8 mois de prison avec sursis requis contre le légionnaire réunionnais

Le légionnaire réunionnais Philippe Fontaine et son avocat Dominique Mattei
Le procureur a requis une peine de 8 mois de prison avec sursis à l'encontre du légionnaire soupçonné d'avoir ordonné des tirs de balles traçantes à l'origine de l'incendie qui a détruit 1000 hectares dans les calanques en 2009. 
Son propos est aussi rare qu'hésitant, sa voix porte peu, ses déclarations tout en sous-entendus: le légionnaire Philippe Fontaine, rompu au terrain de la guerre, a souffert lundi sur celui de la justice, qui le soupçonne d'avoir indirectement causé un gigantesque incendie aux portes de Marseille en 2009.

Un gigantesque incendie aux portes de Marseille

Cet adjudant-chef chevronné de 48 ans est poursuivi devant la chambre militaire du tribunal correctionnel de Marseille pour avoir ordonné le 22 juillet 2009 dans le cadre d’un entraînement militaire des tirs de balles traçantes, interdites durant l'été. Ces tirs auraient provoqué un brutal embrasement, attisé par un vent violent, détruisant en trois jours 1000 hectares dans le parc national des calanques de Marseille. Bilan presque miraculeux : deux blessés, une seule maison dévastée, mais de nombreux jardins détruits.
 

8 mois avec sursis

Le procureur de la République, David Dufour a requis 8 mois de prison avec sursis, car  "il savait que l’usage des balles traçantes était interdit", mais il demande la relaxe concernant le chef de dégradation volontaire. "La condamnation d’un homme doit reposer sur des certitudes. Ces certitudes, je ne les ai pas", a déclaré le procureur.
 

Mal à l'aise

En uniforme, Philippe Fontaine a dû jouer les équilibristes, mal à l'aise, face aux questions de la présidente Lucie Chapus-Bérard. Il a d'abord reconnu qu'il était informé du règlement, figurant noir sur blanc dans un "cahier de consignes", sur l'interdiction de ces balles traçantes, sauf "autorisation" du commandant du camp. "Oui" encore, il avait "vu" les notes de l'instructeur qu'il avait remplacé au pied levé, attachées au calendrier de réservation du stand de tir.

 
Des soldats "destinés à partir"

"Mais j'ai voulu mettre cette instruction en parallèle avec les évènements extérieurs", a-t-il expliqué, du bout des lèvres : les cinq soldats qui lui sont confiés ce jour-là, sont en effet "destinés à partir", en l'occurrence en Afghanistan, quelques semaines plus tard. Et "je pense que mes chefs attendaient que cette instruction soit bien menée pour que les légionnaires soient prêts dans un cadre d'opération". Comprendre: la fin justifiait les moyens, quitte à prendre quelques libertés avec les règles...
 

Une hiérarchie absente au procès          

Volant à son secours, son avocat Dominique Mattéi, souvent à ses côtés à la barre où chaque seconde lui paraît une éternité, lui demande alors: "Craignez-vous de mettre en cause votre hiérarchie?" "Bien sûr", répond le militaire, plongé dans l'embarras. Ses supérieurs, absents au procès, se sont désolidarisés en stigmatisant son "indiscipline" et une "faute professionnelle".

Les balles traçantes au combat           

"Il fallait faire vite et bien, c'est cela?", l'interroge encore le procureur David Dufour. "Les missions se succédaient, il fallait entraîner les jeunes (...) au plus près de la réalité ", lui répond cet adjudant-chef qui dit en avoir vu beaucoup "tomber au combat". Philippe Fontaine est, il est vrai, de la trempe des guerriers : ex-Yougoslavie, Afghanistan, République centrafricaine, il a couru les conflits et empilé les félicitations. Et il sait d'expérience que les balles traçantes sont beaucoup utilisées sur ces terrains-là. "Une balle traçante, c'est d'abord pour désigner un objectif. Et quand vous êtes au combat, cela vous dit aussi que votre chargeur est presque vide", détaille ce tireur d'élite, 

"C'est pas mon tir..."

Utiliser ces balles ce jour-là était donc "la meilleure chose" à faire, conclut-il. D'autant qu'à ses yeux, il était "impossible", à une si courte distance de tir (25 mètres maximum), que ce type de balles puisse provoquer un incendie. "Il ne pouvait y avoir de ricochet hors de la cible", affirme-t-il. Une expertise balistique a pourtant prouvé le contraire: la haute capacité incendiaire de ces projectiles est établie, au vu de leur composition pyrotechnique et expliquerait "très vraisemblablement" l'incendie. "C'est pas mon tir...", continue toutefois de déclarer le légionnaire, aujourd'hui en poste au régiment étranger de parachutistes à Calvi, et qui se "lève tous les jours avec ça depuis cinq ans".