La "fesse cachée" de Francky Vincent, qui règle ses comptes avec la Guadeloupe

Le chanteur guadeloupéen Francky Vincent publie son autobiographie, intitulée "Ma fesse cachée" (éditions Vents Salés, mai 2015).
Le chanteur guadeloupéen aux mélodies salaces se livre dans une volumineuse autobiographie. Comme il le souligne dans son récit, il tient à appeler « un chat, un chat, mais aussi une chatte, une chatte ». Et règle durement ses comptes avec son île natale. 
Si vous souhaitez tout savoir, mais vraiment tout, et dans les moindres détails, de la vie et de l’œuvre de Francky Vincent, alors lisez son autobiographie. Sinon, passez sans regret votre chemin, l’ouvrage n’est pas un document inoubliable. On se languit bien souvent au fil des 418 pages, et à moins d’un intérêt particulier pour son auteur, il faudra une certaine dose d’abnégation pour aller jusqu’au bout.
 
Ceci dit, Francky Vincent étant né en 1956, le livre compte malgré sa longueur nombre d’informations intéressantes, pour les lecteurs d’une autre génération ou qui ne connaissent pas la Guadeloupe, sur les années 60 et 70 notamment, années de jeunesse du chanteur. On plonge dans une Guadeloupe rurale, en majorité sans eau courante ni électricité, où l’obtention d’un BEPC relève alors d’une consécration. Les défauts de la culture locale - la jalousie, la méchanceté gratuite, l’intolérance - selon Francky Vincent, sont étrillées sans pitié. Ses voisins de l’époque en prennent en particulier pour leur grade, traités d’ « enfoirés », de « stupides », d’ « abrutis », et de « la grosse merde au niveau mentalité ».
 

Premiers émois érotiques

On n’échappe évidemment pas aux premiers émois érotiques du jeune Francky - son fonds de commerce - qui raconte avec force détails sa première expérience sexuelle avec une certaine M.C., « jeune femme archiconsentante » qui « avait tout organisé pour qu’on mette papa dans maman ». Bien d’autres aventures suivront, on s’en doute, racontées avec complaisance et autosatisfaction. Les heureuses élues se reconnaîtront, pas toujours sous leur plus bel aspect.
 
Il y a aussi la passion de Francky pour la musique, ses influences, son premier groupe « Les Mercenaires du Raizet », le décollage de sa vie de chanteur professionnel à l’âge de 22 ans, et ce premier succès au titre prémonitoire, « La braguette d’or » ! Au cours de ses quarante ans de carrière, qui n’est pas finie, Francky Vincent croisera et travaillera avec tout le gratin du show biz et de la télé, ainsi que la plupart des plus célèbres musiciens français. Son refrain « Vas-y Francky c’est bon » est toujours aussi populaire et sa compilation « Fruit de la passion » se vendra à plus de 500.000 exemplaires. Bravo l’artiste !
 

Extraits

« J’avais l’intime conviction que mes petites histoires cochonnes en chansons intéresseraient dans un premier temps le peuple, mais pas les bourgeois qui étaient carrément faux-culs. Et si je continuais sur ma lancée ? Et si je persistais lourdement ? Ne serait-ce pas un défi de me faire admettre avec ma gouaille, ma verve, ma dérision, mon autodérision, afin de convaincre tout ce beau monde faussement coincé, que ma détermination était inébranlable ? Il me semblait qu’un univers ludique devait s’installer entre mes détracteurs et moi. (…) J’avais choisi mon créneau en n’en démordant pas, et en m’y tenant avec détermination, histoire d’emmerder ces faux Antillais, particulièrement les Guadeloupéens chantant pendant le carnaval des chansons vulgaires à gorge déployée pour après, ni vu ni connu, me toiser, ou bien changer de trottoir en évitant de croiser mon regard. »
 
« C’est cette jalousie bête, gratuite et méchante pourrissant la société antillaise qui m’exaspère. Cette mentalité de merde transmise à leurs enfants et qu’ils cultiveront de génération en génération. Et si on appréciait nos célébrités artistiques, sportives, intellectuelles et autres, qui grâce à leurs talents et performances honorent les départements d’Outre-mer, et si on voulait vraiment empêcher que cette jalousie stupide à deux balles nous étouffe ? »
 
« Quand je ne serai plus de ce monde hypocrite, je veux qu’on m’enterre à Paris, au cimetière du Père-Lachaise. Des artistes célèbres y reposent en paix. C’est gratifiant, après une longue carrière d’artiste populaire, de savoir qu’il y a toujours des fans, des vrais, qui fleurissent la tombe de leur idole. Je ne veux surtout pas que l’on m’enterre en Guadeloupe, d’une part parce que mes enfants vivent en France, d’autre part parce que ma tombe serait négligée, ignorée par ceux qui soi-disant m’appréciaient, et serait profanée par ceux qui me détestent. Ces derniers s’amuseraient à y jeter leur mauvais sort, et à pisser dessus. »
 

Francky Vincent, « Ma fesse cachée » - éditions Vents salés, mai 2015, 418 pages, 23 euros.