instant. Ces deux enfants ne reverront jamais leur père !"
 
Dans la salle, les yeux sont embués. Claude Elisor veut savoir. Si ce n'était pas eux, alors qui ?  "Ça a assez duré, ne repartez pas avec ça sur la conscience. Je vous en supplie, dites la vérité !"
 
Amadou Fall tient toujours sa tête. Il pleure à chaudes larmes, évite encore de croiser le regard du père de la victime. Quand il prend la parole, ses yeux sont écarlates. Il bredouille. "Je suis vraiment désolé. Moi aussi j'ai une famille. Si j'étais pas venu à la salle la première fois, ça ne se serait pas passé comme ça".
 
Soudain, dans le public, une femme se dresse. "Je peux parler ?" C'est la mère d'Amadou Fall. Elle qui, mardi, corroborait la version de son fils . Le président refuse. "Non. Pas à ce stade". L'audience est suspendue.