Théâtres d’Outre-mer en Avignon : "Katerpilar"

Les comédiennes Cécile Fontaine, Cécile Hoarau et Manuela Zéziquel dans "Samdi soir pou oublié", au Festival "Off" d'Avignon le 10 juillet 2014.
Dernier article sur la présence des Outre-mer au Festival d’Avignon, dans le cadre des Théâtres d’Outre-mer en Avignon (Toma) et du Festival "Off". Aujourd’hui, "Katerpilar", une comédie réunionnaise décoiffante en deux volets. 
"Katerpilar" est un diptyque coproduit et réalisé par le Centre dramatique de l’océan Indien ("Samdi soir pou oublié", "Mésyé Dijoux") et Cyclones Production ("Mésyé Dijoux"). Ces deux pièces ont pour cadre la Réunion.
 

Dialogues hilarants

« Samdi soir pou oublié », mise en scène par l’auteur et comédienne Lolita Monga, est une pièce inspirée de faits réels, le licenciement brutal des ouvriers de l’usine Daewoo en France, en 2002, raconté par François Bon dans son livre "Daewoo" (Le Livre de poche, 2008).
 
La comédie fait écho à cette situation, renvoyant à des faits similaires qui ont déclenché des luttes sociales à la Réunion. Sur scène, trois ouvrières licenciées  évoquent leur passé et leur quotidien. La recherche d’un travail, les difficultés à joindre les deux bouts, la vie à l’usine, le combat syndical, et la mémoire de leur amie Sylvia, disparue dans des conditions tragiques. Les filles font aussi la fête "pou oublié", pour conjurer la peine.
 
Entre rires, larmes et imprécations, la pièce est jouée en créole réunionnais, ce qui donne toute sa saveur à des dialogues hilarants. Une traduction simultanée est diffusée sur deux panneaux géants de chaque côté de la scène. Le spectacle, auquel s’ajoute parfois de la vidéo, est drôle et réjouissant. Mais ne manque pas d’égratigner le cynisme et la cupidité d’un système économique et politique qui exploite puis jette les plus vulnérables lorsqu’ils ne lui sont plus d’aucune utilité.
 

EXTRAIT : "Samdi soir pou oublié" (Centre dramatique de l’océan Indien), Avignon, 10 juillet 2014

 

"Mésyé Dijoux", deuxième volet du spectacle "Katerpilar", enchaîne harmonieusement et sans interruption à la suite de "Samdi soir pou oublié". Même plateau et même format avec traduction synchronisée, la pièce étant également jouée en créole. Les actrices ont quitté la scène. Se retrouve un comédien, seul.
 

Destins croisés 

Nous sommes en 1966 à la Réunion, en pleine campagne électorale de Michel Debré, une des icônes de la République française. Un petit malin, ce Michel Debré, apprend-on dans la pièce, qui, battu aux élections législatives de 1962 dans l’hexagone, décide de se présenter à la Réunion après l'invalidation d’un scrutin local en 1963. Banco ! Il demeurera député de la Réunion durant 25 ans sans interruption, cumulant bien sûr avec d’autres hautes fonctions ministérielles. C’est lui qui sera à l’origine du déplacement de plus de 1600 enfants réunionnais vers la métropole entre 1963 et 1982.
 
La pièce évoque les destins croisés de monsieur Dijoux, un simple factotum du maire local, et de Michel Debré, un "grand serviteur de l’Etat", comme le veut la formule consacrée. Destinées forcément divergentes dans une Réunion où la politique, l’église et les rapports sociaux de l’époque sont décrits de manière irrévérencieuse et iconoclaste, dans un one man show parfaitement maîtrisé.
 

EXTRAIT : "Mésyé Dijoux" (Centre dramatique de l’océan Indien et Cyclones Production), Avignon, 10 juillet 2014



« Katerpilar » (diptyque, la Réunion)

Tous les jours à 19h45 jusqu'au 27 juillet à L'Entrepôt (1 ter Bd  Champfleury, Avignon). Durée 1h30 (relâche les 14 et 21 juillet)

1. « Samdi soir pou oublié » ; d’après « Daewoo » de François Bon ; mise en scène : Lolita Monga ; avec : Cécile Fontaine, Cécile Hoarau et Manuela Zéziquel. Production : Centre dramatique de l’océan Indien.
2. « Mésyé Dijoux » ; texte de Sully Andoche ; mise en scène : Luc Rosello ; avec Nicolas Givran et Loran Hoarau. Production : Centre dramatique de l’océan Indien et Cyclones Production.