Ce jour-là, El Anfani Abdallah a fermé de l'intérieur la porte de sa chambre et ne l'a plus jamais ouverte. Depuis, personne ne s'est inquiété de son absence «Cela faisait plusieurs semaines que nous sentions des odeurs bizarres" affirmait alors l’un de ses voisins dans La Voix du Nord. "Nous l’avions signalé aux personnes chargées de l’entretien.»
Le corps gisait sur son lit, sous des couvertures
La dépouille a finalement été découverte, par hasard, lors d'un banal traitement de désinsectisation. Le corps du jeune homme gisait sur son lit, sous des couvertures. L'autopsie n’a pu déterminer avec précision la date de décès, ni ses causes tant la décomposition était avancée. Seule certitude, "le cadavre n’a pas subi de traumatisme, pas de trace de lutte, rien ne semble suspect" indique Bruno Dieudonné, le Procureur adjoint de Lille, contacté par La1ere.fr. "Les analyses entomologiques, toxicologiques et d’ADN sont actuellement en cours" ajoute le Procureur adjoint, pour préciser les circonstances du décès du jeune homme qui n’avait pas de famille en Métropole.
Un drame
L'histoire d'El Anfani Abdallah pourrait être celle de plusieurs centaines de jeune Mahorais qui viennent chaque année en Métropole pour suivre des études. Malheureusement, la sienne s'est terminée par un drame. Le jeune Mahorais avait effectué une première année en sciences économiques à l’Université Lille 1. Mais cette année, "il ne s’était pas réinscrit" nous indique le Centre Universitaire qui ajoute qu'"il n'avait pas régularisé son loyer."
Une mère inquiète
Au mois de juillet, la maman du jeune homme qui s'inquiétait de ne pas avoir de nouvelles de son fils aurait alerté un ancien étudiant de Lille devenu policier à Mayotte. Ce dernier prend contact avec l'association des Mahorais de la Métropole lilloise. "La police est allée voir le gamin, il a alors affirmé qu'il allait bien, qu'il n'y avait pas de problème mais qu'il voulait rester dans son coin" précise le Président de l'association, Tcheck Mattoir, qui ne s'inquiète pas outre-mesure et respecte la volonté d' El Anfani Abdallah.
Il ne parvenait pas obtenir les aides de Ladom et de la DASU
Derrière cette volonté apparente de rester seul, il y a une réalité bien plus préoccupante. Selon Tcheck Mattoir, le jeune homme ne parvenait pas à percevoir l'aide financière de Ladom, l'Agence De l'Outre-mer pour la mobilité et la DASU, une bourse pour aider les étudiants qui poursuivent leurs études hors Mayotte. Un paradoxe puisqu'il l'avait perçu lors de sa première année d'étude et que le renouvellement aurait du être une simple formalité. "Cette fois, les services de Ladom lui demandaient de se présenter en personne à Mayotte pour les formalités administratives étant donné qu'il était majeur" précise Tcheck Mattoir. "Une aberration" ajoute t-il. "Comment peut-on exiger sa présence à Mayotte alors qu'il est à Lille pour poursuivre ses études." Sa maman se présente à plusieurs reprises au Conseil départemental mais "elle était mal reçue, se faisait se balader d'un service à l'autre et n'obtenait aucun résultat."
Une première alerte au mois d'août
Sans argent, malgré les efforts de sa maman pour lui adresser, lorsqu'elle le pouvait, une centaine d'euros, El Anfani Abdallah s'isole et s'enferme dans une profonde solitude qui auront des conséquences sur sa santé. Au mois d'août il est hospitalisé pour des "troubles psychologiques" et n'a même pas pu aller à la Poste récupérer le peu d'argent que pouvait lui envoyer sa mère. "Le mandat est revenu à Mayotte", précise Tcheck Mattoir. Loin de se rétablir, El Anfani Abdallah s'enfonce dans la solitude et l'isolement jusqu'à ce jour où il ferme définitivement la porte de sa chambre.
Une page Facebook
Un rassemblement à la mémoire d'El Anfani Abdallah aura lieu le 14 novembre à Lille et une page Facebook a été ouverte pour soutenir la famille du jeune homme. Les réactions sont nombreuses sur cette page, comme l'illustrent cette sélection de messages :
Précisions de Ladom
Interrogé à Mayotte par Toufaili Andjilani (Mayotte 1ère), le directeur de Ladom précise que l'organisme n'est pour les étudiants qu'un acheteur de billet sur la base de critères bien définis. L'étudiant doit avoir une notification de bourse et un rendez-vous d'inscription à la fac. C'est ainsi que El Anfani a pu bénéficier du passeport mobilité pour venir en Métropole. Et depuis, selon le directeur, il ne s'est jamais manifesté, il n'a même pas renvoyé l'attestation définitive de bourse et un certificat de scolarité. Donc soit l'étudiant n'avait pas fait les démarches auprès du Crous et de l'université soit il n'a rien renvoyé par négligence. Ladom précise également que l'étudiant n'est pas venu en vacances l'été alors qu'il aurait pu faire la demande d'un billet (à condition de donner un certificat de scolarité et une attestation de bourse). Toujours selon le directeur de Ladom lorsque la maman, sentant les problèmes d'adaptation de son fils en Métropole, est venu voir les services de Ladom pour un retour définitif de son enfant , Ladom a répondu que dans la mesure ou il est majeur, c'est à lui de faire la demande par un simple mail accompagné de sa pièce d'identité et de son certificat de scolarité. Cela n'a jamais été fait. Quant à la Dasu (Direction des Affaires Scolaires et Universitaires du département), elle n'accorde pas de bourse aux étudiants mais un complément de bourse. C'est une fois que l'étudiant a la bourse nationale du Crous que le département lui octroie un complément (l'équivalent du 1/3 de la bourse nationale). Il s'avère que l'étudiant en question n'a jamais fourni au service de la Dasu une attestation de bourse nationale donc il n'a pas de dossier auprès de ce service.