François Bès : "C'est la première fois que le problème des prisons en Outre-mer est pris à bras le corps"

La prison de Majicavo à Mayotte, après les travaux de rénovation
Un rapport sans précédent sur les problématiques pénitentiaires en Outre-mer a été remis ce mardi à Christiane Taubira et à George Pau Langevin. Selon François Bès, coordinateur régional pour l'Outre-mer de l'Observatoire international des prisons, "ce rapport est un précieux outil". Interview.
Un constat accablant et 43 propositions pour améliorer la situation des prisons en Outre-mer, tel est l'objet d'un rapport sans précédent remis mardi à la garde des Sceaux, Christiane Taubira, et à la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin. François Bès est coordinateur régional pour l'Outre-mer de l'Observatoire international des prisons, une association qui a pour but de surveiller les conditions de détention dans les prisons. Pour lui, ce rapport (à consulter en bas de page) témoigne d'une prise en compte inédite des problèmes des établissements pénitentiaires ultramarins.

François Bès, coordinateur régional pour l'Outre-mer de l'Observatoire international des prisons
La1ere.fr : est-ce la première fois qu'un rapport dresse un état des lieux complet de la situation des prisons en Outre-mer ?
François Bès : Oui, c'est du jamais vu. Ce rapport est un outil très précieux. Ne serait-ce parce que beaucoup de situations catastrophiques que nous dénoncions depuis des années sont désormais décrites noir sur blanc. Jusqu'ici, beaucoup de choses étaient masquées. Là, on a le sentiment que les problèmes sont en passe d'être vraiment pris à bras le corps.
 
Parmi les 43 préconisations pour améliorer la situation des prisons en Outre-mer, y en a-t-il qui vous semblent plus urgentes que d'autres ?
Il y a un tel retard en Outre-mer que TOUT est urgent… Evidemment, il est indispensable de rénover les centres pénitentiaires, comme celui de Basse-Terre en Guadeloupe. Là, on a dépassé le stade de l'urgence depuis des siècles…
Mais la priorité des priorités, ce n'est pas construire de nouvelles cellules. Pour moi, le plus important, c'est de favoriser les aménagements de peine, les alternatives en milieu ouvert, afin de désengorger les prisons. Malheureusement, le rapport fait peu de propositions en ce sens. (La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a rappelé mardi que les aménagements de peine étaient accordés dans moins de 10% des cas en Outre-Mer contre 20% au niveau national, ndlr).

Ne craignez-vous pas que ce rapport reste lettre morte ?
Nous attendons désormais un vrai programme chiffré. Combien de postes, combien de places en plus ? C'est ça que je veux savoir. La garde des Sceaux ne fera pas d'annonces avant le mois de septembre, ça me semble loin. Mais il faut saluer le fait que plusieurs chantiers sont déjà lancés, comme la rénovation du centre pénitentiaire du Camp Est à Nouméa, ou celle de la prison de Majicavo à Mayotte (une première extension a été réalisée en juin dernier, la fin des travaux est prévue pour juin 2015, ndlr).
 
A propos de Mayotte, vous confirmez que la situation des détenus mineurs s'est améliorée depuis le mois d'avril ? (Trois d'entre eux avaient tenté de se suicider en l'espace de quinze jours.)
Sur le plan matériel, ça va mieux, c'est indéniable. Ils ne sont plus entassés dans les cellules comme auparavant. Mais là où la situation ne s'est absolument pas améliorée, c'est sur le plan de la protection judiciaire de la jeunesse. On manque de foyers, de structures éducatives... Pour beaucoup de mineurs, il n'y a que deux possibilités : c'est la rue, ou en taule.