"Air cocaïne" : les avocats des pilotes refusent d'évoquer l’itinéraire de l’évasion par Saint-Martin et la Martinique

Conférence de presse de Pascal Fauret, pilote de l'avion, deux jours son évasion de la République dominicaine
Les deux pilotes condamnés pour trafic de cocaïne en République dominicaine ont refusé de dévoiler les conditions de leur retour en France. L'un des deux pilotes, Pascal Fauret, affirme vouloir s'en remettre à la justice française. La République dominicaine demandera leur arrestation.

"ils sont partis, ils ont pris la fuite, et ils ont eu raison de le faire."

La décision des pilotes français de fuir la République dominicaine où ils avaient été condamnés pour trafic de cocaïne relève d'"initiatives personnelles" a précise Eric Dupond-Moretti, l’avocat de Pascal Fauret, l'un des deux pilotes, à l'occasion d'une conférence de presse organisée cet après-midi et à laquelle participaient le pilote, son épouse, Jean Reinhart, son avocat historique, ainsi que le patron du comité de soutien Philippe Henneman. L'avocat qui a ajouté par ailleurs "ils sont partis, ils ont pris la fuite, et ils ont eu raison de le faire."

Maitre Dupond-Moretti a voulu tordre le cou à la rumeur selon laquelle la France aurait joué un rôle dans l’organisation de cette fuite. Le ministère des Affaires étrangères a d'ailleurs assuré que la France n'était pas impliquée dans l'exfiltration des deux hommes, qui étaient libres sur l'île des Caraïbes, mais sous contrôle judiciaire. "Leur décision est un acte individuel dans lequel l'Etat n'est nullement impliqué", a indiqué son porte-parole.

"Ce sont des initiatives personnelles. Ce n'est pas une équipe barbouzarde qui aurait été payée par l'Etat français", a renchéri Me Eric Dupont-Moretti, l'un des avocats des pilotes. Avant d’ajouter que cette "évasion" n'a "pas été faite seule", "des gens sont impliqués." Selon lui, leur départ "ne constitue absolument pas une infraction" en France. L'avocat qui a ajouté par ailleurs "ils sont partis, ils ont pris la fuite, et ils ont eu raison de le faire."
Maitre Dupond-Moretti, avocat de l'un des deux pilotes

Une évasion rocambolesque par Saint-Martin et la Martinique

C'est par bateau que les deux pilotes ont d’abord rejoint l’île antillaise franco-néerlandaise  de Saint-Martin avant de prendre un premier avion pour la Martinique et un deuxième pour regagner la France  durant le week-end, selon une source proche du dossier.
Pascal Fauret et Bruno Odos ont déjoué leur contrôle judiciaire pour s'échapper avec la complicité de deux ex-agents de la DGSE, le renseignement extérieur, et un homme politique français, selon BFM TV. « Les deux pilotes ont prétexté faire une balade touristique en mer, dans un petit bateau de plaisance, accompagnés par un ancien marine et le politique français. Durant la promenade, ils ont été abordés par un bateau plus imposant, à bord duquel se trouvait le reste du commando. Ils ont passé plusieurs jours en mer, avant d'arriver sur l'île Saint-Martin, aux Antilles », raconte BFM TV.

Les deux Français auraient ensuite pris un avion de ligne grâce à des passeports fournis par « les anciens militaires ». « Ils ont ensuite atterri à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, samedi après-midi, avant de rejoindre leurs familles » dans la région lyonnaise.

Leur avocat a pris contact avec la juge d'instruction

Un autre de leurs avocats, Jean Reinhart, a demandé que ses clients, tous deux anciens de l'Aéronavale reconvertis dans le civil, "puissent être entendus rapidement" par la juge d'instruction chargée à Marseille de l'enquête française, ouverte après l'interception en 2013 d'un avion bourré de cocaïne en République dominicaine. Les deux avocats veulent réaffirmer avec force l'innocence de ces deux pilotes victimes selon eux "d'une procédure qui n'était pas équitable."

Une dizaine de personnes sont mises en examen notamment pour importation de stupéfiants en bande organisée dans ce volet marseillais, dont les deux pilotes. "Leur avocat a pris contact avec la juge d'instruction", a confirmé le parquet de Marseille, qui a promis de prochaines "décisions".

Ce soir, on apprend que la République dominicaine lancera un mandat d'arrêt international contre les deux pilotes français annonce le procureur général Francisco Dominguez Brito. "Nous nous préparons à lancer un mandat d'arrêt international contre les pilotes impliqués", Pascal Fauret et Bruno Odos, condamnés à 20 ans de prison mi-août pour
trafic de cocaïne et qui avaient interdiction de quitter le territoire dominicain.
Les rebondissements d'une affaire rocambolesque
  • Nuit du 19 au 20 mars 2013: La police dominicaine, renseignée notamment par les Etats-Unis, saisit 26 valises contenant 680 kilos de cocaïne à bord d'un Falcon 50 sur le tarmac de l'aéroport de Punta Cana (est de la République dominicaine). Parmi les personnes arrêtées, quatre Français: les deux pilotes âgés d'une cinquantaine d'années, Pascal Fauret et Bruno Odos, et deux passagers, Nicolas Pisapia et Alain Castany.
  • 4 avril 2013: la justice dominicaine place en détention provisoire pour un an les quatre Français qui crient leur innocence.
  • 25 février 2013: le principal syndicat français de pilotes de ligne, le SNPL, appelle les pilotes français à ne plus assurer les liaisons vers la République dominicaine. Boycottage levé moins de deux mois plus tard.
  • 3 mars 2014: le chef de la diplomatie française Laurent Fabius proteste officiellement contre les multiples reports du procès (plus d'une dizaine). En détention depuis onze mois, les prévenus n'ont encore jamais été entendus par un juge.
  • 17 juin 2014: les quatre prévenus sont relâchés dans l'attente de leur procès avec interdiction de quitter l'île.
  • 14 août 2015: les quatre Français sont condamnés à 20 ans de prison pour trafic de drogue, les plus lourdes sanctions dans le procès qui implique 14 personnes au total. Ils restent en liberté dans l'attente de leur appel.
  • 27 octobre 2015: l'avocat des deux pilotes annonce qu'ils ont bravé l'interdiction de quitter l'île et sont en France auprès de leur famille "dans la région lyonnaise". Ils souhaitent "être entendus rapidement" par la juge d'instruction chargée de l'enquête française à Marseille. Les deux autres Français condamnés, le passager Nicolas Pisapia et l'apporteur d'affaires Alain Castany, sont toujours en République Dominicaine.