Une enzyme paralysant les bactéries découverte dans les sources chaudes d’un volcan

Modèle moléculaires de la structure de l'enzyme SSOPOX
L’Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales de la faculté de la Timone à Marseille vient de rendre publique une découverte étonnante. Une enzyme que l’on trouve dans les sources chaudes du Vésuve permet de paralyser les infections. Les applications sont nombreuses.
Professeur Eric Chabrière
Nom de code : SSOPOX. Le Sufolobus Solfataricus Paraoxonase est une enzyme étonnante. Son promoteur, le Professeur Chabrière (en photo) contacté par La1ere.fr est lui-même émerveillé par les vertus et les nombreuses applications pratiques du SSOPOX. Pendant son service militaire au service de santé à Grenoble en 2004, ce médecin s’était vu confier par l’armée une mission peu banale : travailler sur une enzyme capable de vivre dans des températures de 100° et soupçonnée d’empêcher la communication entre bactéries.
 

Biologie moléculaire

"Une bactérie seule est inoffensive, explique le professeur Chabrière. En revanche, quand elles se regroupent, elles construisent un château imprenable et provoquent des infections ". Or le SSOPOX parvient à empêcher la communication entre bactéries. Une enzyme est une protéine accélérant les réactions chimiques de l'organisme. "Pour rendre efficace et performante cette enzyme, précise le professeur Chabrière, il faut la modifier en utilisant des techniques très sophistiquées de biologie moléculaire. Et puis bien sûr, il en faut des milliards et des milliards car les enzymes sont microscopiques".
Modèle moléculaire de la structure de l'enzyme SSOPOX

Pourquoi pas aux Antilles et à La Réunion ?

Jusqu’à présent, le professeur Chabrière et son équipe de l'URMITE (Unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales) dirigé par le professeur Raoult ont travaillé sur des enzymes recueillies dans les sources chaudes du Vésuve près de Naples en Italie. "Mais on pourrait certainement trouver le même type d'enzyme dans d’autres sources d’eau chaude", précise le médecin. Pourquoi pas aux Antilles ou à La Réunion où se trouvent des volcans ?
Le Piton de la Fournaise à La Réunion le 23 juin 2014

Lutte contre la mucoviscidose

Et les applications de cette protéine semblent innombrables.  "L’enzyme permet de restaurer la sensibilité aux antibiotiques. Elle présente donc un grand intérêt dans le traitement de la mucoviscidose, dont les décès sont principalement imputables aux infections bactériennes dans le poumon", a expliqué le Professeur Chabrière au quotidien La Provence.
 

Maladies nosocomiales et pisciculture

L’enzyme permet également de lutter contre les maladies nosocomiales (infections contractées à l’hôpital). Mais elle a d’autres applications plus surprenantes comme d’empêcher la formation de bactéries sur les coques de bateau et donc la formation d’algues. Il suffit de mettre des enzymes dans la peinture du bateau. "Elle peut aussi par exemple décontaminer en 5 mn des surfaces rendues toxiques par des insecticides utilisés de manière malveillante par des terroristes", ajoute le professeur Chabrière. Enfin dans la pisciculture, ces enzymes pourraient agir efficacement dans la lutte contre les bactéries.
Maladies nosocomiales expliquées par un chercheur de l'Institut Pasteur

Des pansements anti-bactériens

D’ici trois ans, cette enzyme devrait se retrouver dans des pansements anti-bactériens pour selon le responsable du laboratoire URMITE, "traiter les plaies chroniques sujettes aux infections telles que le pied diabétique ou les brûlures". Les chercheurs du laboratoire collaborent avec le groupe URGO afin de permettre au public de bénéficier des vertus de cette enzyme. "A priori, il n'y a aucun danger à utiliser ainsi des enzymes, souligne le professeur Chabrière qui se dit très optimiste dans ce dossier. Les enzymes sont des protéines que l'on trouve dans les oeufs ou la viande. Il n'y a pas de toxicité".