C'est un petit bout de terre de 7km², bordé de plages de sable blanc, où personne n'habite. La Grande Glorieuse, petite île des Éparses, accueille toutefois 20 à 30 personnes tous les deux ou trois ans. Rencontre avec quelques touristes chanceux.
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Éric Ribier ne détache plus son regard de cette bande de sable blanc, là tout près. Le navire mouille devant Grande Glorieuse, petite île des Éparses, où il retourne comme touriste émerveillé, 34 ans après y avoir été militaire. "Quand on a 20 ans, on s'engage pour aller en opération et là, je me suis retrouvé en vacances", raconte ce jardinier-paysagiste.
Jeune caporal-chef, il voulait partir en Afrique et a échoué non loin, sur cet îlot corallien du nord du canal du Mozambique. Les souvenirs d'Éric défilent: les baignades dans le lagon translucide, la chasse aux requins citron, les "patrouilles avec un fusil, un coca, un bouquin et un coupe-coupe pour les noix de coco".
Jeune caporal-chef, il voulait partir en Afrique et a échoué non loin, sur cet îlot corallien du nord du canal du Mozambique. Les souvenirs d'Éric défilent: les baignades dans le lagon translucide, la chasse aux requins citron, les "patrouilles avec un fusil, un coca, un bouquin et un coupe-coupe pour les noix de coco".
Grande Glorieuse, comme les autres îles Éparses, sont devenues des zones protégées, un parc naturel marin y a même été créé en 2012. Plus de pêche, plus de chasse et plus le droit de se baigner. Sauf pour les touristes, espèces rares dans ces contrées inaccessibles sauf autorisation express des autorités françaises.
"Aller partout"
Le meilleur sésame reste d'embarquer à bord du Marion-Dufresne, mythique ravitailleur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), qui ont depuis 2007 la gestion de ces cailloux tropicaux. Et ce navire y passe une fois tous les 2 ou 3 ans, pour le moment. Autant dire jamais pour des gens pressés comme Charles Veley, américain de 48 ans, à la tête d'une entreprise de micro-stratégie cotée au Nasdaq comptant 3.500 employés. Millionnaire quand il était tout juste trentenaire, il a décidé d'aller "partout".
"Le monde entier compte 875 pays, enclaves, territoires et archipels isolés. Moi, j'en ai déjà fait 835. Et je peux vous dire que les Éparses sont particulières", affirme Charles, embarqué incognito pour cette croisière de 12 jours.
Il n'était pas le seul à arpenter le pont du navire ou les plages désertes un téléphone satellitaire à l'oreille, tachant de déjouer les nuages ou le vent pour suivre ses affaires. Bruno Rodi, un italo-canadien toujours en pantacourt et tongs, a ainsi "finalisé l'achat de Bixi", la compagnie de vélos en libre-service de Montréal, "là, sur le bateau".
Lui aussi fait partie du club très select des "Most Travelled People" (les plus grands voyageurs) et attribue sa fibre écologiste naissante à la beauté des innombrables sites naturels qu'il a arpentés sur le globe, d'un pôle à l'autre.
Voyage de privilégiés
A l'inverse, Bernard, informaticien à la retraite, aura pris son temps. Lui est monté à bord du Marion-Dufresne pour concrétiser un rêve de gosse: voir un albatros, en hommage au poème éponyme de Baudelaire appris à l'école. Son premier voyage fut donc vers Kerguelen et "les Éparses, c'était la suite logique", explique ce marcheur solitaire.
"Quand on pense qu'il y a 7 milliards d'humains et que les Eparses sont visitées par 20 personnes tous les 2 ou 3 ans, c'est vraiment un voyage de privilégiés!", s'enthousiasme-t-il.
Hormis la réunion inédite de quatre riches passagers lors de cette édition, le visiteur "classique" casse sa tirelire: organisée à la dernière minute, cette rotation - qui a toujours un but premier logistique- a été proposée à 4.000 euros en cabine individuelle, pension complète sur ce bateau de prestige qui dispose d'un chef cuisinier, d'un bar et d'une cave à vins.
Passion territoires isolés
Un tarif avantageux que les TAAF se vantent de pratiquer aussi pour la tournée de Crozet-Kerguelen-Saint Paul et Amsterdam à 8.300 euros. "Si on se mettait au prix du marché on serait plutôt vers 11.000 euros", souligne Philippe Mistral, chargé du tourisme aux TAAF. "C'est un choix: donner accès à ces territoires, pour avoir des "ambassadeurs" de leurs richesses".
Et souvent une fois ne suffit pas. C'est le cas des "drôles de dames", ces quatre-là qui se sont rencontrées il y a deux ans dans les îles subantarctiques. La première qui a eu l'information de cette rotation exceptionnelle l'a vite fait circuler.
Accoudées au bastingage, Delphine, 49 ans, dentiste à la Réunion, Véronique, 35 ans, ingénieur d'études sanitaires en Bourgogne, Marie-France, 65 ans, rentière et Hélène 52 ans, ingénieur en recherche et développement se laissent ébouriffer par une chaude brise. Les cheveux dans les yeux, Delphine lâche: "On attend maintenant qu'ils ouvrent la Terre Adélie".